Il ne s’est passé que deux mois depuis l’attentat à Jérusalem où deux meurtriers d’origine musulmane entrèrent dans une synagogue en assassinant, avec une cruauté si grande et indescriptible, quatre juifs érudits, craignant Hachem, saints et purs, en pleine prière du matin, revêtus de leurs Talit et ceints de leurs Téfilin.
Or, nous sommes à nouveau choqués et nous avons le cœur brisé devant la tragédie qui s’est déroulée en France, quand un assassin dépourvu de cœur a tué de sang-froid quatre âmes pures, des juifs saints, vendredi après-midi, partis simplement faire leurs achats en l’honneur du Chabbat.
Et au lieu de revenir à la maison avec les délices du Chabbat pour accomplir (Isaïe, 58 : 13) : « si tu considères le Chabbat comme un délice », leurs âmes sont montées dans la fureur au Ciel, après être tombées sous les balles, sans rien avoir à se reprocher, si ce n’est le seul fait d’être des juifs descendants d’Avraham, d’Isaac et de Yaakov.
Les mots de la prière du matin, par lesquels les juifs s’épanchent dans le monde entier depuis des millénaires deux fois par semaine, les jours de lecture de la Torah les lundis et jeudis, prennent, au vu des évènements, une résonnance particulière :
« Observe du Ciel et regarde, nous sommes la risée et la lie des nations, considérés comme un troupeau allant à l’abattoir, pour être tués, exterminés, frappés et disgraciés. Malgré tout, nous n’avons pas oublié Ton Nom ; S’il Te plaît, ne nous oublie pas ! »(Ta’hanoun, rite ashkénaze et ‘habad).
Nous sommes perdus, nous cherchons un moyen d’exprimer par des mots la grande douleur qui étreint l’âme de chaque juif, nous cherchons vainement un peu de réconfort et de consolation pour ce drame qu’a connu notre peuple. Comme à chaque fois, nous nous demandons comment se confronter avec un évènement si terrible et si tragique, comment répondre à la question dramatique déjà posée par le roi David (Psaumes, 115 : 2) : « Pourquoi les peuples diraient-ils : « Où donc est leur D.ieu ? » Or notre D.ieu est dans les Cieux. »
« Voici le sang de l’alliance qu’a conclue Hachem avec vous »
L’introspection est toujours bénéfique et doit être constante, et en particulier, après un évènement si terrible, chacun doit se renforcer dans l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot.
Mais ce n’est pas le moment de chercher les fautes et les errements qui ont causé une telle tragédie. Ce type d’analyse est réservée aux grands d’Israël et aux dirigeants de notre génération, qu’Hachem leur accorde une longue vie, comme le dit le verset (Psaumes, 25 :14) : « L’Éternel communique Ses mystères à Ses adorateurs, Il leur révèle Son alliance ».
Comme nous le constatons, nos grands évitent de mentionner ces sujets. Il semble que la raison en est qu’aucune faute au monde ne peut justifier des assassinats si cruels de juifs, uniquement car ils étaient juifs.
Ce qu’il nous appartient de savoir, c’est que de tels drames, où des juifs sont assassinés pour la sainteté du Nom Divin, nous accompagnent tous en tant que juifs. Et cela depuis Avraham, notre patriarche, le premier juif au monde, qui s’est sacrifié pour la sainteté du Nom Divin, quand il fut jeté par Nimrod dans la fournaise ardente parce qu’il avait refusé de nier l’Unité Divine. Ces drames nous accompagnent depuis qu’Isaac, son fils, fut prêt et disposé à monter en holocauste sur l’autel au moment de la ligature.
Cela signifie que pour être juif, un membre du peuple d’Hachem, il faut être prêt et disposé à être brûlé ou tué pour la sainteté du Nom Divin.
