« Les personnes qui se convertissent au judaïsme par le biais des mouvements réformiste et conservateur en Israël doivent être reconnues comme juives aux fins de la loi du retour et ont donc droit à la citoyenneté israélienne », a déclaré lundi 1er mars la Cour suprême israélienne.
Cette décision marquante, rendue de façon impromptue après 15 ans d’attente, interroge à bien des titres. Voici quelques pistes de réflexion pour permettre d’appréhender les enjeux de fond :
- Pour commencer, il s'agit d'une décision touchant intimement à la sphère religieuse. Cette mesure devrait donc être soumise à l'approbation d'experts compétents sur la question, en l'occurrence des rabbins ou des juges rabbiniques. Comment se fait-il qu'une décision, qui est tout sauf anodine sur le plan religieux, soit prise par des juristes relevant du droit civil, qui ne sont pas compétents en la matière ?
- Quel rôle joue la Cour suprême dans un Etat juif quand, entre autres décisions ne représentant pas la volonté de sa population, elle autorise le ‘Hamets dans les hôpitaux à Pessa’h ?
- Pourquoi cette décision, qui a attendu 15 ans, est rendue précisément 22 jours avant un 4e scrutin législatif en moins de deux ans, épilogue pathétique d’un marathon électoral et d’une instabilité politique sans précédent dans l’histoire du jeune pays de 70 ans ?
- La Cour suprême répond, en lieu et place des autorités religieuses et des représentants du peuple - la Knesset, le Parlement israélien et sans consultation du grand rabbinat israélien - à une question posée il y a 15 ans par 12 résidents convertis par l’entremise de mouvements réformé et conservateur. Pourquoi la Cour suprême tranche cette question, alors que la décision devrait davantage relever des autorités religieuses ou des représentants du peuple démocratiquement élus ?
- Pour le grand rabbin achkénaze d’Israël Rav David Lau, la décision de la Cour suprême « va provoquer sur Israël un déluge de nouveaux immigrants dont le lien au judaïsme est nul ». Le grand rabbin pose la question suivante : « En quoi l’Etat d’Israël est-il un Etat juif, quand tout non-juif peut être citoyen ? ».
- Israël se trouve à quelques jours d’un scrutin électoral très incertain, dans un contexte d’instabilité politique jamais atteinte dans le pays depuis la création de l’Etat. On attendait comme enjeux politiques possibles de cette campagne : la politique sanitaire de l’Etat hébreu dans le contexte de la pandémie, le plan de relance économique consécutif à la déflagration due au Covid-19, la géopolitique internationale vis-à-vis de l’Iran, les nouvelles alliances de l’Etat hébreu dans le golfe arabo-persique, la gestion des relations américano-israéliennes post Donald Trump avec le nouveau président démocrate Joe Biden, la position israélienne face à l’enquête de la Cour pénale internationale entamée jeudi 4 mars, les relations avec la population palestinienne et la question de la souveraineté sur la Judée Samarie… Et finalement, les enjeux tournent autour des conversions réformées, de la reconnaissance du mariage civil en Israël sans passer par le rabbinat et de la place de la population religieuse dans la société. Comment comprendre que ces questions soient devenues des arguments de campagne électorale et soient préemptées dans le débat public au détriment des autres questions pourtant fondamentales ?
Autant de questions ouvertes qu’Israël doit se poser, plus que jamais avec sa population et non pas dans des cercles fermés d’une opacité hermétique, afin de déterminer son avenir et son identité.
Cette mesure a suscité de vives réactions en Israël : « un coup mortel au caractère juif de l’Etat », a dénoncé Arié Déry, chef du parti religieux séfarade Chass, tandis que le Likoud alertait sur la « mise en danger la loi du retour, pilier fondamental d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique ». Le député Its’hak Eichler, du parti religieux achkénaze Yahadout Hatorah (Judaïsme unifié de la Torah) a sonné la charge la plus véhémente en prédisant que la « décision de la Cour suprême renforcera les forces conjointes des juifs. Ensemble, ils vaincront l’assimilation et empêcheront l’Etat d’Israël de devenir un Etat anti-judaïque et anti-démocratique ».
Puissions-nous scruter nos voies et améliorer nos actions dans le chemin de la Torah afin de mériter la clémence divine.