Les parents doivent-ils attendre une participation de l’enfant à la vie quotidienne ? Que peuvent-ils demander aux enfants ? À partir de quel âge un enfant est-il en mesure de réaliser partiellement ou entièrement une quelconque demande ?
« Je suis mariée, mère d’enfants de 15 ans à 18 mois. J’ai souvent mauvaise conscience de faire descendre la poubelle à mon fils de 8 ans. Ma fille de 6 ans met la table et je ne sais pas si je dois la laisser continuer ou pas. À quel rythme et à quel âge peut-on demander un travail à un enfant ? » interroge Rivka.
Il va de soi qu’un enfant de 8 ans peut descendre la poubelle et qu’une petite fille de 6 ans peut mettre la table. Mais chaque enfant est une entité unique et particulière avec une progression propre à sa personnalité. Aussi cet article ne cherche pas à proposer des réponses précises, il invite à réfléchir et à ouvrir le débat sur la responsabilité des parents sur leurs enfants et sur la participation des enfants à la vie familiale au quotidien.
« Le chemin d’or »
Les exemples cliniques montrent très souvent des difficultés par rapport aux choix à faire pour les enfants. Il existe deux butées au problème de la participation de l’enfant, examinons-les.
Le parent-enfant
Il est fréquent de constater dans l’examen clinique un renversement des rôles, comme le montre cet exemple : Orly, 5 ans, apporte tous les matins à sa mère au lit, une tasse de thé chaud, après avoir ouvert les rideaux de la chambre. Sa mère de commenter : « Elle fait cela spontanément ! » Après une longue discussion, elle déclare : « Je n’arrive pas à me lever le matin, cela m’aide qu’elle vienne me réveiller, comme cela gentiment. ». Après quelque temps de travail thérapeutique, elle confie : « Je n’avais pas réalisé le danger. J’ai eu du mal à assumer mon rôle de mère ! »
Daphna est restée très souvent seule dans sa maison, depuis un âge très jeune, durant son enfance. Elle rentrait de l’école et attendait seule des heures, jusqu’à la tombée de la nuit et souvent bien après, la venue de sa mère. Elle devait se débrouiller pour tout, toute seule. La mère de Daphna pensait qu’elle était « suffisamment responsable ». Daphna, arrivée maintenant à l’âge adulte, souffre de terribles angoisses et est dans l’incapacité de rester seule à partir du coucher du soleil, ce qui occasionne beaucoup de problèmes dans sa vie de couple.
L’enfant surinvesti
À l’opposé de l’exemple d’Orly, se trouve celui de Rina, 14 ans, qui est en soins psychiatriques. Elle a toujours animé une dispute entre son père et sa mère au sujet de son éducation. Le conflit portait sur la participation ou non des enfants aux tâches ménagères de la famille. Le père venait d’une famille dans laquelle aucun enfant n’avait jamais contribué à aucun travail domestique. La mère, issue d’une famille où chacun avait des tâches précises à faire, souhaitait de la part de sa seule fille une collaboration, jugée inutile par le père. Les disputes quotidiennes sur les obligations de Rina ont conduit l’enfant dans un premier temps à rejeter la mère en faveur du père, puis à une détérioration de son comportement à l’école où elle ne voulait pas collaborer. Avec ses amies, elle était peu encline à faire des efforts.
Dans notre société actuelle, l’enfant est souvent surinvesti. Le travail est précaire, le couple fragile, et l’enfant est plus rare et du même coup plus précieux. L’enfant a pour fonction de donner un sens à la vie, une position qui alimente l’anxiété des parents, et qui n’est pas sans conséquences sur un enfant plus que jamais soumis à leur idéal de perfection.
« Depuis mon divorce, mes enfants sont ma priorité, reconnaît Anaëlle, mère de trois enfants. Loisirs, activités extra-scolaires, vie sociale et, bien sûr, vie scolaire, j’essaye de tout prévoir. C’est épuisant pour moi, qui jongle seule avec les budgets et les horaires, mais c’est un choix. Je veux qu’ils soient heureux et qu’ils partent dans la vie avec le maximum de bagages. »
Entre désir de bien faire et désir de toute-puissance, la frontière est parfois floue. Il y a très souvent chez les parents la motivation inconsciente de faire de l’enfant l’instrument de leur bonheur. Ce nouvel « enfant-objet » a pour fonction de les rassurer sur leurs compétences et de flatter leur ego par ses réussites. Pour ces parents, pas question de tâches ménagères pour les enfants !
Beaucoup de parents, même s’ils aimeraient que leurs enfants en fassent plus, préfèrent éviter le conflit, et se contentent de leur demander un coup de main symbolique. Car ils trouvent plus utile de négocier sur des sujets jugés par eux plus essentiels, comme le temps accordé aux devoirs. La course à la réussite scolaire explique en effet cette attitude. Certains parents pensent, à tort, que se faire aider par ses enfants, c’est leur retirer du temps pour leurs leçons, les empêcher de mettre toutes les chances de leur côté… Et alors que penser du temps passé sur les jeux électroniques, portables, Facebook… ?
Ces orientations éducatives extrêmes constituent des bornes limites. Quelques cas relèvent de la clinique, mais la clinique renseigne toujours sur la normalité qui, elle, doit emprunter le chemin de la raison, le chemin moyen, « le chemin d’or » comme le souligne le Rambam, c’est-à-dire le chemin du milieu.
Se sentir responsable de ses enfants freine la culpabilité de leur demander une participation. Assumer ses décisions d’adultes sans avoir recours à l’enfant comme juge-arbitre, c’est cela aussi l’exercice sain autant qu’indispensable de l’autorité parentale.
Une famille fonctionne comme une entreprise dans laquelle chacun apporte sa collaboration. L’enfant doit vivre une vie d’enfant sans outre mesure de joug trop rigoureux, mais doit aussi participer activement à la vie familiale pour le bien de son propre développement et l’harmonie de la famille.
Observation
Parents, nous devons apprendre à l’enfant à devenir responsable, en adaptant à son âge et à ses capacités personnelles, des demandes auxquelles il est en mesure de faire face. Pour réaliser cela, il faut prendre le temps d’observer nos enfants. Cette observation nous servira de radar pour apprécier ce que l’enfant peut réellement accomplir, en fonction de lui-même et non de nos seuls souhaits ou descriptions de manuels de psychologie des enfants. Cette attention nous permettra aussi de proposer l’étape supérieure de difficultés avec grand renfort d’encouragements.
Ainsi s’ouvrira à l’enfant la conquête de son indépendance souvent associée à des expériences et des efforts couronnés de succès car adaptés à lui en particulier.
Générosité
La plus grande lutte d’un individu est celle engagée contre sa paresse et son égoïsme. Le meilleur entraînement à cette lutte est l’exercice de la générosité dans la famille ; envers les parents bien sûr, mais aussi entre les frères et sœurs. Demander à un enfant de fournir une participation à la vie familiale, pour un parent ou un frère ou une sœur, le conduit à grandir son expérience et son sens de la responsabilité, et le mène à l’autonomie et à un développement harmonieux de sa personnalité. C’est un bienfait pour l’enfant comme pour le parent.
Grâce au Ciel, nous avons la Torah qui nous guide ! Elle insiste et nous propose que pour Chabbath, tout le monde doit aider ; petits et grands doivent avoir leur travail du Chabbath, sans exception. Même un mari, qui occuperait une fonction importante, comme par exemple celle de Rav, doit participer à la préparation du Chabbath. Comment oserons-nous priver un enfant de cette merveilleuse collaboration ?
Le véritable amour d’un parent consiste à chercher à rendre son enfant autonome. Les tâches qui lui sont confiées sont une preuve d'amour et de confiance. Rappelons-nous que la réussite de l’éducation des enfants passe par de ferventes prières…