Il est écrit dans la paracha Ki-Tavo : וּבָאוּ עָלֶיךָ כָּל הַבְּרָכוֹת הָאֵלֶּה (Toutes ces bénédictions se réaliseront pour toi. (Devarim 28, 2).
On raconte qu’un bûcheron vivait dans la plus grande parcimonie, parvenant à peine à subvenir à ses besoins. Un jour, alors qu’il se reposait sous un arbre, il vit venir un berger menant un troupeau de mouton. Il remarqua soudain que l’une des brebis se dirigea dans la direction opposée à celle prise par le reste du troupeau, sans que le berger ne s’en aperçoive. Le même manège se reproduisit le lendemain et le surlendemain : chaque jour, l’une des brebis se séparait à un endroit donné du restant du troupeau, à l’insu du berger.
Décidant d’en avoir le coeur net, le bûcheron suivit la brebis rebelle qui le conduisit jusqu’à une grotte. Là-bas, était allongé un gros ours ayant perdu l’usage de ses pattes. L’ours ouvrit grand sa gueule, la brebis s’y engouffra de son plein gré et le prédateur la dévora. D’ailleurs, le bûcheron put voir juste à côté de l’ours un tas d’os, provenant visiblement des brebis des jours précédents.
En voyant cet étrange spectacle, le bûcheron se dit : « Quel prodige formidable ! S’il en est ainsi, à quoi bon m’user la santé avec un travail éreintant ? Celui Qui pourvoit aux besoins de cet ours, trouvera certainement comment pourvoir à mes propres besoins… » Aussitôt dit, il retourna à la forêt, rassembla ses outils et rentra chez lui. Son épouse, le voyant arriver les mains vides, s’exclama :
« Où sont donc les bois abattus aujourd’hui ? De quoi allons-nous vivre ?
— Celui Qui pourvoit aux besoins de l’ours, répondit le mari avec flegme, pourvoira également à nos besoins… »
Cette réponse n’eut pour effet que d’exaspérer davantage sa femme :
« Es-tu donc devenu fou ? Raconte-moi immédiatement ce qui s’est passé !
— Celui Qui pourvoit aux besoins de l’ours, répéta le bûcheron sans ciller, pourvoira également à nos besoins…»
Une petite heure plus tard, deux hommes arrivèrent chez eux et demandèrent au bûcheron de leur louer son âne pour une durée de deux jours. Le mari dit alors à sa femme : « Voistu que tu n’as pas à t’inquiéter ? Voilà, nous avons à présent de quoi manger pendant deux jours… » Mais les deux jours passèrent, et l’âne ne revint pas.
« Regarde notre situation, s’exclama la femme du bûcheron. Non seulement tu refuses de travailler mais de surcroît, nous avons maintenant perdu notre âne !
— Ne t’inquiète pas, la rasséréna son mari, Celui Qui pourvoit aux besoins de l’ours pourvoira également à nos besoins… »
Il s’avéra que les hommes qui avaient loué l’âne étaient en fait de dangereux brigands. Un peu plus tôt, ils avaient agressé un voyageur, l’avaient tué et dépouillé de ses biens. Plus tard, ils avaient creusé une fosse pour enterrer le pauvre homme, et y avaient découvert un formidable trésor. Le trésor étant très lourd, ils étaient partis louer l’âne de notre ami bûcheron pour transporter le magot jusqu’à leur repaire.
De retour sur les lieux du crime, ils mirent le trésor dans de gros sacs et en chargèrent l’âne. Mais après avoir fini leur besogne, les deux hommes éprouvèrent une faim excessive. Ils décidèrent d’attacher l’âne à un arbre, et pendant que l’un irait dans la ville la plus proche acheter de quoi manger, l’autre resterait sur place pour garder leur précieuse trouvaille.
Pendant qu’il était en route, le premier brigand se dit :
« Après tout, c’est moi qui ai creusé ce trou et trouvé le trésor. Il m’appartient donc de droit ! Je vais introduire du poison dans le pain de mon complice et ainsi, ce trésor ne reviendra qu’à moi seul ! » Au même moment, le brigand qui gardait l’âne se dit : « Après tout, c’est moi qui ai tué ce voyageur et le trésor devrait me revenir ! Je vais tendre un piège à mon complice. » Il creusa alors un profond trou, qu’il recouvrit de sacs. Il complota de faire asseoir son acolyte sur les sacs, afin qu’il aille se briser le cou au fond du puits.
Lorsque le premier homme revint de la ville, son compagnon lui proposa de s’asseoir à côté de lui, sur les sacs. Comme prévu, le brigand tomba au fond du trou béant et se tua sur le coup. Satisfait, l’autre homme commença à manger le pain mais après quelques bouchées, il fut pris de graves convulsions, qui eurent raison de lui.
Quelques heures plus tard, l’âne, tiraillé par la faim, parvint à rompre à ses liens et prit la route conduisant à la maison de son maître. Celui-ci, en le voyant arriver, s’empressa de le soulager de ses charges et y découvrit des joyaux, des pièces d’or et des trésors brillant de mille feux. Il appela aussitôt sa femme :
« Vois mon épouse, combien nous nous sommes enrichis, et même notre âne nous est revenu ! Ne t’avais-je pas dit : Celui Qui pourvoit aux besoins de l’ours pourvoira également à nos besoins ?… »