Le temps est sans aucun doute le cadeau le plus précieux que D.ieu nous offre. On ne peut pas l’échanger ou le vendre et il ne perd pas de sa valeur selon les fluctuations économiques. Le temps possède une valeur potentiellement infinie, mais cette dernière dépend de la façon dont on l’utilise.
Le temps d’un esclave ne lui appartient pas. Son maître lui ordonne quand se lever et quand dormir. Il lui impose un labeur journalier et il gère son temps en permanence. Lorsque le peuple juif était esclave en Égypte, leurs bourreaux leur dictaient comment ils devaient utiliser leur temps. Les Égyptiens les obligeaient à travailler jour et nuit, jamais leur temps n’était le leur. En tant qu’esclaves, ils n’avaient pas la possibilité de choisir comment utiliser les minutes et les heures dont leur vie était composée.
Tout ceci a changé avec la sortie d’Égypte à Pessa’h. Les Juifs sont devenus libres en un éclair. Le temps leur appartenait alors. Et ils avaient un nouveau commandement : compter les jours jusqu’à Chavou'ot, quand ils recevraient la Torah. Quelle était la signification de ce compte ? En comptant séparément chaque jour, on réalise la valeur de chacun d’entre eux. Un jour qui passe sans avoir été utilisé pour des accomplissements riches de sens est un jour gaspillé qui ne reviendra jamais. C’est une occasion manquée de se réaliser en se rapprochant de son Créateur. Tous les jours peuvent être pleins de sens, tous les jours ont un grand potentiel. Quand une personne compte les jours du 'Omer et voit les nombres augmenter de plus en plus, elle devrait en venir à une réalisation effrayante : le temps passe, les heures de la vie filent et elle doit faire le point sur son comportement et s’assurer d’utiliser chaque jour au mieux.
Que se passe-t-il quand une personne ne perçoit pas que le temps passe ? Rav Yissocher Frand, enseignant à la Yéchiva Ner Israël de Baltimore, cite un « souhait éthique » qu’un docteur écrivit avant de mourir, espérant transmettre à ses enfants les enseignements qu’il avait retirés de sa vie. Voici ses paroles :
« Mes chers enfants, quand j’ai été diplômé de la faculté de médecine, mon ambition première était de faire de la recherche médicale, et découvrir un remède pour une grave maladie. Je sentais que j’en avais les capacités et je voulais faire quelque chose de grand, quelque chose d’important qui améliorerait l’état de santé d’un nombre considérable de personnes et qui leur ajouterait des années de vie. Je voulais être un docteur dans le sens le plus large du terme. Mais je voulais également avoir une sécurité financière. Je ne voulais pas avoir à me soucier des factures et des paiements des emprunts. Je voulais assurer à votre mère un niveau de vie confortable. Donc j’ai décidé d’ouvrir un cabinet dans un quartier huppé et de pratiquer la médecine pendant dix ou quinze ans. Je pourrais ainsi gagner beaucoup d’argent et prendre ma retraite. J’aurais été ensuite libre de consacrer le reste de ma vie à la recherche.
Que puis-je vous dire mes chers enfants ? Vous connaissez la suite de l’histoire. Mon cabinet fut extrêmement prospère. Je gagnais beaucoup d’argent. Et je n’ai cessé de repousser mon départ en retraite pour gagner toujours plus d’argent. Une année, puis une autre, puis encore une... avant que je n’aie le temps de le réaliser, j’avais passé les meilleures années de ma vie à amasser une immense fortune. Et qu’en est-il de mon rêve de trouver un remède ? Je suis au regret de dire qu’il n’est que ça... un désir inassouvi. J’ai gâché mes meilleurs talents. J’ai gâché l’opportunité que j’avais de gagner l’immortalité. Pourquoi ? Pour de l’argent.
La pire chose, c’est que rétrospectivement, votre mère aurait soutenu mon choix de faire de la recherche. Je me disais que je travaillais pour lui donner le niveau de vie qu’elle méritait, mais je sais qu’elle aurait accepté de vivre plus modestement, qu’elle m’aurait encouragé à poursuivre mon but, si seulement je le lui avais demandé.
Mes chers enfants, que puis-je dire ? L’argent, je vous le laisse. Il devrait suffire à vous épargner tout souci matériel. Ne faites pas mon erreur. Ne passez pas vos précieuses vies à faire fructifier cet argent. »
Après de nombreuses années de labeur, ce docteur réalisa qu’il avait gâché des décennies de sa vie à courir après la richesse matérielle. Du temps qu’il aurait pu passer avec sa famille ou à poursuivre de nobles idéaux a été dilapidé dans une course sans fin après l’argent. Et ce temps ne reviendra jamais. La Mitsva du compte du 'Omer doit nous rappeler que les jours de notre vie passent et que nous devons prendre chaque jour et le remplir de sens – avant qu’il ne soit trop tard.