Mamie Fortunée, c’est la plus mignonne du monde. Elle est là, scotchée à sa Mézouza tous les matins, à prier avec ferveur en judéo-arabe. Elle récite, sans relâche, des incantations à chaque ingrédient qu’elle ajoute à ses plats délicieux (on omettra les 3 verres d’huile, hein !). Elle allume et rallume toutes sortes de veilleuses, et invoque une dizaine de Tsadikim, pour la protection de chaque membre de sa pieuse descendance et de son peuple. Elle est juste (et) trop mi-gnonne.
Alors, imaginons un peu que l’on se promène sur la Tayélèt de Tel Aviv et que l’on aperçoit au loin notre petite mamie Fortunée, avec des AirPods dans les oreilles, son iPhone branché sur Deezer, en train de danser sur la plage… en bikini !
Ouch, my G.od !
N’importe qui serait interpellé, pas vrai ?
C’est juste que mamie Fortunée + un bikini = quelque chose de très bizarre…
Ça ne va juste pas ensemble, en fait ;-)
Mais alors, posons une question très simple : si ce schéma, peu commode, interpellerait n’importe qui, n’importe quand (enfin, jusqu’à nouvel ordre…), pourquoi si l’on interchangeait juste mamie Fortunée, 96 ans, avec Elichéva, 19 ans, ce serait changer quelque chose de notre perception ? En d’autres termes, ce serait tellement plus « acceptable » ?!?
Ouch, vraie colle.
Le monde n’a été créé que pour TOI
Parce que notre monde contient quelque sept milliards d’habitants, nous avons tous et toutes cette fâcheuse tendance à nous considérer individuellement comme des micros miettes. Comme si nos pensées, nos actes et nos paroles n’étaient rien dans cette masse, et passaient de toutes les façons inaperçus - de la sorte, une Elichéva en bikini, ça se fonderait dans un décor sans faire de mal à personne.
C’est un discours qui pourrait se tenir, face à la parole d’Avraham Avinou : « Vaanokhi ‘Afar Vaéfer - Je ne suis que poussière et cendre. » (Vayéra 18, 27)
Or, voici deux objections, Votre Honneur :
- Contrairement à ce que nous dirait une lecture superficielle de ce verset, le Beth Halévy nous enseigne que c’est justement cette humilité qui engendra par la suite, et pour tous ses descendants, le mérite de la Mitsva des cendres de la vache rousse, ainsi que de la terre de la Sota.
Ce n’était pas des paroles visant à nous réduire à des paillassons, bien au contraire.
- Par ailleurs, nous pourrions opposer à ce verset un autre verset : « Bichvili Nivra Ha’olam - Le monde n’a été créé que pour moi » (Sanhédrin 37a).
Comment résoudre cette ambivalence ? Reb Sim’ha Bounem de Pershscha nous l’explique : il conservait toujours ces deux versets écrits sur des morceaux de papier, l’un dans sa poche de gauche, et l’autre dans celle de droite. Et ce n’est que selon les situations qu’il vivait, qu’il sortait l’un ou l’autre de ces papiers…
Ainsi, certes, nous devons avancer dans ce monde avec humilité, mais sans jamais oublier que nous les Juifs, chacun de nos actes et chacune de nos pensées porte en lui un immense potentiel.
À nous de choisir si c’est un potentiel de construction ou de destruction, dans notre vie propre, mais aussi dans celle de notre peuple chéri !
Je suis deux : le cavalier et sa monture
Encore, de la même façon qu’Elichéva, on ne la verrait jamais en sous-vêtements à l'épicerie du coin (et encore moins Mamie Fortunée), il faut avouer que, selon la logique, c’est un peu étrange de la voir ainsi vêtue, juste parce que le décor a un peu changé, non ?
Cela, c’est sûr et certain, Elichéva, elle le sent bien au fond d’elle, mais… elle, comme n’importe quel juif de la planète, est atteinte d’une certaine affection, selon les psychiatres, le « dédoublement de personnalité », qui n’est pas une affection, mais juste une réalité normale chez nous les Juifs… Nous sommes deux en un.
Voici une jolie parabole du Ben Ich ‘Haï :
Un cavalier voyageait sur son cheval en direction de la ville. Soudain, il rencontra un pauvre qui traînait le pied. Le pauvre le supplia :
- S’il vous plaît, je dois me rendre en ville et le chemin est encore long. Voulez-vous me prendre sur votre cheval ?
- D’accord, répondit le cavalier. Monte derrière moi.
Le pauvre monta sur le cheval et ils continuèrent ainsi leur chemin vers la ville. Au bout d’un moment, le pauvre s’adressa au cavalier :
- Je vous en prie, je ne suis pas du tout à l’aise sans la selle. Voulez-vous me laisser la place de devant et vous monterez derrière à ma place ?
- D’accord, répondit le généreux cavalier.
Puis, le pauvre s’assit sur la selle, et prit les rênes. Le cavalier s’assit derrière lui. Au bout d’un moment, le pauvre s’adressa au cavalier :
- Je vous en prie, je n’arrive pas à être à l’aise de cette manière, serait-il dur de vous demander de descendre du cheval et de marcher à mes côtés ? Nous sommes si proches de la ville maintenant !
- D’accord, répondit le cavalier. Puis, il descendit du cheval et marcha à ses côtés.
Soudain, le pauvre donna un coup au cheval qui prit le galop. Le cavalier se mit à courir derrière lui pour le rattraper…
- Au voleur ! Au voleur ! Rends-moi mon cheval !
Le pauvre arriva dans la ville au galop et supplia aux villageois présents :
- Aidez-moi s’il vous plaît ! Un voleur me court après pour me voler mon cheval !
Soudain, ils virent arriver le cavalier essoufflé et ils le tabassèrent :
- Comment oses-tu courir après ce pauvre pour lui voler son cheval, mécréant !
Voici l’explication de cette parabole : L’âme (le cavalier) est le vrai propriétaire du corps (le cheval), le vrai MOI. Et le pauvre, un pur imposteur qui nous donne l’illusion qu’il est le boss (le Yétser Hara’ - mauvais penchant).
Au début, le pauvre prend une toute petite place (dans notre cas, il nous demande de remonter un peu la jupe, puis les manches), puis, si nous le laissons faire, une place de plus en plus grande. À la fin, si l’âme n’a pas assez de force pour dire « NON ! », le Yétser prend possession totale du cheval. Et Elichéva n’est progressivement plus du tout gênée par sa micro-tenue, tant qu’il y a the sea and sun. Et même Mamie Fortunée !
Je vous propose de réagir librement à cet article, nous, on se retrouve bientôt pour sa seconde partie, avec l’aide d’Hachem.
Super été les filles !