Ce marqueur de sacrifice suprême a reçu un grand renforcement, juste avant le don de la Torah quand Moché, notre Maître, a conclu « l’alliance des sangs » entre Hachem et Israël, lors de la séparation des sangs des holocaustes et rémunératoires, en deux parties strictement égales. Une moitié a été aspergée sur l’autel, la part d’Hachem, et la seconde moitié fut aspergée sur Israël, comme il est écrit (Exode, 24 : 5) :
« Il chargea les jeunes gens d’Israël d’offrir des holocaustes et d’immoler, comme victimes rémunératoires, des taureaux au Seigneur. Alors Moché prit la moitié du sang, le mit dans des bassins, et répandit l’autre moitié sur l’autel. Et il prit le livre de l’Alliance dont il fit entendre la lecture au peuple, et ils dirent : « Tout ce qu’a prononcé l’Éternel, nous l’exécuterons docilement. » Moché prit le sang, en aspergea le peuple et dit : « Ceci est le sang de l’alliance que l’Éternel a conclue avec vous touchant toutes ces paroles. »
Le Rav de Apta, dans Ohev Israël (Chékalim), explique ce sujet du partage du sang, une moitié sur l’autel et une moitié sur Israël :
« Lorsque deux protagonistes concluent une alliance en devenant une seule personne et une seule opinion, et qu’ils en viennent à être prêts à se sacrifier l’un pour l’autre, leurs sangs se mêlent. Or, le sang, c’est la personne même, car le sang est la force des émotions et des sentiments, comme le dit Abravanel dans « Machmiya Yéshoua », au sujet des alliances royales.
Le principe de la conclusion de telles alliances est, comme le veut l’usage lorsque deux rois concluent une alliance pour sceller l’affection les liant et pour se promettre assistance et aide, de boire chacun une coupe de vin, puis chacun doit se piquer le doigt, verser une goutte de sang dans la coupe, et boire la coupe contenant le sang de l’autre.
Le fait de mêler leurs sangs, c’est mêler leurs vies, afin d’avoir le même cœur et de développer une unité. Aussi, chacun aura l’obligation de donner son sang et de se sacrifier pour l’autre, voilà comment se conclut une alliance.
La royauté de là-haut ressemble à celle d’ici-bas ; c’est pourquoi Moché Rabbénou prit la moitié du sang et le mit dans les bassins… Puis, l’autre moitié fut aspergée sur l’autel… Le sang des bassins fut aspergé sur le peuple, allusion au sang constitué des forces mêlées des deux protagonistes. Ainsi, les Bné Israël auront la force de se sacrifier pour D.ieu, c’est la conclusion de l’alliance, et donc Moché dit : « Voici le sang de l’Alliance qu’Hachem a conclue avec vous », qui sera avec vous dans l’unité la plus complète et dans le secret de l’Un. »
« Je te vis t’agiter dans ton sang »
« L’alliance des sangs » que nous avons conclue avec Hachem lors du don de la Torah est une partie intégrante de notre identité même de peuple choisi, prêt à se sacrifier pour la sainteté du Nom, et ce même au sein des exils chez les nations. Notre résistance à l’épreuve de l’alliance des sangs durant les exils renforce le lien nous unissant avec Hachem. C’est cette résistance qui nous conduira à la délivrance finale lors de laquelle Hachem se liera à nous avec une « alliance de vie » à la place « d’une alliance des sangs », comme dit le prophète (Jérémie, 31 : 30) :
« Voici, des jours vont venir, dit Le Seigneur, où Je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle… Mais voici quelle alliance Je conclurai avec la maison d’Israël, au terme de cette époque, dit l’Éternel : Je ferai pénétrer Ma loi en eux, c’est dans leur cœur que Je l’inscrirai ; Je serai leur D.ieu et ils seront Mon peuple. »
Dans ces moments difficiles, nous devons aiguiser tous nos sens spirituels afin d’écouter la voix d’Hachem, celle qui fait jaillir les flammes, qui fuse dans l’espace et qui dit (Ezechiel, 16 : 6) : « Mais Je passai auprès de toi, Je te vis t’agiter dans ton sang, et Je te dis : « Vis dans ton sang ! Vis dans ton sang ! »
Hachem nous dévoile ainsi que lorsque le sang d’un juif est versé, Il ne s’en détourne pas, mais Il s’associe à notre peine et vient près de nous pour voir comment nous nous comportons dans le sang des tueries et des massacres, qui sont notre lot : tous ces millénaires d’exil, les décrets de 1648-1649, les innombrables pogroms commis dans tous les pays, les destructions et l’extermination de la Shoah, quand six millions de saints furent brûlés vivants dans les chambres à gaz etc…
Mais Hachem nous redonne du courage et nous dit à deux reprises : « Vis dans ton sang ! » « L’alliance des sangs » est une préparation à « l’alliance de vie » éternelle du peuple d’Israël, lors de la Délivrance future. Nous devons donc répéter les règles de la guerre et s’en souvenir dans ces moments.
