La Paracha de cette semaine embrasse bien des sujets, depuis l’épisode de Pin’has et la fin de l’épidémie qui frappait le peuple, jusqu’aux offrandes offertes à l’époque du Temple à l’occasion des différentes solennités du calendrier juif. D’autres épisodes sont restés célèbres, notamment le quatrième dénombrement du peuple, ou encore le cas des filles de Tsélofh’ad qui pose les règles de l’héritage pour les filles.
La Paracha de Pin’has a également ceci de spécifique qu’elle coïncide avec la période des 3 semaines entre le 17 Tamouz et le 9 Av, période durant laquelle nous commémorons la destruction du Beth Hamikdach, le Temple de Jérusalem. Or, cette Paracha évoque le Temple à de nombreuses reprises à travers les sacrifices qui y étaient apportés tous les jours, mais aussi durant les fêtes.
Voilà donc une opportunité de nous souvenir, en ces jours difficiles, de ce que le monde a perdu avec la destruction du Temple, et de prier avec ferveur pour sa reconstruction très prochaine, avec l’aide de D.ieu.
À l’occasion de la fête de Souccot, la Paracha mentionne les sacrifices qui y étaient apportés (chapitre 29, versets 12-34). Ces sacrifices étaient composés notamment de taureaux, de béliers et d’agneaux. Sur l’ensemble de la fête de Souccot, 70 taureaux étaient apportés au Temple, et nos Sages nous enseignent qu’ils symbolisaient les 70 nations. Ces offrandes apportaient ainsi une protection contre les calamités à toutes les nations du monde, comme nous le rappelle Rachi dans son commentaire sur le verset suivant (chap. 29, verset 18) : « Leurs oblations et leurs libations, pour les taureaux, les béliers et les agneaux, à proportion de leur nombre, auront lieu d'après le rite ».
Leurs oblations (Min’ha) et leurs libations (Néssakhim) pour les taureaux : Les taureaux offerts pendant Souccot sont au nombre de 70, tout comme les 70 nations du monde qui vont en diminuant graduellement (Soucca 55b). C’est pour elles un signe de déclin, et à l’époque du Temple, ils les protégeaient contre les souffrances.
Cet épisode nous rappelle que l’universalisme du judaïsme et de la Torah se loge précisément au cœur de son particularisme. Le Temple de Jérusalem, le lieu le plus saint du judaïsme encadré par des règles de pureté très rigoureuses, se révèle également être le lieu de l’ouverture aux autres nations, de la sollicitude à leurs égards, et en fin de compte, un lieu de paix pour l’ensemble de l’humanité. Contrairement à la pensée commune qui considère que l’universalisme et l’ouverture à l’autre requièrent comme préalable l’abandon des particularismes, la Torah réussit cette prouesse de faire résider l’universel au cœur du particulier.
Voilà pourquoi nos Sages nous enseignent que si les nations avaient eu la sagesse de mesurer les bienfaits que leur apportait le Temple, elles l’auraient entouré de légions pour le protéger au lieu de chercher à le détruire.
Le Temple étendait donc sa protection à l’ensemble de l’humanité. Il donnait également au peuple juif le bonheur et le privilège de vivre dans une proximité exceptionnelle avec la Présence divine, et de connaître des miracles inouïs au quotidien. Cette atmosphère de sainteté qui entourait le Temple et étreignait tous ceux qui s’en approchaient donnait au monde et à la vie une profondeur et une saveur exceptionnelles.
Évidemment, à cause de nos fautes, cette profondeur et cette proximité ont disparu, il nous en reste seulement des traces. Seuls certains moments de la vie particulièrement intenses en matière de sainteté peuvent nous rappeler le goût de ce que nous vivions au quotidien.
La parabole suivante pourra nous aider à mieux comprendre l’enjeu de notre relation avec le Beth Hamikdach :
Un roi avait un fils qui se comportait mal et n’écoutait pas les remontrances de son père. Après l’avoir averti à plusieurs reprises qu’il ne pourrait plus le garder dans son palais s’il continuait dans cette mauvaise voie, le roi finit par le renvoyer et le confier à un bûcheron pour qu’il passe une année à ses côtés.
Au terme de cette année, le roi s’apprêta à revoir enfin son fils. Il était persuadé qu’il le supplierait de le laisser revenir au palais. En se voyant, ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Le roi demanda alors à son fils ce qui lui ferait le plus plaisir. Ce dernier se contenta de demander des nouvelles chaussures à son père, car les siennes s’étaient abîmées. Il avait oublié la saveur de la vie au palais, et sa seule ambition n’était que de recevoir une nouvelle paire de chaussures…
De même, il nous appartient à nous aussi d’être vigilants et de cultiver la saveur que le Beth Hamikdach donnait à la vie dans notre esprit et dans notre cœur. Il nous appartient de nous pénétrer de tout ce que nous avons perdu avec la destruction du Temple, et de désirer ardemment et sincèrement retrouver cette « vie de palais », cette sainteté extraordinaire que nous connaissions.
Parfois, accaparés par notre vie quotidienne, nous adressons à Hachem des prières légitimes pour ce qui nous tracasse au quotidien, mais nous ne devons jamais oublier de prier également pour l’enjeu fondamental de notre existence : l’intensification de notre proximité avec Hachem, la reconstruction du Beth Hamikdach et la venue du Machia’h. N’oublions pas également que nous en sommes les principaux artisans grâce au raffinement de nos qualités morales et aux actes de générosité gratuits que nous accomplissons.
Comme le rappelle le prophète Jérémie dans la conclusion de notre Haftara, le prélude à notre libération réside dans le souvenir que garde Hachem de nos actes de bonté : « Ainsi parle l’Eternel, je me souviens à ton sujet de la bonté de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles quand tu me suivais dans la désert dans une région inculte. lsraël est une chose sainte, appartenant à l'Eternel, les prémices de sa récolte : ceux qui en font leur nourriture sont en faute ; il leur arrivera malheur, dit l'Eternel. »