Les Téfilin appartiennent à une catégorie particulière de Mitsvot, qu’on appelle les « signes » (Ot). Dans cette catégorie se trouvent trois Mitsvot : le Chabat, la Mila (circoncision) et les Téfiline. Ces Mitsvot constituent un signe distinctif particulièrement fort et démarquent le peuple d’Israël des autres nations.
Le Chabat, en tant que vecteur de sanctification du temps, permet au peuple juif de sublimer la routine quotidienne en lui assignant un but clair. En effet, une semaine sans Chabat n’est rien d’autre qu’une routine sans fin et sans issue. Le respect du Chabat vient rompre cette routine et donne un sens et une direction très précise à toute la semaine.
La Mila détermine un rapport au corps et aux jouissances procurées par ce dernier qui sera basé sur la maitrise de soi et permettra à l’individu juif l’accès aux plus hautes sphères de la sainteté. La Mila constitue donc de fait un vecteur de sainteté incontournable ; en ce sens elle est représentative du peuple juif qui se doit de répondre à l’injonction de sainteté contenue dans la Torah, telle qu’elle apparaît dans la Paracha de Kédochim : « Parle à toute l’assemblée des enfants d’Israël et dis-leur : soyez saint car Je suis saint Moi l’Eter-nel votre D… » (Vayikra 19,2)
Les Téfilin enfin, véhiculent deux concepts qui semblent a priori contradictoires : d’une part, ils expriment le fait que nous sommes les serviteurs d’Hachem et qu’à l’instar des esclaves dans l’antiquité, nous portons sur nous un signe distinctif qui exprime notre soumission à notre Maître. D’autre part, les Téfilin constituent une couronne de gloire pour le peuple juif, puisqu’ils expriment sa capacité exceptionnelle à révéler la royauté d’Hachem dans le monde.
Spécificité des Téfilin
Davantage que toute autre Mitsva, les Téfilin expriment le lien privilégié qui unit le peuple juif à son Créateur, puisque lorsque nous accomplissons cette Mitsva, nous attachons littéralement les paroles de la Torah sur notre corps. Par ce fait, nous adhérons à Hachem et à Sa Torah d’une manière incomparable.
La soumission à D... permet en réalité à l’homme juif de se libérer des servitudes du monde matériel. Cette soumission à D… permet à l’homme de se sanctifier dans un premier temps, puis de se revêtir de la couronne de la royauté divine pour révéler la gloire d’Hachem au reste du monde.
La mitsva des Téfilin met en valeur notre néchama (âme) et ceci répond à une grande nécessité, comme l’explique le rav Eliézer Mélamed. En effet, du fait des nombreux soucis causés par ce monde, l’homme peut en venir facilement à se perdre et à s’oublier dans les les contingences matérielles.
Par contre, lorsqu’il met ses Téfilin, qui contiennent les fondements de la Emouna (foi) et de la Torah, il se relie à nouveau aux fondements de la foi tels qu’ils apparaissent dans la Torah.
Que contiennent les Téfilin ?
Précisons d’abord qu’il y a les Téfilin que l’on pose sur la tête et ceux que l’on pose sur le bras. Les Téfilin ressemblent à deux boitiers carrés en cuir sous lesquels passe pour chacun d’entre eux une lanière. Que contiennent ces boitiers ?
Dans le boitier des Téfilin que l’on pose sur le bras, est inséré un seul parchemin. Par conséquent, ce boitier ne contient qu’un seul compartiment. Dans le boitier des Téfilin que l’on pose sur la tête, sont insérés quatre parchemins. Par conséquent, ce boitier contient quatre compartiments séparés. Qu’est-ce qui est écrit sur ces parchemins ?
Ce qui est intéressant, c’est qu’aussi bien sur le parchemin unique que sur les quatre parchemins, se trouve écrite la même chose. Qu’est-ce à dire ?
Hachem nous a ordonné d’écrire sur les parchemins que l’on introduit dans les boitiers des Téfilin, quatre passages de la Torah qui mentionnent de manière explicite la Mitsva des Téfilin.
Les quatre passages
Le premier passage commence par « Kadech Li Kol Békhor » (Sanctifie-moi tout premier-né) [Chémot 13, versets 1 à 10], puis dans la suite apparaît le verset : « Ce sera pour toi un signe sur ta main et un souvenir entre tes yeux ».
Le second passage commence par « Véhaya Ki Yéviakha » (Lorsque Hachem t’amènera au pays du cananéen) [Chémot 13, versets 11 à 16]. Dans la suite apparaît le verset : « Ce sera un signe sur ton bras et des Totafot entre tes yeux »
Le troisième passage commence par « Chéma Israël » (Ecoute Israël, Hachem est notre D…, Hachem est Un) [Dévarim 6, versets 4 à 9]. Dans la suite, apparaît le verset : « Tu les attacheras en tant que signe sur ton bras et ils seront des Totafot entre tes yeux ».
