Il était une fois… Le serf avait grandement contrarié son propriétaire, qui décida de lui administrer le châtiment ultime : il serait envoyé avec toute sa famille dans une sombre prison souterraine pour une période de 20 ans. Quelle épreuve, pour les condamnés habitués à vivre en plein air et à jouir pleinement de leur liberté !
Mais la vie continuait, même en prison… Le temps passait et les enfants grandissaient. Puis, toujours pendant ces années pénibles d'incarcération, de nouveaux enfants naquirent au serf et à son épouse. Cependant, tandis que les enfants se faisaient à leur situation, les parents étaient incapables d'oublier leur vie passée. En fait, les enfants ne comprenaient pas leurs parents : pourquoi n'arrivaient-ils pas à dormir ? Pourquoi n'étaient-ils pas satisfaits des plateaux-repas qu'on leur donnait tous les jours ? Pourquoi avaient-ils l'air malheureux au moment de la promenade dans le préau ? Les parents parlaient d'essayer d'obtenir une réduction de leur peine, mais leurs enfants essayaient de les en dissuader. "Pourquoi voulez-vous nous faire renvoyer de notre chez-nous ?!"
Les parents étaient choqués des réactions de leurs enfants. Qualifier la prison de "chez-nous" ? Les enfants ne comprenaient-ils vraiment pas que les lits de la maison étaient infiniment plus confortables que les planches sur lesquelles ils dormaient en prison, que les repas que maman avait l'habitude de préparer étaient incomparables avec les plateaux-repas insipides qu'on leur donnait en prison, et qu'une sortie sous le vrai soleil ne tenait pas la comparaison avec les cent pas dans le préau sombre et fermé de la prison ?!
Les aînés se rappelaient vaguement de leurs premières années de vie et ils se laissèrent convaincre. Oui, ils signeraient la demande de libération anticipée. Mais les plus jeunes n'étaient pas d'accord de signer. Ils ne voulaient pas prendre le risque de détruire leur routine quotidienne et de perdre leurs "droits" à la prison. En ce qui les concernait, leurs parents et leurs frères aînés pouvaient partir à leurs risques et périls, mais eux ne bougeraient pas de leurs cellules.
La réaction des enfants est tout simplement pathétique ! Refuser l'éventualité d'une libération anticipée ? Essayons de nous mettre un peu à leur place. Ils ne font en réalité qu'appliquer l'adage : "Mieux vaut l'ennemi que tu connais que l'ami que tu ne connais pas." Ils n'ont pas la moindre idée de ce que signifie la liberté. Ils connaissent leur petit monde, et ils vivent une vie "sereine", et une routine "confortable". Ils n'ont pas envie de prendre le risque de perdre ces "conditions" pour un avenir, même annoncé splendide, mais dont ils ne savent rien concrètement. On peut comprendre leur point de vue. Mais nous qui "savons", nous nous identifions plutôt avec les parents, parce que nous vivons libres, et savons profiter de notre liberté.
Cette allégorie ne ressemble-t-elle pas à l'histoire actuelle du peuple d'Israël ? Voulons-nous réellement sortir de l'exil dans lequel nous nous trouvons depuis près de 2.000 ans ? Lorsque nous demandons à Hachem tous les jours, dans la 'Amida, de faire revenir Sa Présence divine à Jérusalem, le demandons-nous avec notre cœur, ou simplement avec nos lèvres habituées à formuler cette demande ?
Alors que nous approchons du 9 Av, qui commémore la destruction du Beth Hamikdach et les débuts de l'exil, nous devons impérativement comprendre que la vie que nous connaissons n'est pas la vraie vie, la vie libre. L'exil n'est même pas un pâle reflet de la vie post-délivrance. Nous avons un triple travail qui nous attend :
1) Apprenons à reconnaître que nos difficultés proviennent de l'exil. Même si tout ce que Hachem nous envoie est pour notre bien, le fait même que nous ne le voyions pas clairement est dû à l'exil, et à la dissimulation de Sa Présence. Lorsque nous faisons face à une difficulté quelconque, il faut se rappeler que cette épreuve est une conséquence de l'exil… Lorsque nous demandons à Hachem de nous délivrer de l'épreuve en question, profitons-en pour rajouter une petite Téfila pour la venue du Machia'h et la reconstruction du Beth Hamikdach.
2) Il est temps d'aspirer à la vie post-délivrance, lors de laquelle nous pourrons nous délecter de Sa présence ! Dans notre monde, celui que nous connaissons, le Yétser Hara' a beaucoup de pouvoir sur nous, et il est difficile (et pourtant indispensable) de le vaincre. Vivre une vie purement spirituelle est un concept qui nous dépasse. Essayons de vivre pleinement les moments que l'on consacre à notre relation avec le Tout-Puissant, comme les Téfilot, ou les repas de Chabbath [si on ne ressent pas de plaisir de ces moments, c'est qu'il faut en apprendre plus à leur sujet pour les optimiser] pour réaliser le bonheur et la félicité dont nous jouirons après la venue du Machia'h.
3) Envoyons au Maître du monde une pétition signée de nous tous : nous L'implorons de hâter la venue du Machia'h. Comment signer cette pétition ? Tout simplement avec nos Téfilot et nos Mitsvot. Lorsque nous faisons Sa volonté, nous Lui montrons que nous désirons sincèrement renouveler notre lien avec Lui comme auparavant, et Il réduit ainsi notre peine – même si nous ne le voyons pas encore.
Puisse Hachem entendre très rapidement les prières de tous Ses enfants et nous envoyer très vite le Machia'h et la reconstruction du Beth Hamikdach…