« Hillel disait : un Bor ne peut être Yaré 'Hèt (qui craint la faute) et un 'Am Haarets (ignorant) ne peut être un 'Hassid. »

Hillel nous enseigne qu'un Bor ne peut craindre la faute, et un Am Haarets ne peut être un 'Hassid. Rav Noa'h Weinberg enseignait que la première étape de la sagesse consiste à définir les termes, et donc, pour comprendre clairement cette Michna, il est nécessaire de définir d'abord les termes Bor, 'Am Haarets, Yaré 'Het et 'Hassid.

Commençons par les définitions de Bor et d'Am Haarets données par Barténoura. Il écrit que le Bor est un homme vide de contenu, comme l'indique le terme même de Bor, qui signifie également «trou.» Il ajoute ensuite qu'un Bor ne comprend même pas la nature des relations d'affaires entre personnes – en raison de cette lacune, il n'atteint même pas le niveau de Yaré 'Het. En revanche, la Michna sous-entend qu'un 'Am Haarets ne peut devenir 'Hassid (ce qui est expliqué ci-dessous), il comprend toutefois la nature des relations d'affaires entre personnes, et peut donc être un Yaré 'Het.

Question évidente : quelle est la relation entre le fait de s'y connaître en relations d'affaires et être un Yaré 'Het ? Le Dar'hé Avot[1] explique que le principe qui sous-tend les relations d'affaires est l'idée que l'on doit payer un prix pour obtenir quelque chose en échange. Quelqu'un qui comprend ce principe peut également saisir l'idée que s'il agit correctement dans la sphère spirituelle, il sera récompensé en retour : Hachem, pour ainsi dire, le « rétribue » pour ses actions. Il peut également saisir que s'il utilise ce monde de manière interdite, il devra également payer à cet effet. Conséquence de cette prise de conscience, il a la faculté d'atteindre le niveau de Yaré 'Het. La définition élémentaire d'un Yaré 'Het est celui qui saisit l'idée de Sakhar Véonech (récompense et sanction) et craint les conséquences de ses actions. En revanche, un Bor ne saisit même pas les principes de base du commerce selon lesquels il convient de payer quelque chose afin de recevoir autre chose, et de ce fait, il ne peut atteindre le niveau de Yaré 'Het.

Rabbénou Yona propose des définitions différentes de Bor et de 'Am Haarets. D'après lui, un Bor est quelqu'un qui n'a ni Torah, ni Mitsvot, ni Dérekh Erets (savoir comment interagir avec autrui), ni bons traits de caractère. Le Yalkout Mé'am Loèz développe cette idée : comme il n'a aucun bon trait de caractère, il est totalement soumis à ses désirs primaires et ne saisit aucunement l'idée de Kvichat Ratson, conquérir ses désirs naturels. De ce fait, il est incapable de vaincre ses désirs par crainte de la faute. En revanche, un 'Am Haarets possède un certain niveau de Dérekh Erets et quelques traits de caractère positifs. De ce fait, bien qu'il soit inculte en Torah, il est prêt à se renseigner auprès d'autres personnes pour savoir quelles actions il convient d'éviter. En conséquence, il peut parvenir au niveau de Yaré 'Het.

Ceci nous conduit à la clause suivante stipulant qu'un Am Haarets ne peut devenir un 'Hassid. Qu'est-ce qu'un 'Hassid ? Un 'Hassid se définit généralement comme un homme qui agit au-delà de la simple lettre de la Loi, et respecte des mesures strictes afin de renforcer sa relation avec Hachem. Pourquoi un Am Haarets est-il incapable d'atteindre ce niveau ? Afin d'être un 'Hassid, il faut posséder de profondes connaissances en Torah, et savoir quand appliquer ces mesures de rigueur et quand s'en abstenir, du fait qu'elles peuvent générer des conséquences négatives. Un 'Am Haarets n'étudie pas la Torah en profondeur et de ce fait, il est susceptible de commettre des erreurs dans ses efforts pour bien agir. Dans cette veine, le traité Dérekh Erets Zouta[2]rapporte une histoire sur Rabbi Akiva, avant qu'il ne devienne un grand Rav et était considéré comme un Am Haarets. Il aperçut un jour un cadavre et le porta sur une longue distance afin de l'enterrer dans un cimetière. Le Rav lui expliqua qu'il avait commis une grave erreur, et qu'il aurait dû enterrer le corps au lieu où il l'avait trouvé, et le déplacer inutilement était considéré comme une faute. En entendant ces propos, Rabbi Akiva décida qu'il devait commencer à étudier, car il réalisa que sans connaissances en Torah, un homme peut agir en pensant réaliser des Mitsvot, alors qu'il s'agit en réalité de fautes.

Ces leçons de Hillel nous renseignent sur l'importance d'avoir de bons traits de caractère, d'interagir avec les autres, et surtout, sur la prééminence de l'étude de la Torah afin de devenir un véritable 'Eved Hachem, un fidèle serviteur de D.ieu.

 

[1] Darké Avot, p. 236-237 de Rav Yéhochoua Dov Gelbvacks chlita.

[2] Massekhta Dérekh Erets Zouta, chap. 8, cité dans Dar'hé Avot, p.239.