À Tou Bichvat, nous avons la coutume de faire l’éloge de la terre d’Israël. Nos Sages nous enseignent que la terre d'Israël s’acquiert par des souffrances. Celles liées au fait d’habiter ce pays, nous les connaissons bien : attentats, coût de la vie, et encore d’autres, sous différentes formes... Mais pourquoi les souffrances sont elles nécessaires ?
Les épreuves permettent de clarifier les véritables raisons pour lesquelles nous sommes là. Quelqu’un qui, par fidélité envers ce en quoi il croit, est disposé à supporter les souffrances, démontre par là même qu’il est véritablement sincère. Il est prêt à se confronter avec les difficultés, et n’est pas là uniquement parce qu’il est né ici ou bien par facilité. Il est là parce que c’est l’endroit véritable de chaque Juif. Il est là parce que c’est seulement ici qu’un Juif peut atteindre sa véritable finalité et sa perfection sur Terre.
Lorsque la Torah fait l’éloge de la terre d’Israël, elle utilise à plusieurs reprises la formule : « Une terre où coulent le lait et le miel. » Pourtant, il est également fait mention d'autres éloges. Comme par exemple : « Une terre sur laquelle les yeux d’Hachem ton D.ieu se portent, du début de l'année jusqu'à la fin de l'année », c’est-à-dire, une terre qui bénéficie d’une providence personnelle étroite et constante. Alors pourquoi choisir précisément l’expression « Où coulent le lait et le miel » ? Bien d’autres ressources existent également ici en abondance : les olives ainsi que leur huile, les amandiers en fleurs. Qu'est-ce qui rend donc le lait et le miel si spéciaux ?
Rabbi Nathan, dans son merveilleux livre « Likuté Halakhot », ouvre devant nous une nouvelle porte dans la compréhension de ces termes tant de fois utilisés.
Rabbi Nathan écrit que parmi les aliments autorisés, il y en a seulement deux qui proviennent d’une sorte d'inversion. Le lait, aliment permis à la consommation, provient au départ du sang, qui est lui-même interdit à la consommation. Le miel, aliment également autorisé, est produit par l’abeille, qui fait, quant à elle, partie des aliments interdits.
L'interdit s’inverse en permis, l’impur s’inverse en pur. Qui a le pouvoir d’opérer une telle inversion, un tel renversement ? Seul le Créateur du monde. Comme le propos du verset : « Qui donnera du pur à partir de l’impur ? » (Autrement dit : Qui peut inverser l’impur en pur ?). Et la réponse, à la suite du verset (Iyov, 14:4) : « N’est-ce pas l’Un » ? (N’est-ce pas seulement le D.ieu Un et Unique, Créateur du monde, qui peut réaliser cela ? »)
Rabbi Nathan nous explique que c’est également une des vertus de la terre d’Israël, qui a la faculté de purifier toute personne qui y vit. Et c’est la raison pour laquelle la louange « où coulent le lait et le miel » lui convient si bien. De même que ces deux aliments sont l’œuvre d’Hachem qui peut transformer l’impur en pur, il en est de même pour la Terre d’Israël, qui a reçu la faculté de pouvoir transformer l’impur en pur. Ainsi nos Sages écrivent à son propos : « Les gens qui y habitent, leur faute est portée (supportée) » : le fait d’habiter cette terre nettoie ses habitants de la faute. Toutefois, comme le soulignent les commentateurs, ceci s’applique uniquement à celui qui vit et reste sur cette terre malgré les souffrances, à celui qui habite ici parce qu’il croit au caractère sacré de la terre d’Israël, et qui s’efforce de mener sa vie selon la volonté d’Hachem, en accord avec la sainteté du lieu dans lequel il vit.
Rabbi Nathan cite par la suite d’autres coutumes liées au lait et au miel, et leur lien avec cette inversion de pur à impur.
À Roch Hachana, nous mangeons une pomme trempée du miel. Pourquoi particulièrement du miel ?
Roch Hachana est le premier jour des dix jours de Téchouva, et c’est l’occasion de nous rappeler à nous-mêmes, en mangeant du miel, que le seul qui peut nous purifier de la faute, qui peut opérer en nous l’inversion d’impurs en purs, pendant le Jour du jugement, c’est uniquement le Créateur du monde dont nous proclamons et acceptons la royauté ce jour-là. Nous ne sommes pas seuls face à nos fautes. Certes nous devons faire ce que nous pouvons, mais il y a à nos côtés un partenaire, Unique, qui nous purifie.
Et comme l’explique Rabbi Nathan, c'est également la raison pour laquelle nous mangeons des produits laitiers à Chavou'ot. Là encore, la question se rappelle à nous : qui peut prétendre se purifier et être apte à recevoir la Torah divine ? Comment pourrions nous accomplir une mission si élevée ? Les produits laitiers sont là pour nous le rappeler : nous ne sommes pas tout seuls. De même que le lait était au départ du sang interdit à la consommation, et s’est transformé par la volonté d’Hachem en un aliment autorisé, de même, au moment de recevoir la Torah, nous ne sommes pas seuls devant cette mission si élevée que représente l’accomplissement la Torah. Il y a Celui qui nous aide, nous purifie et nous rend apte à cela.
« Une terre où coulent le lait et le miel. » Que nous puissions mériter cette merveilleuse inversion que la terre veut opérer en nous !
Merci à Moshé Perez