Chaque nation, aussi forte soit-elle,lorsqu’elle part en guerre, sait qu’il n’y a pas de victoire sans victime. Et donc même nous, peuple d’Israël, nous sommes en guerre perpétuelle, une guerre pour la survie en tant que peuple d’Hachem, avec la Torah et les Mitsvot.
Notre guerre contre les nations du monde ne se conduit pas avec des bombes et des balles, des tanks et des avions. Au contraire, elle se poursuit, même dans les heures les plus sombres, avec la volonté de renforcer le lien et l’alliance entre nous et Hachem en étudiant encore plus intensément la Torah, en approfondissant notre service divin, en respectant avec encore plus d’intensité la Cacherout, et en accomplissant plus précisément les Mitsvot, sans dérive, sans compromission.
Les nations du monde et nos ennemis restent jaloux de ce lien, ils ne peuvent pas accepter le fait que nous nous glorifions dans l’accomplissement de la Torah et dans notre engagement envers les Mitsvot. Ils mettent donc au défi ce lien en répandant notre sang, en espérant que cela sera suffisant pour déstabiliser notre résolution, affaiblir notre relation avec Hachem, et diminuer notre fierté juive.
Il nous incombe donc, comme l’ont fait nos ancêtres à travers les générations, de continuer à nous montrer forts, et de déclarer devant ceux qui cherchent à nous faire du mal :
« Vos plans de destruction sont comme inexistants et ne rompront jamais le pacte éternel « l’alliance des sangs » conclue avec Hachem il y a des millénaires, lorsque nous avons reçu la Torah. »
Comme un peuple uni, comme un seul homme, avec un seul cœur, nous proclamerons et prierons notre Père Miséricordieux dans le ciel :
« Observe du Ciel et regarde, nous sommes la risée et la lie des nations, considérés comme un troupeau allant à l’abattoir pour être tués, exterminés,frappés et disgraciés. Malgré tout, nous n’avons pas oublié Ton Nom. S’il Te plaît, ne nous oublie pas ! »
Nous devons lever les yeux et crier fort, d’un cri qui percera toutes les portes du Ciel (Psaumes, 44 : 21) :
« Si nous avions oublié le Nom de notre D.ieu, étendu les mains vers un dieu étranger, est-ce que D.ieu ne l’aurait pas constaté, puisqu’Il connaît les secrets du cœur ? Mais pour Toi, nous subissons chaque jour la mort ; on nous considère comme des brebis destinées à la boucherie. Réveille-toi donc ! Pourquoi demeures-Tu endormi, Seigneur ? Sors de Ton sommeil, ne [nous] délaisse pas à jamais. Pourquoi dérobes-Tu Ta face, oublies-Tu notre misère et notre oppression ? Car notre âme est abaissée jusque dans la poussière, notre corps est couché de son long sur le sol. Lève-Toi pour nous venir en aide, délivre-nous par un effet de Ta bonté !
Nous allons conclure avec le témoignage de nos Sages (Baba Batra, 10b) qui déclarent que les âmes saintes et pures de ceux qui ont été assassinés, pour la sanctification du Nom Divin, sont dans un endroit si élevé dans le Ciel qu’aucun être ne peut se tenir en leur présence !
Ce n’est pas une coïncidence s’ils ont été tués juste avant Chabbat, comme une allusion au fait qu’ils étaient prêts à entrer dans le monde à venir (Olam Haba) auquel le Chabbat est comparé, comme dira Hachem aux nations du monde (Avoda Zara, 3a) : « Insensés ! Celui qui a préparé la veille de Chabbat, mangera le Chabbat ! »
Que leurs âmes soient liées à jamais au faisceau des vivants, et que s’accomplisse avec nous la prophétie (Isaïe, 26 : 19) : « Réveillez-vous et entonnez des cantiques, vous qui dormez dans la poussière ! Oui, pareille à la rosée du matin est ta rosée… »