Question d’une internaute : Bonjour, ma fille de 13 ans est anorexique. Elle a commencé à moins manger en quantité. Quand c'était l'heure des repas, elle me disait qu'elle avait mal au ventre et je ne me suis pas inquiétée sur le coup. Puis, petit à petit, elle a commencé à supprimer des aliments, viande, gâteaux, féculents, graisse. Quand c'était l'heure des repas, elle venait guetter ce que je faisais à manger pour voir ce que je mettais dedans... Elle m'a dit qu'elle ne voulait plus manger de viande, de poisson et d’œufs. Elle ne mange qu'une cuillère de légumes par jour, 2 bouts de fromage, et 2 yaourts... Quand elle mange, c'est très difficile, on voit qu'elle est dégoûtée de la nourriture, elle éparpille les légumes dans l'assiette, les découpe en petits morceaux et ne mange presque rien. Pareil pour manger le yaourt, il lui faut énormément de temps. J'ai peur de perdre ma fille... Aidez-moi !
La réponse de Mme Nathalie Seyman
Au sein d’une époque qui donne la priorité à l’image que l’on renvoie de soi, les adolescents sont les premiers à en être victimes. Voulant se réapproprier un corps qui change et souvent entrer dans le moule de la société, ils peuvent basculer dans les extrêmes. Les troubles du comportement alimentaire peuvent en être les conséquences. Alors, quand faut-il s’inquiéter ? Et surtout, que faire pour faire sortir son enfant d’une spirale qui risque de devenir infernale ?
L’anorexie ou le besoin de contrôle
Qu’est-ce que l’anorexie ? Il s’agit d’un trouble du comportement alimentaire empêchant la personne qui en souffre de se nourrir et qui touche généralement les jeunes filles de 12 à 18 ans. Il ne s’agit pas d’un simple régime. Lorsque l’on voit que son enfant commence à avoir un contrôle excessif sur la nourriture qu’il ingère, que la moindre tentation n’a aucun effet sur lui et qu’il semble complètement dans le déni de sa maigreur, alors il y a lieu de s’inquiéter. Il existe deux sortes d’anorexie :
- L’anorexie réelle, qui se traduit par une perte d’appétit qui peut aller jusqu’à une perte complète de la sensation de faim,
- L’anorexie mentale, qui est dirigée par un refus psychique de s’alimenter malgré la sensation de faim physique.
Certains adultes en sont victimes, mais l’anorexie touche en général surtout les adolescentes, car il s’agit d’un âge où le corps est en pleine mutation. Ce passage à l’âge adulte peut créer l’angoisse de ne plus rien contrôler et que tout leur échappe. Et la recherche de leur identité propre peut occasionner une fissure de l’estime de soi. Tout ceci additionné à un environnement anxiogène (moqueries des autres ados, images des magazines, déception amoureuse, réflexions vexantes, complexes physiques importants…) renvoie à l’adolescente une image d’elle-même qui pourra aller jusqu’au dégoût. Elle rejette complètement l’image féminine, car elle a peur de devenir une femme et voudrait rester avec son corps de petite fille. Or, elle n’y peut rien, son corps se transforme. Alors, pour retrouver une sensation de contrôle, elle se mettra à maîtriser sa nourriture à l'extrême. C’est un moyen de se rassurer, de se sentir maîtresse d’elle-même, jusqu’à mettre sa vie en péril.
Quoi qu’il en soit, l’anorexie est toujours le symptôme d’un réel mal-être psychique.
L’anorexie n’est pas un caprice !
Tout d’abord, sachez que l’anorexie n’est pas le résultat d’une éducation ni un échec parental. Dans cette maladie, il n’y a pas de responsables, seulement des victimes. Il ne sert à rien de la forcer à manger et de la réprimander de son attitude avec la nourriture. C’est comme si vous ordonniez d’arrêter de tousser à quelqu’un qui a une bronchite ! L’anorexie n’est pas un caprice de jeune fille mal à l’aise avec son corps. Il s’agit certes d’un trouble du comportement alimentaire, mais c’est avant tout une maladie psychologique ! Le fait de ne pas manger n’est que la partie émergée de l’iceberg. Pour traiter l’anorexie, il faut traiter le corps, mais aussi le psychique, car ils sont reliés. Traiter l’un sans traiter l’autre serait complètement inefficace et inutile.
