La Paracha de cette semaine, Béhaalotékha, nous décrit le peuple juif sur le point d’entrer en Erets Israël. Mais plusieurs fautes empêchèrent cette occurrence, et les forcèrent à rester quarante années supplémentaires dans le désert. Entre autres Avérot, on compte le fait de vouloir quitter promptement le Mont Sinaï (après y avoir reçu la Torah) et leur plainte concernant la Manne (ils préféraient recevoir de la viande). Une lecture superficielle peint un portait bien médiocre, voire honteux, du peuple juif : exigeant, davantage satisfait par la matérialité que par l’opportunité d’apprendre la Torah au Mont Sinaï ou de consommer une nourriture céleste…
Bien évidemment, ce n’est pas le cas ; les Bné Israël avaient atteint un niveau spirituel très élevé. Ils avaient vu les miracles de la sortie d’Égypte, avaient entendu Hachem leur communiquer directement les Commandements… Leurs fautes étaient donc subtiles et leur comportement n’était pas impulsif ni complètement irréfléchi.
Le Torat Avraham explique que le peuple juif avait vécu jusqu’alors bien au-delà des lois de la nature. Ils ne mangeaient pas comme tout le monde, n’avaient pas besoin de se soucier de leur habillement, ni du travail de la terre, ils voyaient sans cesse des prodiges se dérouler. Ce n’est pas le mode de vie destiné à des êtres humains — nous sommes censés vivre dans la nature, dans le monde environnant et tenter de l’élever grâce à des motivations spirituelles. Hachem ne souhaite pas que nous soyons comme des anges qui ne sont pas éprouvés, mais au contraire, que nous utilisions notre libre arbitre pour réussir ces tests et que nous nous rapprochions ainsi de Lui. Mais, Hachem, dans Sa sagesse infinie, « décida » qu’il était nécessaire pour les Bné Israël à cette époque, de mener une vie semblable à celle des anges. Ils avaient besoin de cette période de spiritualité parfaite pour se préparer à leur vie future ; celle inscrite dans les lois de la nature. Ceci, afin qu’ils parviennent ultérieurement à rester liés à Hachem tout en étant impliqués dans la matérialité.
Après cette période passée dans un monde purement spirituel, les Juifs s’estimèrent capables d’entrer à nouveau dans un environnement matériel. Leur motivation était essentiellement Léchem Chamaïm (pour le Ciel) ; ils désiraient mettre en application tout ce qu’ils avaient absorbé au Mont Sinaï et élever le monde matériel. C’est la raison de leur impatience à quitter le Har Sinaï et de leur rejet de la Manne (qui est l’illustration parfaite d’un mode de vie surnaturel) au profit de la viande (c’est-à-dire d’une alimentation « normale », naturelle). Ils pensaient que cela leur permettrait de se rapprocher d’Hachem, puisqu’ils devraient faire face aux épreuves accompagnant une existence matérielle.
Ils furent toutefois sévèrement punis pour ces actes, preuve d’une certaine faille dans leur raisonnement. Le Torat Avraham explique que le moment de retourner à une vie normale n’était pas encore arrivé. Ils n’étaient pas tout à fait prêts, leur souhait était prématuré et si Hachem l’avait exaucé à cet instant, les conséquences auraient été graves, parce qu’ils n’auraient pas été capables de surmonter les épreuves qu’ils devaient traverser. D’autant qu’ils n’auraient pas dû faire leurs propres calculs quant au moment de terminer leur mode de vie surnaturel ; ils auraient dû avoir confiance en la décision d’Hachem.
Deux leçons fondamentales sont à tirer de ce développement. Premièrement, nous avons besoin d’un temps de préparation spirituelle durant lequel nous sommes à l’abri des nombreux challenges du « monde extérieur » et il ne faut en aucun cas s’en débarrasser prématurément, de peur de ne pas être au niveau de surmonter les défis que nous allons devoir affronter. Deuxièmement, à un moment donné, nous devons sortir de notre « bulle spirituelle » et entrer dans le monde matériel des épreuves.
Ces enseignements (et leur mise en application) varient d’une personne à l’autre, mais le principe est le même et s’applique à tout le monde. Certes, nous ne vivons pas dans le surnaturel comme la génération du peuple juif dans le désert, mais nous pouvons passer du temps à grandir spirituellement. Cela peut être dans une Yéchiva ou dans un séminaire, quand l’individu peut se concentrer sur la construction de sa personne sans souci ou charge matériels. Cela peut être également dans une synagogue ou une maison d’étude, quand on peut être absorbé pas la spiritualité. (Dans ce cas, il faut veiller à se détacher réellement du monde extérieur et à se dévouer entièrement à cette cause. Par exemple, éteindre son téléphone durant l’étude ou la prière pour ne pas être assailli par nos affaires journalières.)
Le deuxième enseignement est également pertinent à notre époque. Chacun est, à un certain moment, amené à cesser de vivre une existence consacrée à la spiritualité. Cela ne signifie pas forcément arrêter d’étudier ou d’enseigner la Torah ; cela peut se faire par le mariage ou le parentage. Ces étapes de la vie conduisent inévitablement l’homme à s’impliquer dans des choses moins spirituelles, comme la situation financière, les tâches administratives, le fait de nourrir ses enfants ou de leur lire une histoire au coucher. Si Hachem souhaite que nous traversions ces phases, c’est certainement qu’elles représentent une partie clé de notre Avodat Hachem. Pour d’autres, ce changement se fera quand ils entreront dans le monde du travail, où ils feront face à de nouveaux défis accompagnés de nouvelles opportunités de grandir (comme leur honnêteté mise à l’épreuve dans les affaires ou leur capacité à maintenir leur niveau de Tsniout…)
Puissions-nous mériter de mettre les enseignements du Torat Avraham en application dans notre quotidien.