La faute du Veau d’Or est l’un des épisodes les plus difficiles de la Torah. Plusieurs commentateurs se demandent comment les Juifs purent commettre une telle erreur si peu de temps après le Don de la Torah. La sanction infligée par Hachem est tout aussi surprenante ; « Voici, Mon ange marchera devant toi… »[1] Rachi explique que jusqu’alors Hachem guidait le peuple juif dans le désert et que dès lors, un ange allait le diriger ; telle était la punition, Mida Kénégued Mida (mesure pour mesure) – ce qui est censé nous aider à mieux comprendre la nature de la faute.
Il nous faut tout d’abord savoir que les Bné Israël n’avaient pas l’intention de se livrer à l’idolâtrie, mais ils édifièrent le Egel pour qu’il serve d’intermédiaire entre Hachem et eux. Quand ils crurent comprendre que Moché était mort, ils paniquèrent, pensant qu’ils ne pouvaient pas avoir de lien direct avec Hachem, qu’il leur fallait un porte-parole pour communiquer avec Lui en leur faveur. Ce n’était pas un déni de D.ieu, mais une croyance erronée de la nécessité d’un représentant, qui leur transmettrait Ses enseignements et Ses bienfaits.[2]
Nous pouvons à présent saisir la cause du ’Het Haéguel. Les Juifs en arrivèrent à croire qu’ils avaient besoin d’un intermédiaire parce qu’à un certain niveau, ils ne souhaitaient pas établir une relation directe avec Hachem. C’est pourquoi ils tenaient tellement à un « médiateur ».
En quoi cet enseignement est-il pertinent de nos jours ? Nous sommes parfois préoccupés par notre Avodat Hachem, au risque d’en oublier D.ieu Lui-même. On raconte qu’un Rav demanda à l’un de ses élèves s’il pensait souvent à Hachem. Le disciple répliqua : « Rabbi, je me lève tous les jours à 3 h du matin pour étudier avant le Nets, puis j’enchaîne sur mon Limoud sans interruption jusqu’à Min’ha et immédiatement après une courte pause-déjeuner, le poursuis mon étude jusqu’au coucher, pour me réveiller le lendemain à 3 h du matin et étudier… Rabbi, quel moment puis-je consacrer à penser à Hachem ? »[3]
De la même manière que le Dor Déa ((littéralement « génération de la Sagesse », génération qui vit la sortie d’Égypte et le don de la Torah) se sur-focalisa sur la nécessité d’intermédiaires, nous sommes parfois aveuglés par les moyens dont nous disposons pour nous rapprocher d’Hachem, pensant qu’ils sont eux-mêmes des objectifs, « les arbres nous cachent la forêt ». Ces moyens peuvent être l’étude de la Torah, qui doit nous mener à une Émouna plus forte et une crainte d’Hachem plus intense, ou même l’accomplissement des Mitsvot qui nous rapproche d’Hachem.
Prenons garde à ne pas remplacer l’essentiel par l’accessoire. Parfois, la personne effectue une Mitsva sans penser du tout à Hachem. Et elle estime l’avoir accomplie de manière satisfaisante ! Rappelons à ce sujet les propos du Ramban, dans Parachat Bo : « Le but des Mitsvot est de croire en Hachem, de reconnaitre qu’Il est notre D.ieu ; c’est l’unique objectif de toute la création, et la seule chose qu’Hachem souhaite est que nous sachions, que nous reconnaissions qu’Il nous a créés. »[4]
Il existe plusieurs façons d’éviter ce piège et de ne pas oublier que le but de notre Avoda est d’intensifier notre relation avec Hachem. La plus évidente est l’étude de Livres qui traitent d’Émouna, de Bita’hon ou de Téfila. Rav Brezak écrit qu’il demanda à l’un des Guédolim comment il pouvait travailler sur cet aspect et on lui répondit qu’il fallait prier pour chaque petite chose, même banale. Par exemple, prier pour que le bus que nous attendons arrive plus rapidement. Cet exercice nous aide à réaliser constamment qu’Hachem est avec nous et à penser à Lui durant nos activités spirituelles, comme l’étude de la Torah[5]. Notons également que l’amélioration de notre relation avec Hachem a un effet incroyable sur nos enfants. Si ces derniers voient des parents qui entretiennent un lien fort avec D.ieu, il est très probable qu’ils agissent de la même manière. Ne sous-estimons pas la portée de cette liaison dans l’éducation. Rav Brezak cite Rav Wolbe qui affirme que si un grand nombre d’enfants se rebellent de nos jours, c’est parce que les parents ne sont pas suffisamment conscients de la présence d’Hachem dans leur quotidien et de Ses bienfaits.[6]
Plusieurs leçons sont à tirer de la faute du Veau d’Or. L’une des plus importantes est de se souvenir que nous avons la possibilité d’avoir un lien direct avec Hachem et que tout le reste correspond à des moyens pour atteindre ce but.
Puissions-nous mériter d’améliorer constamment notre relation avec Hachem.
[1] Parachat Ki Tissa, Chémot, 32:34.
[2] Voir ’Houmach Artscroll, p. 493.
[3] Entendu de Rav Moché David Cohen.
[4] Ramban, Parachat Bo, Chémot, 13:16.
[5] Chinuch in Turbulent Times, p. 167.
[6] Ibid.