Galia Sabrassov est une thérapeute orthodoxe israélienne spécialiste du couple. Forte d’une expérience riche de nombreuses années, elle nous livre pour cette fois un puissant outil de Chalom Bayit : accepter de ne pas tout maîtriser…
Un couple arrive au paradis après 120 ans. La femme dit à son mari :
« C’est pas mal, ici !
- Oui… Dire que nous aurions pu être là depuis longtemps si ce n’était tes légumes bio !! »
C’est la blague que mon mari adore me raconter à chaque fois que j’essaie de lui expliquer pourquoi il faut que nous mangions sainement…
Depuis la naissance de mon aîné il y a 10 ans, j’ai toujours essayé d’instaurer une bonne hygiène de vie à la maison : j’ai banni les boissons sucrées, je cuisine à l’huile d’olive et le petit-déjeuner des enfants se compose de yaourt au muesli. De son côté, mon mari est d’avis que mes ‘Hallot au blé complet sont immangeables et se plaint qu’il n’y ait pas de Coca à table le Chabbath. Quand c’est lui qui fait les courses, c’est l’hécatombe alimentaire : je retrouve les placards pleins de cornflakes remplis de sucre et d’arômes artificiels, des snacks sans foi ni loi, des Borékas, et j’en passe…
J’ai beau lui expliquer l’importance d’une bonne alimentation, rien n’y fait. J’ai tout essayé : expliquer, convaincre, lever le ton, crier, pleurer, me vexer… Sans résultat. Mon cher et tendre continue de penser que priver les enfants de Fanta est une raison suffisante pour alerter les services sociaux et qu’un bol de céréales au caramel dans du lait chocolaté constitue la meilleure façon de débuter sa journée. Bref, chacun campe sur ses positions.
La force entraîne la force
Il est un principe que je répète souvent : employer la force a pour effet de déclencher la force. C'est-à-dire que là où nous employons la force, nous nous heurtons généralement à un regain de force inverse. En d’autres termes, essayer de faire changer les autres par la force a souvent pour effet de les radicaliser encore plus.
Or, il y a quelques mois justement, j’ai réalisé dans un moment de lucidité que je dépensais une énergie, un temps et une force assez considérables pour persuader mon mari de manger sainement. Et j’ai alors décidé de mettre un terme à cette guerre : je le laisserais désormais acheter et manger comme bon lui semble ; quant à moi, je cuisinerais pour moi-même et pour les enfants, sans coercition et sans faire la tête. Ça peut sembler irréaliste, mais voici quelques extraits de nos conversations les semaines qui ont suivi :
« Chéri, je suis au supermarché, quelle boisson veux-tu que j’achète pour Chabbath ?
- Peu importe, achète ce que tu aimes. »
« Galia, j’achète quoi pour le petit-déjeuner des enfants ?
- Comme tu veux.
- Alors je prends les céréales sans sucre. De toute façon, c’est décidé, je ne les laisse plus se resservir. »
« Pourquoi tu refais du pain ? Tu as déjà fait des ‘Hallot pour ce Chabbath, non ?
- J’ai fait pour moi des ‘Hallot de farine complète. Là, j’en refais pour vous avec de la farine normale, je sais que vous préférez.
- Laisse tomber. Finalement, elles sont bonnes aussi à la farine complète. En plus, les enfants aiment ça. »
Authentique !
La solution ? Lâcher du lest !
Apparemment, l’histoire que je vous ai rapportée là est un exemple parmi d’autres des nombreux différends qui peuvent opposer un couple. La femme pense de telle manière, le mari de telle autre, et ils ne parviennent pas à trouver un terrain d’entente.
Mais il s’agit là d’une grossière erreur ! En effet, si l’on apporte un regard plus profond sur le problème, on se rendra compte que si l’un des époux s’oppose à l’autre, ce n’est pas tant du fait qu’il n’est pas d’accord avec lui, mais plutôt parce qu’il a le sentiment qu’on ne respecte pas ses opinions. En clair, plus l’un des époux tente de convaincre l’autre d’agir selon ses propres convictions, plus l’autre pense : « On ne me respecte pas », « on n’a pas de considération pour ce que je pense », « on ne prend pas mon opinion en compte », etc.
C’est pourquoi, quand j’entends une femme se plaindre devant moi du fait que son mari fait telle ou telle erreur dans l’éducation des enfants, et combien elle a essayé de le persuader d’arrêter d’agir de la sorte mais que lui ne l’écoute pas et continue de se comporter comme il le fait, je lui conseille toujours de « lâcher du lest ». Je suggère à ces femmes de tout simplement relâcher la pression et de laisser leur mari agir à sa guise. (Je ne parle pas ici de situations extrêmes qui exigent une intervention des services sociaux ou de professionnels : violence verbale/physique, maltraitance, harcèlement psychologique, dépendances, etc.)
Maîtres de tout ? Pas si sûr…
Évidemment, mes paroles sont généralement accueillies avec étonnement, voire éveillent une vague de protestations. « Comment ça, le laisser faire ? Je vais le laisser donner à manger n’importe quoi aux enfants/le laisser leur donner un mauvais exemple d’éducation/accepter qu’il les laisse dormir à n’importe quelle heure, etc. ? » En fait, l’idée qu’elles vont perdre le contrôle éveille souvent un sentiment de panique chez ces femmes. Elles sont terrorisées à l’idée que les choses ne se passent pas selon leur vision à elle. Si ces sentiments sont bien naturels, il n’en reste pas moins que la solution qui consiste à imposer ses vues par la force n’a pas encore fait ses preuves…
Je pense que, dans Sa grande sagesse, Hachem a voulu nous montrer que, parfois, nous ne sommes pas maîtres de tout. Et que c’est justement lorsqu’on cesse de vouloir tout maîtriser que les choses se font d’elles-mêmes.
Il n’est pas question d’arrêter d’employer la force dans le seul but de voir les choses s’arranger selon notre volonté, mais bien d’accepter sincèrement de ne pas avoir le contrôle sur tout. C’est peut-être là l’un des buts ultimes de notre passage sur terre…
adapté par Elyssia Boukobza