Une Halakha importante est déduite des versets de la Paracha de Kora’h et de Chela’h Lekha. La Guémara stipule que si dix hommes juifs se réunissent, ils peuvent sanctifier publiquement le Nom de D.ieu en récitant des paroles saintes, comme le Kaddich ou la Kédoucha. On l’apprend d’un verset de la Parachat Emor : « Vénikdachti Betokh Bné IsraëlJe serai sanctifié au milieu des Bné Israël »[1] que la Guémara compare au verset de la présente Paracha dans lequel Hachem demande à Moché et à Aharon de se séparer de l’assemblée de Kora’h : « Hibadlou Mitokh Haéda Hazoth – Séparez-vous du milieu de cette communauté »[2]. La Guémara lie également ce verset à un autre évoquant les dix explorateurs qui firent un rapport scandaleux d’Erets Israël et qui les appelle « Haéda Haraa Hazot – cette mauvaise communauté »[3]. On en déduit que les explorateurs furent décrits comme « Eda » parce qu’ils étaient dix et il faut donc dix hommes pour réciter des Dévarim Chébikdoucha (paroles saintes).

Pourquoi la Torah choisit-elle de nous enseigner le concept du « Minyan » en se référant à deux groupes d’individus – les explorateurs et l’assemblée de Kora’h – qui se rendirent coupables de graves fautes ? Rav Yaacov Luban[4] explique que lorsqu’une personne observe ces incidents de manière superficielle, elle peut facilement penser qu’ils étaient de véritables Réchaïm, sans aucune vertu – après tout, la Torah leur jette une lumière très négative pour avoir manqué de confiance en Hachem et pour avoir bafoué l’autorité de Moché Rabbénou. Néanmoins, une analyse plus profonde nous montre qu’il s’agissait d’hommes justes qui avaient des raisons très compréhensibles d’agir de la sorte, mais qui se trompèrent à cause d’une faille dans leur caractère qui les mena à mal considérer les choses et à commettre par la suite une terrible faute.

Dans le cas de Kora’h, ‘Hazal affirment qu’il était un grand homme et qu’il vit prophétiquement que d’illustres personnages, dont le prophète Chmouël, seraient issus de lui. Ceci le convainquit du fait que sa querelle avec Moché Rabbénou était justifiée. Il ne réalisa pas que ses fils allaient faire Téchouva et que Chmouël viendrait au monde par leur mérite et non par le sien.

De même, les deux cent cinquante anciens qui se joignirent à lui étaient vertueux. Le Natsiv[5] explique que leurs intentions étaient nobles : ils souhaitaient se rapprocher d’Hachem en partageant le rôle que remplissaient les Kohanim. Ils voulurent apporter une offrande à Hachem et, bien que sachant qu’ils risquaient de mourir à cause de cela, ils furent prêts à sacrifier leur vie pour bénéficier de cette « proximité » avec Hachem. Le Natsiv ajoute qu’ils n’avaient aucune plainte contre Moché et Aharon, mais qu’ils savaient que leur participation à la rébellion de Kora’h était la seule façon d’avoir l’opportunité d’effectuer le service des Kohanim. Leurs nobles intentions, quoiqu’erronées, leur valurent de subir une mort plus digne, en étant brûlés par un feu sacré.

Dans le même ordre d’idées, les commentateurs expliquent que les dix explorateurs étaient d’illustres hommes motivés par le bien. Certains pensent qu’ils estimèrent que le peuple juif n’était pas prêt à abandonner son mode de vie spirituelle du désert pour vivre une existence plus matérielle dès son entrée en Erets Israël. Eux aussi se sont lourdement trompés, mais il convient de souligner qu’ils n’étaient pas des gens purement mauvais.

Pour revenir à Kora’h, l’histoire suivante (racontée par Rav Issakhar Frand) nous donne une idée de l’ambigüité concernant sa vertu. Le Rav de Satmar raconta qu’il se souvenait de son arrière-grand-père, le Isma’h Moché qui dit à son fils, le Itav Lev (le grand-père du Rav de Satmar) qu’il était revenu dans ce monde (par le biais du Guilgoul Néchama, de la réincarnation) à trois reprises. La première fois fut à l’époque des juifs dans le désert, lors de la rébellion de Kora’h. En entendant cela, le Itav Lev demanda à son père de lui raconter les événements de cette époque. Ce dernier relata que les chefs du Sanhédrin se positionnaient du côté de Kora’h et que le peuple soutenait Moché. « Qui soutenais-tu ? », demanda le Itav Lev. Ce à quoi son père répondit : « J’étais neutre ». Le Itav Lev demanda comment il était possible qu’il ne soutînt pas Moché dont la grandeur était manifeste. Et son père de répondre : « Je vois que tu n’as aucune idée de la grandeur de Kora’h. Si tu avais été présent à cette époque et que tu avais connu Kora’h, tu n’aurais pas été surpris de ma neutralité. » Cette histoire nous aide à réaliser à quel point il est inexact de considérer les gens comme Kora’h et son assemblée, ainsi que les explorateurs, comme des Juifs purement mauvais.

Deux enseignements fondamentaux sont à dériver de ce développement. Tour d’abord, quand on apprend les histoires de la Torah, en tant qu’enfant, elles sont nécessairement enseignées de manière simplifiée, en « noir ou blanc », où les personnages vertueux sont décrits comme des êtres parfaits et ceux qui ont fauté sont de véritables mécréants. Le problème se pose si l'on garde cette approche immature à propos des personnages de la Torah, même en grandissant et que cela nous empêche d’apprendre des « Réchaïm » de la Torah, d’importantes leçons.

Deuxièmement, il faut se souvenir que même les Juifs les plus vils ont une étincelle pure et qu’ils désirent, au plus profond d’eux-mêmes, faire le bien. Et même les Juifs particulièrement mauvais, sur lesquels on dit qu’ils n’ont pas de part dans le monde futur, auront finalement droit au Olam Haba, du fait de la pureté inhérente à leur âme. Ceci nous montre qu’il ne faut jamais renoncer à un Juif et à son repentir, peu importe à quel point il s’est éloigné de la Vérité.

 

[1] Vayikra 22:32.

[2] Bamidbar 16:21.

[3] Bamidbar, 14:35.

[4] Rapporté par Rav Issakhar Frand.

[5] Émek Davar, 16:1.