Ce matin, direction la mairie pour inscrire ma fille au Gan. Après plusieurs heures d’attente, c’est enfin à mon tour. Je me dirige d’un pas déterminé vers le guichet indiqué. Et là, je n’en crois pas mes yeux. La dame se lève et me dit d’un air le plus nonchalant du monde, tout en s’éloignant : « Je prends ma pause. Attends-moi une demi-heure ou refais la queue pour passer avec quelqu’un d’autre ». Je crois rêver. Elle est sérieuse ? Je suis à deux doigts d’exploser et de lui dire mes quatre vérités en face. Et puis stop ! Mon regard tombe sur le feuillet qu’on m’a glissé à travers la vitre de la voiture, ce matin. Il est écrit en majuscules « GARDER SON CALME EN TOUTE CIRCONSTANCE, UN GAGE DE BENEDICTION ».
Piquée par la curiosité, je me mets à survoler ce texte qui est arrivé à moi par la Providence Divine.
Lorsqu’une personne humiliée ou vexée ravale sa colère et ne répond pas, comme son ego lui ordonne de faire, elle atteint un niveau plus élevé que celui des anges. En effet, les Anges n’ont pas de mauvais penchant, ils n’ont aucun épreuve à surmonter et ne se battent pas comme nous contre le Yétser Hara’ (mauvais penchant). Ils n’ont donc pas autant de mérite que nous, humains, lorsque nous décidons de ne pas céder à ses pulsions. Lorsqu’une personne ne réplique pas, bien qu’elle ait été humiliée, Le Créateur du monde s’engage à accéder à toutes ses requêtes, quelles qu’elles soient. Comprenez bien l’enjeu : se taire une minute nous ouvrirait toutes les portes des bénédictions et de la réussite.
Il faudrait être fou pour renoncer à une telle aubaine, mais malheureusement, lorsque l’affront se présente, le défi est de taille. Et il n’est pas rare que les personnes craquent et s’énervent alors qu’elles sont conscientes de ce qu’elles perdent.
En effet, il ne manque pas de mises à l’épreuve, un désaccord avec son mari, une crise de son enfant, une réflexion de sa belle-mère, une erreur de la caissière de supermarché, autant d’étincelles qui pourraient déclencher des feux de forêt. Aussi nombreuses sont les occasions de se mettre en colère, aussi immense sera le mérite de garder son calme. Mais n’est-ce pas plus facile à dire qu’à faire ?
Les mécanismes de la colère
Pour optimiser ses chances de gagner, comme tous les sportifs avant le combat, il faut connaître le fonctionnement de son adversaire pour pouvoir le battre. Aussi, tentons de comprendre les mécanismes de la colère.
La colère est un sentiment légitime, voire nécessaire parfois. Lorsque les limites sont dépassées, les rôles inversés, une colère contrôlée et « extérieure » sert à remettre de l’ordre. Par exemple, lorsque notre enfant se fait embêter, notre instinct maternel se transformera en colère, qui mettra fin à cette situation désagréable. Le parent a crié, a rétabli l’ordre, mais tout de suite après, il se sent bien. La colère était superficielle, elle n’était pas installée dans le cœur du parent.
Par contre, il existe un autre type de colère, plus problématique. Il s’agit d’une colère engendrée par un autre sentiment. J’ai été humiliée, j’ai été bafouée, la colère est née. Il est compliqué de canaliser ou de calmer ce type de colère, car l’élément déclencheur est de nature émotionnelle. Et donc ce sera un travail plus long de comprendre pourquoi le mari a blessé sa femme en lui disant « je ne veux plus que ta mère vienne chez nous aussi longtemps », que de dire à un enfant d’arrêter de tirer la couette de sa fille, au square. Dans le premier cas, la femme est vexée, donc sa colère sera profonde et nourrie d’autres sentiments en tous genres. Dans le deuxième cas, la maman ne ressent aucun sentiment. L’acte est extérieur à elle, la colère sera aussi extérieure à elle, et surtout elle sera superficielle, pour convaincre l’enfant de ne plus recommencer. Donc la maman sera de nouveau calme, une fois qu’elle aura rétabli l’ordre.
Quelques conseils concrets pour battre la colère et atteindre un niveau supérieur à celui des Anges
Pour atteindre une maîtrise de soi durable et solide, il faut garder en tête que le même récipient qui va vous servir à déverser votre colère, soit votre bouche, servira à formuler vos supplications envers Hachem lorsque vous prierez. Quel effet a un bouquet de roses offert dans un seau d’éboueur, qui est sale et duquel émanent de mauvaises odeurs ? Votre prière ne sera pas reçue de la même façon si vous prenez soin de votre bouche.
Enfin, il est important de prendre conscience que vous ne deviendrez pas quelqu’un de calme à toutes épreuves, du jour au lendemain. Aussi, nos Sages nous conseillent, comme dans chacune des Midot que nous voulons travailler, de commencer avec une mission accessible. Entraînez-vous à ne pas répondre et accepter intérieurement un affront de petite taille. N’allez pas directement chez votre belle-mère lui reparler des cadeaux de votre mariage qu’elle a décidé d’offrir à sa fille, sous prétexte que vous en aviez déjà reçu suffisamment. Commencez petit, et dès que vous voyez que vous y arrivez facilement, passez au niveau supérieur. Ainsi de suite, jusqu’à ce que vous réussissiez à ne plus rien rétorquer à personne, aussi blessant soit-il.
Une minute de silence pour une bénédiction durable
La demi-heure avait filé. J’avais non seulement fermé ma bouche, mais j’avais mis à profit ce temps pour me renforcer spirituellement. J’accueillais la dame avec un grand sourire détendu et sincère. Elle m’avait permis de me travailler. Et devinez quoi, pendant cette demi-heure, une place dans le Gan que je voulais pour ma fille, s’était libérée, la dernière place. Elle était pour moi. Je me suis tue, Il m’a ouvert les portes. Aussi simple que ça. Quel bonheur, quelle fierté. Je m’améliorais dans ma ‘Avodat Hachem et Il me récompensait.