Le quatrième passage commence par « Véhaya Im Chamo’a » (Si vous écoutez mes commandements) [Dévarim 11, versets 13 à 21]. Par la suite, apparaît le verset : « Vous les attacherez en tant que signe sur vos bras et ils seront des Totafot entre vos yeux ».
Les quatre passages sont écrits sur le parchemin unique du bras dans l’ordre susmentionné.
Le sens de ces passages
Les quatre passages contenus aussi bien dans le boitier de la tête que dans celui du bras sont porteurs des vérités essentielles du judaïsme. Dans le boitier des Téfilin du bras, les quatre passages sont écrits les uns à la suite des autres sur un seul parchemin. Dans le boitier des Téfilin de la tête, les quatre passages sont écrits sur quatre parchemins différents. La vérité la plus fondamentale est celle de l’unicité de D… contenue dans le passage « Chéma Israël », vérité de laquelle découle toute la Torah. Comme suite logique de cette vérité, se trouve l’obligation d’étudier la Torah, non pas de manière purement intellectuelle, mais en l’intégrant à sa personne et à son être sensible. L’étude de la Torah est bien évidemment indispensable mais il faut assurer sa transmission par l’enseignement. Cette étude ne doit pas être intermittente mais doit au contraire être permanente, car elle constitue l’essence même de notre vie. Le paragraphe se conclut par l’obligation de mettre les Téfiline.
Cette conclusion doit nous interpeller au sens où toutes ces idées sublimes sont mises sur parchemin, puis introduites dans des boitiers de cuir et finalement posées sur le bras et sur la tête. La Torah nous enseigne ainsi à traduire les vérités les plus élevées pour les exprimer dans le monde de la réalité. Davantage encore, elle nous apprend à dépasser notre animalité et à la mettre au service du divin ; le parchemin sur lequel sont écrits les différents passages des Téfilin est fait de peau de bête travaillée. Il en est de même pour les boitiers qui sont faits eux aussi de peau de bête travaillée.
Les autres passages contenus dans les Téfiline recèlent d’autres idées importantes. Le passage « Kadech Li Kol Békhor » nous enseigne le principe de la sacralité du Békhor (premier-né) en ce sens où ce dernier, qu’il soit homme ou animal, est d’office consacré à D… Si ce n’était la faute du veau d’or, les premiers-nés auraient servi dans le Temple, en lieu et place des Cohanim.
L’obligation de se souvenir de la Sortie d’Egypte est également mentionnée. La Sortie d’Egypte a constitué pour le peuple juif une véritable école de la Emouna (foi) et lui a permis de prendre conscience de l’omnipotence d’Hachem. Puis vient l’interdiction de la consommation du ‘Hamets, consécutive à la sortie d’Egypte. Enfin est mentionnée l’entrée en terre d’Israël due au mérite des Patriarches et la nécessité d’y pratiquer le rite pascal. Bien entendu ce passage se conclut par l’obligation de mettre les Téfilin qui semble se présenter comme un rappel ou un résumé de toutes ces Mitsvot fondamentales.
Nous avons également le passage « Véhaya Ki Yéviakha » qui contient des idées que nous avons déjà mentionnées comme l’entrée en terre d’Israël, la sacralité du Békhor, la sortie d’Egypte. Là, l’accent est davantage mis sur le fait qu’ Hachem a anéanti les premiers-nés égyptiens, s’acquérant ainsi en quelque sorte un droit de préemption sur les premiers-nés juifs. Est mentionné également le principe du rachat du premier-né au Cohen, qui découle également du principe de sacralité du Békhor. Le passage se conclut par le rappel de la Mitsva des Téfilin en tant que signe distinctif du peuple juif.
Le quatrième passage écrit dans les Téfilin est le deuxième paragraphe du « Chéma Israël » commençant par « Véhaya Im Chamo’a ». Ce paragraphe enjoint le peuple juif à obéir aux commandements de la Torah et à servir D… d’un cœur entier. En échange l’abondance matérielle est promise. Immédiatement après, suit un sévère avertissement concernant l’interdiction de se livrer à l’idolâtrie, avec comme corollaire la suppression de l’abondance et l’expulsion de la terre d’Israël. On ne peut qu’être frappé par cette concomitance entre la promesse de l’abondance matérielle et l’avertissement concernant l’idolâtrie. La Torah nous livre ici un message clair : l’abondance matérielle est bien évidemment une bénédiction ; pour preuve, elle nous est promise comme récompense de l’accomplissement scrupuleux des commandements de la Torah.
