Question d'une internaute : Bonjour, j'ai 18 ans et j'ai une petite sœur de 15 ans. Mes parents montrent beaucoup de préférence à ma petite sœur et j'en souffre énormément. C'est vrai qu'elle est jolie, coquette, super gentille, calme, posée et surtout brillante à l'école… contrairement à moi. Moi à côté, je me sens toujours le vilain petit canard ! En plus, quand je me plains à mes parents de leur préférence, ils m'accusent d'être jalouse d'elle et me culpabilisent : une fois, j'en ai même pleuré à chaudes larmes et personne n'est venu me réconforter, sous prétexte que je n'ai qu'à "arrêter d'être jalouse, un point c'est tout". Le pire c'est que ma sœur ne m'a rien fait, mais je commence vraiment à la détester. Merci de votre aide !
Réponse de Mme Nathalie Seyman
Il est assez fréquent qu’au sein des familles nous puissions observer que l’un des enfants semble plus choyé que l’autre. Ce phénomène s’appelle le Favoritisme Parental et reste un sujet tabou. Mais s’il est explicable par toute autre chose qu’une banale préférence, il reste un sujet tabou, car très douloureux pour le ou les enfants qui ressentent cette différence de lien. Penchons-nous sur votre problème.
Favoritisme Parental
Le favoritisme parental ne veut en aucun cas dire que les parents aiment plus un de leurs enfants. Il trouve son origine de façon inconsciente au sein de leur histoire, de leurs attentes, de leurs désirs, et même de leurs craintes. Voici quelques explications à ce comportement :
- Chaque parent « s’attribue » un enfant, soit parce qu’il se retrouve en lui, soit parce qu’il voit en lui l’incarnation de celui qu’il aurait aimé être. Il projette sur lui des attentes et le charge de réaliser ce qu’il n’a pas su atteindre.
- Les différences de caractère de chaque enfant : le parent se sentira peut être plus proche de son enfant particulièrement « facile » à élever, donc très gratifiant, car il rend d'emblée le parent compétent et lui évite les doutes sur sa façon d’éduquer.
- Il arrive fréquemment que les parents se sentent plus à l’aise avec leur second enfant qu’avec l’aîné, car c’est avec ce dernier qu’ils ont appris à être parents et ont donc fait toutes les erreurs que chaque nouveau parent peut faire. Alors que pour le deuxième, on se trouve moins gauche, plus compétent.
- Parfois, ce favoritisme se trouve relié au désir du parent : une fille après plusieurs garçons et inversement, difficulté à l’avoir eu, petit dernier que l’on a en âge avancé…
Quoi qu’il en soit, il faut que vous gardiez à l’esprit que chaque enfant étant un individu à part entière, différent, est, par conséquent, aimé différemment. Pas d’une façon quantitative, mais de façon qualitative.
Rivalité Fraternelle
La rivalité fraternelle est très certainement l’une des conséquences de ce favoritisme parental. On retrouve dans la source des disputes le fait de garder son territoire et celui de conquérir celui de l’autre. Ce n’est que lorsque l’on est en paix avec son histoire et que l’on peut considérer sa famille de manière apaisée que l’on peut tisser une nouvelle relation saine et sans rivalité avec son frère ou sa sœur. Pourtant, il vous faut comprendre que le fait d’être celui qui porte toutes les attentes de ses parents se trouve dans une prison dorée. Indépendamment de la culpabilité qu’elle peut parfois ressentir à votre égard, votre sœur se doit de répondre aux fortes attentes de vos parents, suivre un itinéraire tracé, vivre avec la crainte de décevoir et de devenir par conséquent un enfant indigne, d'être détrôné, ainsi que celle de votre hostilité. Elle peut ainsi développer une estime d’elle-même reliée directement à l’approbation de ses parents.
A l’opposé, le fait de n’avoir pas été sous le regard parental constant, même si cela peut être une vraie blessure narcissique, peut permettre à l’enfant d’avoir envie de se réaliser avec plus de liberté, plus de possibilités, car déchargé du poids de l’attente parentale et ainsi bénéficier d’un avenir brillant.
Mes conseils
- Il est parfois plus facile d’exprimer ses sentiments par écrit. Essayez de leur écrire une lettre sur ce que vous ressentez précisément avec des mots choisis et non avec ceux que l’on peut « lancer » lorsque l’on est sous l'emprise de la colère. Souvent, une lettre est prise davantage en compte que mille discussions.
- Intéressez-vous à ce que vos parents aiment et trouvez ainsi une activité que vous pourrez partager juste vous et eux et qui vous permettra de vous rapprocher et développer une complicité plus personnelle entre vous trois.
- Ne faites pas de votre sœur une rivale, mais plutôt une alliée. Ce n’est pas sa relation avec vos parents qui est problématique, mais bien la vôtre. Vous êtes son aînée, elle a besoin de vous, et même si ce n’est pas flagrant, soyez sûre qu’elle vous prend en exemple. Vous êtes différentes, mais certainement complémentaires, vous êtes des compagnes sur la route de la vie et vous devrez toujours compter l’une sur l’autre. "Qu'il est bon, qu'il est doux à des frères de vivre dans l'union" (Psaumes 134,1), on retrouve cette importance de l’amour fraternel dans la Torah.
Conseils à vos parents
Madame, Monsieur, votre fille souffre de la différence qu’elle percevrait entre vos liens avec elle et ceux avec sa jeune sœur. Elle se sent moins aimée. Evidemment, il n’est pas question ici d’une remise en cause de votre amour pour elle, car il est certain que lorsqu’il s’agit de parents équilibrés, il leur est impossible d’aimer un enfant plus qu’un autre. Quoi qu’il en soit, vous avez tout de même le devoir de vous interroger sur l’origine de l’impression de votre fille d’être moins aimée de vous que sa sœur. Vous ne devez pas renvoyer cela à une banale question de jalousie. Notre Torah nous enseigne ce que peut amener un sentiment de préférence envers un frère ou une sœur et nous en avons de multiples exemples : Caïn et Abel, Ya’acov et Essav, ou encore Yossef et ses frères. Ce n’est pas anodin de se sentir moins aimée de ses parents et cela peut amener du négatif dans sa vie, mais aussi dans vos relations. Renouez ensemble une relation où elle se sentira privilégiée et unique. Elle a besoin de votre estime pour se développer. Nos parents sont nos racines. Et c’est avec des racines fortes et en confiance qu’elle parviendra à devenir un arbre fort aux multiples branches, feuilles et fruits.
Béhatsla’ha !
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.