Avant la longue réprimande qui caractérise la paracha de cette semaine, Ki-Tavo, la Torah promet de grandes récompenses pour le peuple juif s’il respecte les commandements d’Hachem. Cette section se termine par un avertissement sur le comportement à ne pas adopter. « Ne dévie pas des mots que Je vous ordonne aujourd’hui, ni à droite ni à gauche, pour suivre d’autres dieux pour les servir. »[1]

Selon le sens simple, ces mots condamnent l’idolâtrie. Le Seforno propose une autre explication. Il écrit que la Thora exhorte le peuple à ne pas confondre les minhaguim (coutumes) que l’on garde par habitude, et les Mitsvot prescrites par la Thora[2]. Rav Moché Sternbuch chlita note que le Seforno inclut les minhaguim établis dans la loi juive. Il affirme qu’un minhag est un moyen de protéger ou de faciliter l’accomplissement des mitsvot de la Thora et non une mitsva en soi[3]. Parfois, un individu ne parvient pas à différencier un commandement d’une coutume ou d’une exigence et cela peut avoir des conséquences désastreuses.

En effet, la faute la plus dévastatrice de l’histoire fut commise à cause d’une confusion entre une barrière visant à protéger un ordre divin et l’ordre lui-même. Dans la paracha de Beréchit, Hachem interdit à Adam HaRichon de consommer du fruit de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. Or, quand le serpent questionna ‘Hava à ce propos, elle répondit qu’ils avaient reçu l’ordre de ne pas en manger et de ne pas y toucher. S’ils transgressaient l’un des interdits, ils mourraient.

Pourquoi ajouta-t-elle la prohibition de toucher à l’arbre alors qu’Hachem n’avait pas condamné cette action ? ‘Hazal nous informent que quand Adam transmit l’information donnée par Hachem, il ajouta l’interdiction de toucher à l’arbre. Ses intentions étaient louables, puisqu’il désirait ajouter une proscription qui empêcherait la consommation du fruit. Mais, quand le serpent poussa ‘Hava contre l’arbre et que rien ne se produisit, il lui donna l’assurance que de la même manière que rien de mal ne lui était arrivé au contact de l’arbre, rien n’arriverait non plus si elle en mangeait le fruit.[4]

L’instruction d’Adam n’était pas mauvaise en soi. Mais il aurait dû informer ‘Hava du fait qu’il s’agissait d’une exigence qu’il avait lui-même ajoutée et non d’un ordre venant directement d’Hachem. La confusion qui s’ensuivit eut des conséquences terribles.

Le Seforno précise que les minhaguim ne sont pas une fin en soi, mais ils ont pour but de nous aider à respecter les mitsvot. Certains servent également à nous inculquer des traits de caractère fondamentaux pour notre Avodat Hachem et l’on doit, là aussi, faire attention à ne pas adhérer rigoureusement au minhag en oubliant le message qu’il véhicule.

Les histoires suivantes montrent comment on peut facilement en arriver à une pareille erreur.

On raconte qu’un Gadol[5] fut invité un vendredi soir, et qu’en arrivant chez son hôte, ce dernier vit que la ‘halla n’était pas recouverte, comme le veut le minhag. Gêné par cette bévue, il se mit à admonester sa femme infortunée devant le rav. Après cet emportement, celui-ci prit son hôte à part et lui demanda s’il savait pourquoi on avait l’habitude de recouvrir la ‘halla. C’est pour ne pas lui « faire honte » quand on fait la bénédiction sur le vin avant le repas et que l’on ne commence pas par celle de hamotsi. En faisant honte à sa femme de la sorte, l’hôte montra qu’il n’avait pas du tout intériorisé la signification de ce minhag !

Un autre vendredi soir, un jeune homme fut invité pour la première fois chez quelqu’un qui discuta avec lui pendant 45 minutes, tentant de le mettre à l’aise, alors que le ba’hour affamé attendait impatiemment le début du repas. Quand ils se mirent finalement à table, l’hôte annonça qu’il ne récitait pas Chalom Alékhem et Echet ‘Haïl, selon l’habitude du ‘Hafets ‘Haïm.[6] Il avait certainement oublié que l’illustre rav omettait ces passages pour ne pas faire attendre ses invités et pour les servir au plus vite. En ignorant la faim du jeune homme pendant 45 minutes, l’hôte montra qu’il n’avait pas compris que cette pratique était censée inculquer une certaine sensibilité à l’égard d’autrui. Il garda la coutume, sans réaliser son objectif.[7]

Le yétser hara tente, par divers moyens, de nous faire dévier et trébucher. Entre autres, il nous pousse à respecter des minhaguim aux dépens de l’observance correcte des mitsvot. On peut avoir tendance à se concentrer sur des détails kabbalistiques et à oublier l’essence de la mitsva.

Rav Yaacov Hillel chlita rencontra un homme qui lui affirma vaniteusement qu’il est interdit de croiser les doigts (faire entrer les doigts d’une main entre ceux de l’autre main). Au cours de leur conversation, il dit également qu’il ne respectait pas le Chabbat !

Le yétser hara peut inciter la personne à se focaliser sur des détails de son habillement qui ne constituent pas la loi juive. Bien que ce soit louable dans certains cas, cela risque de minimiser l’accent mis sur les mitsvot de la Thora.

Comme nous l’avons expliqué, le principal est de garder à l’esprit ce qui est un minhag et non un commandement, et aussi de se souvenir que cette coutume est censée lui transmettre un message ou l’aider à mieux observer les commandements d’Hachem.

Puissions-nous tous mériter de comprendre le but des mitsvot et des minhaguim.



[1] Devarim, 28:14.

[2] Seforno, Devarim, 28:14. Le Seforno semble interpréter le fait de « dévier» des paroles d’Hachem comme l’éloignement des mitsvot à cause d’un mauvais usage des minhaguim, et non comme la pratique de l’idolâtrie.

[3] Taam VaDaat, Devarim, 28:14.

[4] Sanhédrin, 29a; Beréchit Raba, 19:3, rapporté par Rachi, Beréchit, 3:3.

[5] Il s’agit soit de rav Israël Salanter zatsal, soit de rav Shraga Feivel Mendelovitz zatsal.

[6] Il les récitait plus tard, quand tout le monde avait mangé quelque chose.

[7] Histoire racontée par le rav Its’hak Berkovits chlita.