Cependant cette abondance nouvellement acquise peut amener l’homme à renier Hachem au point de se livrer à l’idolâtrie ! En effet, l’abondance matérielle donne à l’homme un sentiment de sécurité illusoire et lui donne l’impression qu’il n’a pas besoin de la protection du Créateur de l’univers… D’où la déviation vers l’idolâtrie qui ne fait que conforter l’homme dans ses travers et ses illusion sur lui-même…
Puis dans la suite du paragraphe, vient l’injonction des Téfilin qui apparaît comme un remède à ces égarements possibles. Il y a d’abord une nécessité d’intégrer les paroles de la Torah dans son cœur et dans son âme, puis de les attacher concrètement sur son bras et sur sa tête. Il y a donc ici un double travail qui est demandé au juif : tout d’abord un travail d’intériorisation des paroles de la Torah, puis une action concrète qui consiste à mettre les Téfilin sur le bras et sur la tête. Le parallélisme apparaît ici clairement entre d’une part le cœur et le bras et d’autre part entre l’âme et la tête. Les Téfilin du bras serviront à parachever le travail d’intégration de la Torah dans le cœur, alors que les Téfilin de la tête aideront le juif à faire pénétrer en son âme les vérités fondamentales du Décalogue.
Le paragraphe ne s'arrête pas sur ces injonctions mais revient sur des vérités précédemment énoncées dans le paragraphe du « Chéma Israël », à savoir la nécessité d’enseigner la Torah à ses enfants en permanence et dans toutes les configurations. Puis vient le commandement d’apposer une Mézouza sur la porte d’entrée de la maison ainsi que sur la porte d’entrée des autres chambres. On se doit d’ailleurs de remarquer qu’il existe un certain nombre de points communs entre les Téfilin et les Mézouzot (pluriel de Mézouza). Deux des quatre passages contenus dans les Téfilin apparaissent dans le parchemin de la Mézouza, à savoir « Chéma’ Israël » et « Véhaya Im Chamo’a ». Ces paragraphes sont écrits sur un parchemin répondant aux mêmes exigences halakhiques que le parchemin sur lequel sont écrits les Téfilin.
A l’instar des Téfilin, il s’agit de prendre des paroles de la Torah, de les écrire sur un parchemin et de les mettre dans une configuration particulière, en l’occurrence ici celle de l’habitat humain. C’est en quelque sorte le même concept que celui qui transparaît dans la Mitsva des Téfilin : prendre les idées les plus élevées de la Torah et les faire rejaillir dans notre environnement quotidien. La Mézouza remplit bien sûr d’abord une fonction de rappel ; en entrant et en sortant de notre maison, nous nous rappelons la présence et la toute- puissance d’Hachem, que les soucis du quotidien pourraient estomper dans notre esprit. Elle remplit aussi une importante fonction de protection de l’habitat et de ses occupants.
Le paragraphe se termine par une promesse de longévité si on accomplit tous les préceptes mentionnés. Cette promesse de longévité est accompagnée d’une promesse de pérennité sur la terre d’Israël, terre obtenue par le mérite des trois Patriarches, Avraham, Yits’hak et Ya’acov. Est mentionné également le fait que l’octroi de la terre d’Israël au peuple juif est définitif et qu’il n’y aura aucun changement à ce propos, pas plus qu’il n’y aura de changement dans les lois naturelles telles qu’elles ont été mises en place par le Créateur de l’univers.
Conclusion
Il est écrit dans la Torah, comme nous l’avons vu : « Tu les attacheras en tant que signe sur ton bras et ce seront des Totafot entre tes yeux ». Rachi (Rabbi Chlomo Yits’haki) explique dans Dévarim 6,8 que les Totafot désignent les Téfilin de la tête. Il s’agit en fait d’un mot composé : Tat en Kitfi (langue étrangère) veut dire « deux », Pat en Afriki (langue étrangère) veut dire « deux » également. « Tat » et « Pat » ensemble font donc quatre, ce qui est une allusion claire aux quatre Parachiot (passages) que contiennent les Téfilin de la tête.
De ce verset nous apprenons également qu’il existe une obligation pour chaque homme juif de plus de treize ans de mettre quotidiennement les Téfilin du bras et les Téfilin de la tête. Le Midrach Cho’her Tov (Mizmor 1) nous enseigne que les Bné Israël ont affirmé devant Hachem : « Nous souhaitons accomplir toute la Torah mais cela nous est impossible ». Hachem leur a répondu : « Mettez les Téfilin et Je vous en tiendrai compte comme si vous aviez accompli toute la Torah ».
Ce Midrach nous permet de prendre conscience de l’importance extrême de la Mitsva des Téfilin. Chaque homme juif se doit donc de faire un maximum d’efforts pour accomplir cette Mitsva exceptionnelle qui lui permettra de trouver grâce aux yeux d’Hachem. Et ceci d’autant plus que l’on a pris connaissance de toutes les idées fondamentales contenues dans les quatre passages de la Torah mentionnés sur les parchemins.