Lucie est une jeune femme de trente ans. Son visage juvénile porte pourtant les marques de la désillusion. La vie pas toujours facile qu’elle a menée a déjà laissé ses empreintes sur elle, au fil des années d’épreuves qu’elle a connues.
Son rêve de fonder une famille avec l’homme de ses rêves, Lucie a rapidement dû y renoncer. La mésentente grandissante entre eux a creusé le fossé des différences qui les séparait. Les difficultés financières du quotidien sont venues s’ajouter à l’atmosphère déjà tendue qui régnait dans son couple. Finalement, c’est au bout de quelques années de vie commune dans la discorde que Lucie et son mari décident de divorcer.
Une grossesse… inattendue !
Comble de la « malchance », comme diraient certains, Lucie découvre peu après son divorce qu’elle est enceinte. Seule et sans ressources, elle n’hésite pas un seul instant : elle ne gardera pas le fœtus. Il faut savoir que bien qu’en Israël, l’avortement est illégal, il est très largement pratiqué par le biais de commissions spéciales, qui étudient chaque cas qui leur est soumis et valident les demandes sans trop de difficultés. Lucie dépose donc son dossier et se voit convoquée à l’hôpital peu après pour y subir une série d’examens pré-avortement.
Lucie est en salle d’attente, en compagnie d’autres femmes qui elles aussi attendent leur tour pour subir une échographie. Elle est à mille lieues d’imaginer ce qui lui sera annoncé dans quelques instants… Puis, elle est appelée à venir à l’intérieur. Elle prend place nonchalamment sur le lit et attend que le médecin procède à l’échographie. Soudain, un silence tendu s’installe. Le médecin jette sur Lucie un regard étrange, dont elle ne parvient pas tout de suite à saisir la signification. Il soupire, puis lui lance : « Vous êtes enceinte de triplés… »
Comment une femme qui ne souhaite pas garder son fœtus est-elle censée réagir en apprenant qu’elle en attend trois ? Pour Lucie, c’est le choc. Soudain, tout prend une autre dimension. Trois bébés ? Comment accomplir un acte si lourd de conséquences avec une telle facilité ? Le premier choc passé, Lucie décide de reconsidérer sa décision. Elle remercie le médecin et se dépêche de quitter l’hôpital.
« Je ne suis pas religieuse, mais je suis très croyante. J’ai senti qu’Hachem venait de m’envoyer un cadeau très spécial. Et que je n’avais pas le droit de tout détruire de mes propres mains. Ma décision était prise : je garderai mes bébés. »
Des obstacles à surmonter
C’est alors que se dresse devant Lucie une longue série d’obstacles, qu’elle doit surmonter en plus de celles induites par une grossesse de triplés. Son entourage, sa famille, l’équipe médicale, tous se liguent pour la convaincre de ne pas « prendre la mauvaise décision ». Leurs arguments semblent logiques, mais, pour Lucie, seul ce que lui dicte son cœur de future mère compte. Pour ses proches, c’est l’incompréhension. « Tu es seule, martèlent-ils à ses oreilles, comment vas-tu élever des triplés avec un seul salaire ? Sais-tu seulement ce que faire grandir une famille nombreuse implique ? Et qui voudra se marier avec toi, alors que tu es mère de trois enfants ? Tu es si jeune, tu as toute la vie devant toi ! Pourquoi t’embarquer dans une telle galère ? »
Mais Lucie tient bon. Hachem lui a envoyé un présent inestimable, elle n’y renoncera pas de son propre gré. Peu importe les difficultés, se dit-elle, si telle est la volonté d’Hachem, Il lui donnera les forces d’y faire face. Et c’est forte d’une foi inébranlable, et malgré la pression qu’elle subit, qu’elle traverse les premières semaines de grossesse les unes après les autres, seule mais déterminée.
De nouveau acculée au mur
« Puis, au troisième mois, je me suis retrouvée de nouveau acculée au mur. Face aux risques encourus par cette grossesse multiple aux dires des médecins, je me suis vue "conseiller" (pour ne pas dire inciter) à procéder à une "réduction embryonnaire" : un terme édulcoré pour ne désigner rien de moins que l’assassinat de l’un d’eux… » Pour Lucie, l’épreuve est rude. Les médecins ne cessent de lui répéter qu’elle se met en danger et qu’il y a des risques importants de malformation pour les fœtus. C’est sans compter les membres de sa famille qui continuent de la harceler pour qu’elle renonce à commettre ce qu’ils considèrent être « l’erreur de sa vie ».
C’est vrai qu’à bien y réfléchir, la situation semble irréaliste. Lucie est seule, elle est jeune, elle peut encore refaire sa vie. Dans son esprit, elle s’imagine élever trois enfants, peut-être handicapés, dans la solitude et le manque. Comment va-t-elle s’en sortir ? N’est-il pas plus sage de renoncer au moins à l’un d’eux ? Lucie est en proie au doute et à la peur. Elle est presque sur le point de flancher, quand elle décide, aidée par l’organisme israélien « Ima » (qui vient en aide aux femmes dans le même cas que Lucie) de se reprendre. « Alors que tout le monde autour de moi me prédisait le pire avenir et me donnait l’impression que j’étais en train de commettre l’irréparable, soudain, telle une voix angélique venue du Ciel, on m’a enfin adressé des paroles d’apaisement. Je n’étais plus seule, j’avais sur qui me reposer. L’organisme a pris en main mon dossier, ils ont consulté pour moi des spécialistes et sont revenus vers moi avec la conclusion que je n’avais rien à craindre. Avec l’aide d’Hachem, je mettrai au monde des bébés en bonne santé. Ils ne m’ont pas abandonnée tout au long des mois de grossesse, ils m’ont soutenue et ont même parlé avec mes parents. Ils leur ont expliqué que je n’étais pas en danger, que tout se passerait bien, que j’avais besoin de soutien et non d’hostilité. »
Finalement, les efforts d’Ima portent leurs fruits. La famille de Lucie finit par se ranger de son côté et les mois de grossesse passent les uns après les autres, sans complication particulière, mais avec un suivi rapproché de la part de l’équipe médicale de l’hôpital.
4 cadeaux
Le mois dernier, Lucie a mis au monde trois adorables petits garçons, en parfaite santé. Ils pèsent 2kg 100, 1kg, et 1kg 900 respectivement. « Je suis la personne la plus heureuse sur terre », dit Lucie, les yeux emplis de larmes de joie… Et, pour la suite, il n’y a pas non plus de raison de s’inquiéter, car Lucie a trouvé l’homme prêt à l’accompagner dans cette aventure. « Dès le départ, je lui ai dit la vérité, que j’attendais des triplés et que l’avenir ne serait peut-être pas facile. Lui a accepté ma situation et s’est montré prêt à faire sa vie avec moi et être un père pour mes enfants. Finalement, j’ai obtenu quatre cadeaux en même temps : mes trois anges et un père pour eux… »
Adapté par Elyssia Boukobza