La Paracha de cette semaine, Vayikra, énumère plusieurs Korbanot (sacrifices), dont ceux qui doivent être approchés pour expier des fautes involontaires. Pourquoi est-il nécessaire d’apporter une offrande pour une faute commise par inadvertance ? Les commentateurs expliquent que le fait qu’on en soit arrivé à une telle erreur montre une certaine négligence. Et même celui qui a un doute s’il a transgressé ou non un interdit doit apporter un Acham Talouï[1]. Le Séfer Ha’hinoukh précise que ce Korban n’absout pas l’acte en question (s’il avait été commis), mais vient rectifier le manque de vigilance qui entraina le doute.[2]
Comment naît cette négligence et en quoi un Korban peut-il aider à l’expier ? Comparons tout d’abord notre attitude dans le domaine matériel et celle sur le plan spirituel. Si une personne sait qu’une substance empoisonnée a été introduite dans la nourriture qu’elle est sur le point de consommer, elle évitera bien évidemment d’en manger. Ceci, parce qu’elle est bien consciente des incidences désastreuses que peut avoir une goutte de poison. De la même manière que nos actions dans le domaine matériel ont des conséquences naturelles, notre comportement dans la Rou’haniout a aussi des corollaires. Donc si l’on est placé devant un aliment interdit, on devrait s’en éloigner comme on éviterait un aliment empoisonné. Celui qui faute par inadvertance ou qui se trouve dans une situation de doute quant à la transgression d’une loi montre un manque de sensibilité quant aux conséquences spirituelles de ses actions.
Deux facteurs peuvent expliquer la difficulté à réaliser cette ressemblance entre le monde matériel et spirituel. Tout d’abord, le fait que le monde matériel soit concret, tangible : on voit plus clairement le résultat de nos actions. Et puis, on est habitué à la miséricorde divine, donc on imagine facilement qu’Hachem pardonnera automatiquement nos erreurs.
Mais le Messilat Yécharim nous met en garde : Hachem est un « D.ieu de vérité » qui juge chaque fait et geste. Sa clémence ne contredit pas le concept de punition et de récompense ; elle peut repousser la sanction pour permettre à l’individu de se repentir et ainsi, d’être complètement pardonné et elle peut amoindrir la sévérité de la punition. Mais il y a un jugement pour chaque chose et le fait d’en être conscient doit mener la personne à la vigilance.[3] L’offrande rectifiait également l’idée qu’Hachem est Vatran (Il ne ferme pas les yeux).
Nous n’avons pas l’opportunité d’apporter des sacrifices, alors comment nous imprégner de la gravité de la faute et éviter même celle faite involontairement ? Rav Israël Salanter conseille d’étudier en profondeur les sujets sensibles : par exemple, si l’on ressent une certaine faiblesse pour ce qui a trait au Lachon Hara, il convient d’en apprendre les lois…
Et il nous faut aussi matérialiser davantage certains concepts. On raconte plusieurs histoires concernant des Guédolim qui considéraient la spiritualité avec autant de concret que le monde physique et tangible. Rav Moché Feinstein devait un jour répondre à un appel urgent d’un pays étranger, mais il était bloqué par quelqu’un qui n’avait pas terminé sa prière. Quand on lui demanda pourquoi il n’était pas passé malgré tout, étant donné l’urgence de l’appel, il répondit qu’il y avait un mur qui lui barrait le passage et qu’il était tout à fait incapable de passer à travers un mur ! Son génie en Torah n’était pas seulement intellectuel, il vivait son étude !
Imaginons que l’on propose une somme de 100 $ à un Juif pratiquant pour qu’il dise du Lachon Hara ! S’il est honnête avec lui-même et qu’il ne dévie pas de la voie de la Torah, il refusera même une somme plus importante pour se préserver de la faute, car il sait que la sanction réservée à celui qui médit lui coutera beaucoup plus cher. Pourtant, on raconte souvent du Lachon Hara, même sans aucun paiement ! La différence entre ces deux situations est dans la conscience de l’individu : quand il est clair qu’il est sur le point de commettre une faute, il sait intellectuellement que cela va nuire à sa Néchama. Mais sans cette connaissance, au moment de l’action, on se dit souvent qu’il ne s’agit pas vraiment de Lachon Hara et l’on se permet d’en dire. On en déduit qu’une personne a la force de résister à la faute quand il lui est évident qu’il s’agit d’un Issour. Donc le fait d’améliorer cette clarté devant la Avéra et notre honnêteté nous aidera à éviter les transgressions.
Certes, nous n’avons plus les Korbanot, mais les enseignements que nous pouvons en apprendre peuvent nous ajouter beaucoup de crainte du Ciel, qui nous épargnera des dangers et des dommages de la faute.
[1] Vayikra, 5:17.
[2] Voir Séfer Ha’hinoukh, Mitsva 128. Voir aussi Sforno, Vayikra 15:17.
[3] Messilat Yécharim, Chap. 4, p. 41-42.