Chaque mercredi, retrouvez les aventures de Eva, célibattante parisienne de 30 ans… Super carrière, super copines. La vie rêvée ? Pas tant que ça ! Petit à petit, Eva découvre la beauté du judaïsme et se met à dessiner les contours de sa vie. Un changement de vie riche en péripéties… qui l’amèneront plus loin que prévu !
Dans l'épisode précédent : Poussée par ses amies, Eva décide de rencontrer une Chadkhanite pour la première fois de sa vie. Elle n’est pas convaincue que ce mode de rencontre soit fait pour elle… jusqu’à ce qu’on lui propose de rencontrer quelqu’un !
A la base, si j’avais été chez la Chadkhanite, c’était uniquement parce que les filles (Léa en tête) m’y avaient poussée et que j’étais curieuse de nature. Mais je n’avais pas pensé qu’elle pourrait connaître quelqu’un susceptible de me correspondre. J’étais donc plus que surprise par son appel ! Léa faisait des bonds sur son lit en criant : “Dis oui !” avec de grands gestes.
Intriguée, je voulais en savoir plus :
“Alors, il s’appelle Michaël, il a ton âge, il est français et ça fait 6 ans qu’il vit ici avec sa famille, dans le quartier. Il étudie dans une Yéchiva en ville. C’est un très bon garçon, il présente bien physiquement. Il sait ce qu’il veut, il est sociable (il dirige une association d’aide aux familles dans le besoin). Il a donné le nom d’un Rabbin et celui d’un ami à lui si tu souhaites par la suite, te renseigner sur lui, pour savoir comment les autres le perçoivent. Est-ce que ça te dit de le rencontrer ?”
Aïe ! La description était tentante, mais moi, je n’étais pas du tout préparée à l’idée de rencontrer un inconnu ! J’avais mille et une raisons de décliner (que faire si on ne se plaisait pas ou si on n’avait rien à se dire ?).
Et alors là, je ne saurai jamais dire ce qui s’est passé, mais alors que je voulais refuser, je m’entendis dire : “Ok, pourquoi pas”. Le temps que je réalise ce que je venais de dire, Mme Friedman me donnait une heure et un lieu de rendez-vous pour le jour-même… pendant que Léa redoublait ses bonds sur le lit en tapant des mains, elle était euphorique !
Il fallait que je m’assoie, j’étais sous le choc ! Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire dans un Chidoukh ? Organiser un défilé de mode, je savais faire. Faire des présentations financières aux clients les plus exigeants, aussi. Mais alors là… aller à un rendez-vous avec un inconnu… et religieux en plus !
Léa vit ma tête et vint s’assoir à côté de moi : “Ecoute Eva, la première rencontre, c’est juste pour faire connaissance, et voir si Mme Friedman a bien fait de penser à vous deux, ou au contraire, s’il n’y a aucun rapport entre vous. Rien de plus. On ne va pas lancer “d’alerte Chidoukh” dans l’étage. “La Brakha réside dans ce qui est caché de l’œil”. Tu vas déjà aller rencontrer ce Michaël le temps d’un café, et après, tu auras tout le temps de te poser pleins de questions. Et tu pourras contacter son rabbin et son ami pour en savoir plus, chaque chose en son temps”.
Ok, ok… Je suivis son conseil et décidais de prendre cette rencontre avec légèreté (et puis cette sortie serait un bon prétexte pour inaugurer ma nouvelle blouse bleu marine). Par contre, 5 minutes après avoir quitté le bâtiment, mon côté serein avait bel et bien disparu et je commençais à me reprendre la tête avec un million de questions !
Dans le bus, plus je m’approchais du lieu de rendez-vous... plus mon visage prenait la teinte de ma blouse ! Comme par hasard, je reçois un sms de Léa qui me dit : “N’oublie pas le plus important : demande à Hachem qu’Il t’aide à ouvrir les yeux pour y voir clair et sois sûre que chaque rencontre rapproche de son Zivoug”. Merci ma Léa ! Voilà un message qui remettait les idées en place ! Ein ‘Od Milévado ! Je fermais les yeux et oubliais que je me trouvais au fond du bus et me mis à parler avec simplicité : “Hachem, je ne sais pas trop ce que je suis en train de faire ni même si c’est une bonne chose, mais Toi qui sais tout, aide-moi s’il te plaît à y voir clair”.
Le rendez-vous était convenu devant l’entrée de l’hôtel Jerusalem Gate, près de la gare.
Mais comment allais-je reconnaître Michaël au milieu de tous ces chapeaux et Kippot ?
Je me mis à l’endroit indiqué et heureusement, je n’eus pas à attendre, j’entendis dans mon dos en français : “Bonsoir”. Je pivotais et me trouvais face à un homme assez grand en costume noir, chemise blanche et Kippa sur la tête. Ok, Mme Frideman n’avait pas menti quand elle avait dit qu’il présente bien. Et quand il se mit à sourire, j’étais même tentée de penser “mieux que bien”. J’étais un peu intimidée, je ne savais pas trop comment on se comporte dans un Chidoukh et, pour une des rares fois dans ma vie, je ne savais pas vraiment de quoi parler. On avançait en silence vers le café quand il me dit : “Mme Friedman m’a dit que c’est ton premier Chidoukh, ça doit te faire bizarre !”. On se mit à rire et c’est comme ça qu’il réussit à briser la glace !
