Ce matin, je suis allée à la mise des téfilines du fils de mon amie Sarah. Vous connaissez ces réceptions où tout est parfait ? La maman et ses filles portaient les mêmes robes cousues main par la maman elle-même. Pas exactement les mêmes en fait. C’était le même tissu et chacune des robes avait une variante pour s’adapter au style de chacune des filles. Concept totalement abstrait pour moi qui dois m’y reprendre à 4 fois pour que le bouton soit cousu en face de la boutonnière.
Mon amie, enceinte de 8 mois, était légère, elle papillonnait d’une table à l’autre, sur ses hauts talons de 10 cm. Elle semblait avoir oublié qu’elle portait un bébé et tout ce que ça implique. Moi, à partir de 2 mois de grossesse, je ne peux déjà plus le cacher. Mon visage ressemble à une peinture de Picasso entre des cernes violacés, des traits tirés et le fameux masque de grossesse. Je ne tiens pas debout plus de deux minutes suivies, et, elle, se ballade sur des échasses.
En plus d’être magnifique, Sarah est organisée. Elle avait à ses pieds un kit de la maman parfaite, doudou tétine pour la plus jeune, une occupation pour celle de 4 ans (il s’agissait d’un livre d’activités réalisé par ses soins, avec des scratchs, des animaux en papiers crépons, des bouts de fermetures éclairs pour faire travailler la motricité fine de l’enfant). Le genre d’objets que je mettrais une vie à imaginer, sans parler de sa réalisation. Dans le fameux sac, il y avait des paquets de bonbons à la menthe, aux fruits, au café (pour évidemment faire plaisir à tout le monde) à jeter sur le Bar Mitsva et à distribuer aux enfants. L’office se passa sereinement. Mon amie a pu suivre toute la prière sans être dérangée par un « maman pipi » ou une dispute…
A la fin de l’office, nous nous dirigeons vers la salle de réception pour prendre le petit-déjeuner. Et là, coup de grâce, des buffets de merveilles plus appétissantes les unes que les autres. Il y en avait pour tous les goûts, du sucré, du salé. Et, devinez quoi ? Tout était succulent. Rien n’avait pas assez ou trop cuit. Quelle abondance et quelle classe. La décoration de la salle ne laissait rien au hasard. