Ah… Pourim ! Cette fête où tout est joie, rires et cotillons… et où on atteint le pic de la pression sociale ! C’est le moment de l’année où on ne peut pas tricher : si on n’est ni une pâtissière hors pair ni une pro du maquillage-coiffure, alors nos “lacunes artistiques” éclateront au grand jour, sous le regard affûté des mères parfaites et de leurs enfants impeccablement apprêtés.
En Israël, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, on doit préparer une bonne quinzaine de Michloa’h Manot. Faits maison bien sûr ! Certaines profitent de l’occasion pour exposer leurs talents culinaires et insidieusement s’installe un concours de la meilleure pâtissière : tartelettes citron meringuées absolument identiques, baguettes qui sortent du four et même des macarons ! Non mais sérieusement ! À chaque distribution, j’ai envie de m’enfoncer un peu plus dans le sol avec mes La’hmaniot aux formes bizarroïdes… qui, pourtant, sont très bonnes, je tiens à le préciser !
Côté déguisements, c’est plutôt bon enfant pour les garçons. Mais les filles ! On bascule dans une autre dimension ! Je me demande si les mères n’ont pas toutes suivi des cours de maquillage-coiffure intensifs à la maternité. J’ai dû accoucher dans le mauvais hôpital, c’est sûr…
Les filles sont toutes sublimes et une en particulier. Mention spéciale à cette maman qui a déguisé sa fille en paon ! Oui, en paon. Tulles et plumes bleu roi, turquoise et vert émeraude, maquillage dégradé parfaitement assorti… Incroyable !
Pendant des années, toute cette compétition ne m’a pas vraiment aidée à être joyeuse pendant Pourim, ce qui, rappelons-le, est une Mitsva de la fête. Depuis Roch ‘Hodech Adar, d’ailleurs, on doit multiplier les joies. Mais le coup des macarons… ça, je n’arrivais pas à m’en remettre ! Une année, alors que je rentrais de la distribution des Michloa’h Manot complètement démoralisée, mon mari m’interrogeait sur ma petite mine. Après lui avoir expliqué mon problème existentiel, il balayait ça du fameux : « Mais qu’est-ce que tu t’en fiches ? » (Phrase qui se veut aidante et dédramatisante mais qui a le don d’ouvrir un gouffre de solitude !)
Mais finalement, après réflexion, pourquoi ça me touchait autant ? Je savais très bien que je ne sais pas me servir de mes dix doigts, ce n’était pas une surprise. Ce qui m’embêtait, donc, c’est que les autres aient conscience de mes lacunes, surtout qu’elles excellent précisément là où je suis nulle !
Ding dong. Une retardataire sonne à ma porte : ma voisine Léa. Perfect Mum avec sa Perfect Girl, elle va m’achever, c’est sûr ! Pourtant, elle me tend un Michloa’h Manot assez simple, qu’elle justifie par le fait qu’elle ne s’en sort pas en ce moment avec son rythme effréné. (« Ah, au moins une qui est honnête, elle gagne mon respect celle-là ! »). Je la félicite donc sincèrement d’avoir trouvé le temps de si bien apprêter sa fille malgré tout.
- "Ah ça ? Tu rigoles ? Ce n’est pas moi, j’ai pris une jeune fille pour la préparer !"
Voyant mon air hébété, elle enchaîne avec un naturel déconcertant :
- "Attends, on est plein à faire ça ! J’ai pas le niveau et surtout pas le temps !"
Le mythe s’effondre ! Elle poursuit :
- "Et les Michloa’h Manot, faut se calmer, c’est pas l’essentiel de Pourim ! Je vais pas coller les enfants devant une tablette ou me coucher à 2h du mat pour préparer un truc « waouh » ! Moi, mes priorités, c’est ma famille et mon bien-être."
La gifle ! En deux secondes elle avait réussi à briser un complexe installé depuis des années. Pas mal, la thérapie ! Moi, en revanche, j’avais sacrifié du temps avec mes enfants et des heures de sommeil pour essayer de rivaliser avec un niveau de perfection inatteignable. Dommage d’avoir perdu de vue mon sens des priorités pour des choses finalement un peu futiles. Et si vraiment j’avais voulu briller, j’aurais dû prendre du renfort moi aussi pour investir mon énergie là où ça compte vraiment.
Finalement, quitte à se comparer, autant le faire dans un but de s’élever plutôt que de se miner le moral. Avec Esther Hamalka, par exemple. Esther n’était pas qu’une reine, elle était une femme de foi, de courage et de détermination. Elle savait exactement où étaient ses priorités et n’a jamais perdu de vue l’essentiel, aussi dur que ça ait été.
Alors oui, Perfect Mum, c’est sympa. Mais une femme qui sait ce qui compte vraiment et qui reste toujours focus sur sa mission ? Ça, c’est bien mieux !