7 octobre, dans mon lit, sans raison aucune. Je ne peux pas sortir de mon lit. Mes jambes sont lourdes et mon dos bloqué. Pourtant je n'ai rien fait du tout. C'est comme une douleur inexpliquée.
J'entends des bombardements très loin. Est-ce qu'on est en guerre ? C'est Chabbath ? Sim'hat Torah… la veille. Comme l'a bien expliqué la Rabbanite au cours avant le Chabbath de Sim'hat Torah, j'ai préparé mes vêtements. Du blanc, et surtout de jolis vêtements, comme un mariage.
Notre Rabbanite insiste tous les Chabbath : l'arme de la femme juive, c'est sa Tsni’out !
J'ai donc préparé mes vêtements dans les règles de Tsni’out pour Sim'hat Torah. Je m'habille. Sans être sûre que je suis heureuse. J'ai comme envie de pleurer. Ma voisine se tourne vers moi dans la rue et me regarde. "Tu m'as dit que ta fille est à Otef Aza ?" J'ai pas envie de répondre. Les larmes glissent, la gorge serrée.
Je me presse vers la synagogue. Rien n'est important. Pendant la prière, je suis chaque mot de Hodou avec la voix de rav Chlomo. Ça me rassure car tous les Chabbath, c'est mon rituel. Très concentrée, j'arrive à mieux respirer et même me détendre.
11h30. La sirène nous informe d'aller dans les abris. Je dévale les escaliers, car on n'a pas d'abris à la synagogue. Et là, c'est la douche. Mon visage est trempé. Je ne peux pas parler.
J'implore l'Éternel… "Il n'y a que Toi qui sais où elle est !"
"Pitié protège-la, où moi je ne peux pas arriver"... C'est une supplique de tout mon être à l'Éternel mon Père !
On était tous les fidèles inscrits à un repas ensemble. Je m'y dirige et ne sais pas pourquoi je suis là. Je n'avais rien prévu pour déjeuner sur la plata. Le Rav et tous honorent la fête avec un grand sérieux. De mon côté, j'essaie d'être confiante. Mon fils vient vers les femmes me serrer fort. On ne parle pas.
Une voisine du premier étage arrive en courant : "Ils sont rentrés partout !" J'ai la chance de ne pas maîtriser l'hébreu. Je me dis à moi-même : "N'écoute pas ce qu'ils disent, ce sont des bêtises". Je suis entre maîtrise et confusion. Les dames attendent ma réaction. Je suis tétanisée. Je respire. Une des femmes me dit : "Bouge, tu es bloquée". Je m'exécute mais je ne peux rien faire. Je n'ai pas de flux. Je sens que ça ne va pas très bien. Je veux filer, ranger et montrer une bonne image. Monter chez moi et prendre mes Téhilim.
Je lis les Téhilim car je veux finir le livre et je suis déterminée : Hachem est mon unique force.
Un voisin me dit qu'il faut être très confiant et me raconte la Guerre des Six jours. J'écoute et je sais que c'est vrai tout ce qu'il dit. Il avait 15 ans. Mon fils en a 16. Il m'a rassurée. Israël est une puissance.
Tout le reste de l'après-midi, je lis des Téhilim à la synagogue, seule, face au Séfer Torah, avec le rav et les enfants qui font les Hakafot (danses). L'air est sérieux. Comme la Neïla de Kippour.
Mon mari lit avec moi les Téhilim. C'est comme une confiance. Seulement Hachem. On n'a que Lui…
On ne sait rien. On ne veut pas savoir. Le soir, il faut remonter. Le rav répète de ne pas trop regarder la télévision. Mon mari allume le poste. Je n'ai pas le temps de comprendre...
Le téléphone sonne. Ma fille dit : "Maman". C'est comme un miracle. On a tous compris que Hachem nous a protégés. Elle est la seule de ses amies de chambre et sa commandante. Toutes sont parties ce matin-là...
Personne ne peut parler chez nous. On a trop mal. Elle a été enfermée 15 heures dans le 'Hamal, la tour de contrôle. Les portes se sont fermées seules, électriquement, sans possibilité d'ouvrir d'un quelconque côté. Sans eau, sans rien, juste ses bottes, un pantalon, un tee-shirt. Rien d'autre.
Elle rentre. Un miracle… Le père d'une fille l'a ramenée. Le lendemain vers 5h45, c'est si douloureux. Elle est bizarre. Comme si elle s'était battue. Ses yeux sont si tristes. Ses cheveux comme sans discipline. Je n'ai jamais vu ma fille comme ça. Elle semble très fatiguée et dit qu'elle veut prendre une douche et dormir. On accepte, sans questions.
C'est comme ça que j'ai vécu cette journée... Lui Seul et les consignes de ma Rabbanite ont été mes forces. Baroukh Hachem…
Témoignage anonyme reçu