De façon naturelle, la discussion s’engagea sur la vie à Jérusalem, sur notre parcours. Il me posait des questions et ce que je lui racontais semblait l’intéresser. Ce qui était super agréable, c’est que ce n’était pas un monologue, au contraire ! C’était fluide et c’était la première fois que quelqu’un comprenait en profondeur mon chemin dans la Téchouva. Lui s’était installé en Israël à l’âge de 25 ans avec sa famille (mais avant, il avait vécu à Paris, donc il comprenait le petit “choc des cultures”). Tout le temps de notre discussion, je n’arrêtais pas de penser à ce que Léa m’avait dit : “Les discussions sont plus sincères et profondes dans un Chidoukh”.
Au bout de 3 heures, on finit par quitter le café et, très poliment, il me remercia pour cet agréable moment et me dit au revoir. Mme Friedman m’avait expliqué qu’elle me ferait part des impressions de Michaël sur la rencontre, qu’elle écoutait les miennes, et qu’en fonction… on déciderait ou non de se revoir. Finalement, ça avait du bon les codes du Chidoukh, ça évitait les au revoir embarrassants.
Si je devais qualifier cette rencontre, je n’aurais qu’un mot : “agréable”. J’avais bien fait de sortir de ma zone de confort. A Paris, impossible de sortir sur un coup de tête, je devais tout programmer des semaines à l’avance. Et depuis mon arrivée à Jérusalem, je me laissais porter par cette atmosphère si spéciale, comme si, quel que soit mon choix, je pouvais le faire en toute confiance.
Baroukh Hachem, dès le lendemain matin, j’avais Mme Friedman au téléphone qui me confirmait que Michaël aussi avait passé une soirée agréable et souhaitait me rencontrer une nouvelle fois. Cool ! Ça faisait du bien ce genre de nouvelle ! Bon, mon large sourire suffit à passer l’info à Léa qui me demanda si maintenant elle pouvait lancer l’alerte à l’étage...
Mais pas question ! Un peu de discrétion me ferait le plus grand bien, comme elle me l’avait dit : “La Brakha réside dans ce qui est caché...”.
J’avais donc un deuxième rendez-vous prévu dans la semaine et une bonne nouvelle en entraînant une autre, l’agence évènementielle que j’avais contactée pour mon étude de marché me confirma dans la foulée un rendez-vous dans leurs bureaux de Tel Aviv !
Vraiment, il y avait quelque chose dans l’air de Jérusalem. Je me sentais pleine d’énergie, comme si tout était possible !
Le soir de notre deuxième rencontre, j’étais quand même un peu stressée. J’avais oublié cette petite excitation mêlée d’appréhension avant un rendez-vous. Je ne tenais pas en place ! Et ça tombait bien, parce que je rencontrais cette fois-ci Michaël près du Gan Saker, ce grand parc au cœur de Jérusalem. Par peur d’être en retard, j’étais arrivée quelques minutes en avance (une première pour moi) et je faisais les 100 pas à l’endroit du rendez-vous. L’air était léger ce soir à Jérusalem. Ça sentait bon les grillades dans le parc, il y avait des familles entières, pendant que des couples en Chidoukh se promenaient le long de l’allée.
Je n’avais aucune idée de ce qu’on allait faire, mais j’aurais bien passé toute ma soirée dans cet endroit ! Et bien, à peine arrivé, Michaël me proposa d’aller dans le nouveau café au milieu du parc : Gan Sipour. Parfait !
Tout était parfait ! J’étais en bonne compagnie, dans un endroit charmant, il faisait un temps de rêve. Quelle poétique image d’une soirée en Israël, une vraie pub pour l’office du tourisme !
Je racontais à Michaël mon prochain rendez-vous à Tel Aviv et on se mit à discuter carrière :
- Ça te plaît d’organiser des évènements ?
- Oui, beaucoup ! On s’imagine qu’il s’agit juste d’envoyer les invitations et de réserver une salle, mais c’est bien plus ! Ça demande de la rigueur, de la créativité et il faut aimer travailler en équipe. Et toi, il paraît que tu gères une association pour les familles démunies ?
- Oui, ça c’est fait un peu par hasard. J’ai commencé à aider une famille de mon quartier. J’allais leur apporter des courses toutes les semaines, ensuite, j’ai entendu qu’une deuxième famille était dans le besoin et ainsi de suite. J’ai depuis mis en place une chaîne, on s’est réunis à plusieurs, on met notre Ma’asser en commun et avec ça, on achète ce qui manque aux familles.
- C’est superbe ! En t’écoutant, je me rends compte que la dimension humaine, c’est ce qui manque à mon travail. J’aimerais vraiment pouvoir me rendre utile pour les autres.
Michaël sourit en coin et ajouta sur le ton de la confidence :
- Rien ne t’en empêche, puisque ton métier demande de la créativité, tu sauras trouver comment faire du ‘Hessed, du bien autour de toi.
- Merci, c’est très encourageant ! Et toi, que comptes-tu faire quand tu auras terminé la Yéchiva ? Tu vas reprendre tes études de kiné comme en France ?
- Je ne sais pas encore… en tout cas, ce qui est certain, c’est que je ne compte pas arrêter l’étude. Je continuerai au moins à mi temps !
Pardon ? Ça veut dire qu’il envisage d’étudier toute sa vie… sans vraiment travailler ?
Je n’avais pas vu arriver le changement d’air ! Un vent frais se leva qui faisait frissonner. Ou alors peut-être était-ce dû à la déception qui venait de m’envahir, à l’idée que peut-être nous ne serions pas compatibles...
La suite, la semaine prochaine…