Le Rav Zushe Waltner fut dans les années d’après-guerre l’un des principaux bâtisseurs du judaïsme marocain. Il vécut à Tanger et fonda une Yéchiva, un séminaire pour jeunes filles et une école, tout en dirigeant l’ensemble des établissements d’Otsar Hatorah au Maroc. Pas moins de 17.000 élèves profiteront de ses institutions, et il raconta une fois à l’un de ses illustres élèves ce qui l’avait amené à quitter l’Angleterre pour s’installer à Tanger.
En fait, il était venu dans un premier temps au Maroc pour recruter de bons élèves pour la Yéchiva qu’il dirigeait à Sunderland, et aussi pour collecter des fonds pour cette institution. Il avait alors prévu de se rendre dans un village au sud du pays qui abritait une communauté juive. Il prévint auparavant de sa venue et, à la date prévue, il y arriva assez tard dans la soirée. Il trouva la porte du Mellah juif fermée, mais, étonnamment, il pouvait entendre de l’extérieur de la musique et des chants. Après avoir frappé fortement à la porte du ghetto, on le fit entrer et on lui révéla les raisons de ces festivités : “Nous attendons l’arrivée d’un grand Rav ; nous avons donc revêtu nos habits de Chabbath et nous célébrons sa venue par des chants et des danses.” C’est alors que le Rav comprit que c’était en son honneur que la communauté se réjouissait, exprimant par-là l’importance et la joie qu’une telle visite leur procurait. À son retour, le Rav s’entretint avec son maître, le fameux Rav Dessler et, avec l’accord de son épouse, ils partirent s’installer au Maroc.
Le Rav Waltner avait réalisé le potentiel de ces communautés juives installées au Maroc depuis un millénaire, profondément riches et ancrées dans leurs valeurs ancestrales et qui, faute d’institutions adaptées, risquaient de s’assimiler. Le Rav était pourtant d’origine hongroise et avait grandi en Suisse puis en Angleterre, mais il connaissait le secret pour grandir dans la Torah, secret qui traverse toutes les frontières et les âges : aimer et respecter les Sages. De même que pour faire pousser de bons plants et obtenir de beaux fruits, il faut créer les conditions optimales (labour, engrais, arrosage, climat, etc.), il en est de même pour s’élever dans le judaïsme. Le terrain propice à la Torah, le Rav Waltner le retrouvait chez ces communautés marocaines dans leurs valeurs de simplicité, de sincérité et de respect de la Torah et des Rabbanim.
On sait combien la Torah est profonde et riche en réflexion ; on prie même trois fois par jour pour acquérir la sagesse nécessaire à comprendre ses finesses ; nous avons de plus le devoir de peiner afin de saisir les paroles de nos Sages. Pourtant, la base qui permet de réaliser ces aspirations correspond en premier lieu à des traits de caractère raffinés, de soumission et de foi simple en nos Maîtres. “Que ta crainte envers tes Maîtres soit équivalente à celle que tu as envers D.ieu” lisons-nous dans les Pirké Avot (4,12). Et vice-versa, ceux qui se sont éloignés du judaïsme l’ont toujours fait en commençant par dénigrer les Sages.
Nous approchons des Hiloulot de Rabbi Méïr Ba’al Haness et de Rabbi Chim’on Bar Yo’haï, célébrées depuis près de deux millénaires par les différentes communautés juives presque au même titre qu’une fête juive. Là aussi, on découvre derrière ces festivités, l’attache et l’amour que portent les Juifs à leurs grands Maîtres de l'époque du Talmud, qui nous ont transmis la Torah orale - la rationnelle comme la mystique. Ces célébrations reflètent la reconnaissance que le Klal Israël porte à ceux qui ont fait Méssirout Néfech (don de soi) pour nous transmettre la richesse du judaïsme.
Que le souvenir de ces géants de la Torah soit pour nous source de bénédiction !