La Paracha Vayétsé est particulièrement riche en enseignements, même si sa lecture peut parfois paraître déroutante. En effet, ce texte nous présente des passages dont le sens immédiat peut sembler difficile à comprendre, que ce soit le rêve de Yaakov, la longue description de l’épisode des puits, la relation de Yaakov avec Léa ou encore avec Lavan.
Bref, ces passages laissent supposer qu’il existe (au moins) un deuxième niveau de lecture, et que notre Paracha a un sens caché. Voilà probablement également l’une des raisons pour lesquelles elle se présente sous la forme d’une Paracha totalement fermée (Stouma) du début à la fin, sans aucun retour à la ligne.
Comme toujours, plusieurs commentaires de Rachi sont porteurs d’enseignements de nature éthique et résonnent avec une actualité particulière.
Tout d’abord, à l’occasion du vœu formulé par Yaakov sur le chemin entre Béer-Chéva et ‘Harane, celui-ci émit le souhait d’être protégé par D.ieu, et qu’Il lui permette de retourner « en paix » dans la maison paternelle. A cet égard, Rachi écrit le commentaire suivant :
En paix : Le mot Chalom (paix) contient aussi l’idée d’être intègre, entier. « Entier » de tout péché, car je ne veux rien apprendre des manières d’agir de Lavan.
A la fin de la précédente Paracha, Rachi précise que Yaakov est resté durant 14 ans dans la Yéchiva de Chem et Ever, les descendants de Noa’h, où il n’a pas cessé d’étudier, de jour comme de nuit. La volonté de notre Patriarche était de se renforcer spirituellement de manière intensive, afin de disposer de la force nécessaire pour résister aux idéologies idolâtres qui l’attendaient sur la terre étrangère où vivait Lavan, et dont il craignait que la perversité morale ne l’atteigne.
Il ne compta ni sur sa détermination, ni sur son indépendance d’esprit, lui qui était déjà qualifié à l’origine comme étant un Tsadik, un « Ich Tam Yochèv Ohalim », un homme intègre qui passait tout son temps dans les lieux d’étude. Il se caractérisa par son souci permanent de ne pas faillir à son service divin, et de ne pas se laisser influencer par la dépravation morale de la société au milieu de laquelle il vivait.
C’est également cette même volonté de se protéger au maximum des tentations du Yétser Hara qui l’amène, au début de notre Paracha, à faire un détour par le mont Moria, endroit où ses pères ont prié, afin de solliciter à nouveau la protection d’Hachem liée aux mérites de ses ancêtres.
Nous comprenons ainsi que pour Yaakov, l’enjeu était de taille : il s’agissait tout simplement de son avenir spirituel, et donc de celui de sa descendance, qui étaient menacés par des influences sur lesquelles il n’avait aucun contrôle, et dont il savait pertinemment à quel point elles pouvaient être puissantes.
C’est là tout le sens également du commentaire de Rachi mentionné plus haut, au sujet de la prière de Yaakov demandant à retourner plus tard chez lui « en paix ». Cette paix que recherche le Patriarche est la paix intérieure, non pas au sens d’une tranquillité, mais plutôt d’une capacité à ne pas être affecté par les influences extérieures, et à conserver sa pureté originelle sans que celle-ci ne se laisse affadir par un environnement néfaste.
Le Tsadik puise ainsi sa force et son moteur exclusivement de l’intérieur grâce à la puissance de son amour et de sa crainte de D.ieu, grâce aux mérites de ses pères, et bien sûr grâce à la solidité de son étude permanente de la Torah.
Voilà pourquoi Rachi nous rappelle que la notion de paix, « Chalom » en hébreu, tire sa racine du mot « Chalem » qui signifie complet, intègre. Yaakov souhaitait préserver la pureté de son âme ainsi que sa relation avec Hachem, sans que celle-ci ne soit affectée par un quelconque « Pgam » (défaut), ni par la moindre scorie liée à l’influence des mœurs de Lavan et de la société environnante.
Rappelons ce verset également bien connu (Juges, 5, 31) : « Ceux qui aiment D.ieu rayonneront comme le soleil dans sa gloire ».
L’ambition fixée à l’homme est effectivement de parvenir à une totale autonomie dans son action. Tel le soleil qui diffuse sa propre lumière en permanence, l’homme doit avancer dans le chemin de la vie en diffusant constamment la lumière de ses valeurs morales, la lumière de la Torah, de l’amour de D.ieu et des Mitsvot.
Bien sûr, le chemin n’est pas facile. Ce dernier invite à beaucoup d’humilité et à ne pas surestimer ces forces, à l’image de Yaakov qui redoutait toujours de faillir dans cette mission, alors qu’il avait atteint une grandeur et une sainteté inégalées. Mais ce chemin est possible, et il est même le seul que l’homme doit rechercher, car D.ieu lui promet de lui venir en aide et d’y trouver sa dignité en toutes circonstances.
Naturellement, la réflexion à laquelle nous invite notre Paracha a des échos particulièrement modernes, dans la mesure où nous sommes immergés au cœur d’un monde propageant des valeurs et des modèles de vie souvent bien éloignés de ce que prescrit la Torah. Il faut alors beaucoup d’aide du Ciel pour continuer à voir clair dans le chemin que nous devons suivre, et pour préserver la pureté de nos âmes que D.ieu nous a confiées.