Les parents sont de précieux alliés dans la guérison de leur enfant. Ils doivent avoir le courage de se tourner au plus vite vers des professionnels. Car c’est une maladie qui ne peut être soignée que par un personnel compétent et qualifié ! Par un travail thérapeutique sous des approches différentes : thérapies psychanalytiques, corporelles, comportementales et/ou cognitives, hypnose…
Mais dans cette guérison, ce qui fera la différence, ce sera ce que les parents apporteront en plus à leur enfant : affection, soutien, amour, encouragements… C’est essentiel pour ces jeunes filles qui sont en grande souffrance. L’important sera de trouver la bonne distance : ne pas surveiller ce qu’elle mange avec trop d’attention, et qui pourrait être ressenti comme une agression, mais garder une vigilance prudente pour prévenir les professionnels qui s’occupent d’elle en cas de rechute. La victoire sur l’anorexie se fera grâce à une collaboration totale entre les professionnels de santé, l’adolescente et bien sûr son entourage.
Mes conseils
- La première des choses à faire est de bien observer votre fille pour savoir à quel stade en est son anorexie. A-t-elle encore ses règles ? A-t-elle des troubles du sommeil ? Tous ces symptômes dus au dérèglement hormonal que provoque l’arrêt de nutrition sont à prendre en compte comme une urgence à réagir.
Pour une guérison de cette maladie, comme je l’ai précisé plus haut, il faudra soigner le corps sans oublier de soigner son mal-être !
- Pour le corps : elle devra être suivie par un nutritionniste spécialiste des troubles du comportement alimentaire. Il lui permettra de retrouver et maintenir un poids normal, de rééquilibrer ses apports nutritionnels et de parvenir à retrouver le plaisir de manger normalement, sans peur ni angoisse.
- Pour le psychisme : il faut l’amener consulter un thérapeute spécialisé dans les troubles alimentaires. Face à un refus, vous devez user de votre force de persuasion en lui disant que vous vous inquiétez pour elle et que, même si vous savez qu’elle ne veut pas y aller, vous irez ensemble et que, pour cette décision, elle n’a pas le choix.
- Les groupes de paroles : personne n’aide mieux que celui qui est passé par la même épreuve. Les jeunes filles sorties de l’anorexie mettent en garde contre les pièges dans lesquels ne pas tomber, et transmettent un espoir de guérison.
- Chaque victoire doit être célébrée : votre fille va avancer pas à pas, petit à petit. Mais à chaque avancée, si petite soit-elle, il faudra l’encourager, la complimenter, lui redonner confiance en elle. Il n’y a pas de petites victoires.
- Ressourcez-vous dans la Téfila (prière). Le chemin vers la guérison de votre fille ne sera pas toujours simple. Il y aura des hauts et des bas. Mais gardez la foi. Demandez à Hachem, à chaque étape, de vous aider, de vous épauler. Ein ‘Od Milévado ! (Il n’y a rien à part Lui !)
Conseils à votre fille
Aujourd’hui, tu penses que tout va bien et que ta maman s’inquiète pour rien. Mais une mère ne s’inquiète jamais pour rien. Tu dois lui faire confiance et si elle te dit qu’il y a quelque chose qui est anormal dans ta façon de te nourrir, c’est qu’elle a perçu le danger sur ta santé. Certainement penses-tu que tu cherches simplement à mincir comme toutes les filles de ton âge, mais c’est faux. Une maman ne s’inquiète pas de voir sa fille suivre un simple régime. Et tu ressens bien que ta volonté de maigrir va au-delà d’une simple envie d’être plus mince. Je vais te donner un repère : t’es-tu donné un poids précis jusqu’auquel arriver ou est-ce un régime sans but ? S’il s’agit d’un régime sans but, alors tu peux faire confiance en ta maman et en son inquiétude. Je vais t’expliquer aussi pourquoi tu dois lui faire confiance : ce que tu as ne te permet pas de voir ton corps tel qu’il l’est vraiment. Tu en as une perception erronée. Ta maman, elle, te voit telle que tu es vraiment.
Tout comme lorsque l’on est malade, on doit aller chez le médecin pour éviter que la maladie ne s’aggrave, lorsque l’on ne se sent pas bien dans sa tête, on doit consulter un thérapeute. Il est important pour toi et ta maman d’aller le consulter. Je sais bien qu’à ton âge, parfois, on ne se sent pas jolie par rapport à toutes ces filles que l’on voit à travers les publicités, mais sache que ce n’est pas cela la véritable beauté. La vraie beauté, tu l’as déjà sans le savoir. Tu as la grâce d'une princesse d'Israël, une famille qui t’aime et un potentiel extraordinaire à rendre le monde meilleur et cela est bien plus enviable que les beautés que l’on peut voir dans les magazines. N’oublie jamais ta précieuse valeur !
Béhatsla’ha !
Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.