Jugement. Verdict. Sanction. Des mots qui font froid dans le dos. Pourtant, quand ces notions viennent de D.ieu Lui-même, elles deviennent rassurantes, positives, lumineuses. D’autant que chaque année, à Roch Hachana, D.ieu décide et met en place toutes les conditions de vie qui vont être les nôtres…
Dans les Psaumes (Téhilim 27), le verset nous dit : « D.ieu est ma lumière et ma délivrance ». Le Midrach explique que la lumière fait référence à Roch Hachana, et la délivrance à Yom Kippour.
Le jour de Kippour, nous sommes pardonnés, la notion de délivrance qui est associée à ce jour majestueux est donc compréhensible. Mais à Roch Hachana, nous sommes jugés. En quoi un jugement s’apparente-t-il à une lumière, et de quelle lumière parle-t-on ?
L’anniversaire de l’homme
D’après Rabbénou Nissim, s’appuyant sur le Midrach, le monde a été créé le 25 Eloul.
Six jours plus tard, le jour de Roch Hachana, c’est l’homme qui fut créé. Roch Hachana, c’est donc la naissance d’Adam, et de ce fait, l’anniversaire de tous les hommes.
Ce jour-là, D.ieu a placé Adam au Gan Eden (paradis), Il lui a ordonné de ne pas toucher à l’arbre interdit ; Adam a fauté, et D.ieu l’a jugé de façon clémente et miséricordieuse et lui a dit : « Sache que de la même façon que tu as pu te maintenir face à la justice, il en sera ainsi pour tes enfants. Ils seront jugés avec clémence le jour de Roch Hachana ».
De quelle clémence parle-t-on ? Il semble au contraire que le jugement divin fut rigoureux envers Adam : le premier homme était au Gan Eden, dans un environnement parfaitement favorable, dans un climat tempéré, un printemps permanent. Il était servi par des anges, qui lui préparaient à manger, et s’occupaient de tout ce dont il avait besoin. Après la faute, il fut renvoyé du Gan Eden, devint mortel, il dut travailler à la sueur de son front sur une terre maudite par sa faute. Est-ce cela la clémence divine ?
Le Bien et le Mal, le Vrai et le faux
Contrairement au jugement des hommes, qui punissent pour faire régner une paix sociale, dissuader de fauter à nouveau et faire un exemple pour ceux qui seraient tentés d’enfreindre la loi, le jugement divin a pour but d’apporter une réparation (Tikoun) au fauteur, et de parfaire sa personnalité.
Avant la faute, le libre arbitre d’Adam s’exprimait par la possibilité de choisir entre le vrai et le faux, et pas entre le Bien et le Mal. Adam comprit qu’en mangeant de l’arbre de la connaissance, il pourrait comprendre ce qu’est le Mal. Et connaissant le mal, il aurait encore plus de mérite à le combattre.
Le Arizal explique qu’Adam, lorsqu’il décida de fauter, voulait élargir ses choix et donc respecter la volonté divine mieux encore, et ainsi sanctifier avec plus de force le Nom divin. Mais le premier homme ne savait pas quelle difficulté l’attendait. Il ne fut finalement pas en mesure de surmonter cette épreuve : après avoir mangé du fruit de l’arbre, il ne fut pas capable de revenir à son niveau antérieur.
Quelles que soient ses motivations, sa faute - qui fut de ne pas avoir accepté l’ordre divin - montre une défaillance chez Adam, car un parfait croyant sait que rien d’autre n’existe que la volonté divine.
D.ieu ayant ordonné de ne pas manger de l’arbre de la connaissance, il aurait dû faire preuve de foi et accepter l’ordre divin.
Pour réparer cette défaillance, et pour qu’Adam ait la possibilité de se « racheter », D.ieu créa pour lui un autre cadre, dans lequel il pourra restaurer sa foi. Ce cadre est un monde où il devra travailler, prendre des initiatives pour subsister, un monde où D.ieu Se cache derrière un voile de nature et de matière. Sa mission : malgré son action, il doit garder en permanence à l’esprit que D.ieu décide de tout et reste Maître de tout. S’il réussit à ne jamais l’oublier, et à garder une foi pure, il aura réparé sa faute et mérité de nouveau une vie éternelle.
Si Adam était resté au Gan Eden, il serait resté immortel. Sa défaillance serait restée inscrite pour l’éternité. Adam en fautant, n’a affecté que son corps, mais son âme est restée intacte dans sa pureté. En devenant mortel, et en se séparant de son corps, l’homme pourra éliminer toutes les traces de sa faute.
Le cadre optimum
Nous observons que D.ieu, dans Son attitude avec Adam, lorsqu’Il le juge et rend Son verdict, n’a qu’un seul objectif : aider l’homme à se corriger, à se parfaire et à grandir, et pour cela, D.ieu va définir le cadre idéal pour que chaque homme évolue au maximum de ses possibilités.
Chaque année, c’est à Roch Hachana que ce cadre est déterminé : tel homme recevra beaucoup d’argent, tel autre devra vivre dans la pauvreté. Celui-ci aura la santé, celui-là devra traverser l’épreuve de la maladie. Mais pour chacun, ce sont ces conditions qui lui permettront de parvenir à se parfaire et à remplir sa mission sur terre.
Le Midrach précise : Quand le peuple juif sonne du Chofar à Roch Hachana, D.ieu passe de l’attribut de justice à celui de miséricorde. Et le Midrach de poursuivre en disant que quand on sonne du Chofar, on appelle le jugement. Comment le Chofar peut-il en même temps appeler le jugement et éveiller la miséricorde ? Cela semble contradictoire.
Quand l’homme réclame le jugement, il se montre prêt à recevoir la sentence, et par là même il adoucit cette sentence. Comme un enfant qui demande à son père ou sa mère de lui dire s’il s’est bien comporté, et qui est prêt à en assumer les conséquences. Le parent sera bien évidemment enclin à être plus indulgent, constatant que l’enfant a déjà accepté l’idée qu’il aurait peut-être mal agi.
L’homme demande que D.ieu le juge, et révèle ainsi sa volonté de réparer ses fautes.
Sa bonne volonté est déjà une partie de la réparation, il aura donc moins besoin d’être éprouvé. L’homme en appelant sur lui le jugement divin, a accompli la moitié du chemin.
Une sentence bénéfique
Comment montrer à D.ieu que l’on veut être jugé ?
En faisant notre introspection, en recherchant nos fautes de l’année écoulée et les moyens de nous améliorer, en nous demandant comment nous rapprocher de D.ieu, nous prouvons notre volonté de devenir meilleurs et de mieux respecter Sa volonté.
Car le jugement divin est là pour aider à nous parfaire, nous demandons donc à être jugés, acceptant à l’avance tout ce que D.ieu fixera pour que notre mission se réalise au mieux.
Appeler le jugement pour devenir meilleur, quelle que soit la sentence, provoque une influence bénéfique, qui est appelée lumière par nos Sages.
Il y a deux acceptions à la notion de lumière : la lumière permet de mieux voir. Mais la lumière, c’est aussi un halo, une influence positive venue du ciel, une énergie bénéfique, conséquence de notre effort d’amélioration.
C’est le deuxième sens que David Hamélekh prend en compte. Le jugement divin est une lumière, un halo lumineux, une force soutenant nos efforts pour nous améliorer, grandir, et devenir meilleur… jusqu’à l’année prochaine. Et d’année en année, grâce à l’aide divine, le Juif progresse, et peut atteindre des sommets.
Rav David Simon, d’après le Sifté Haïm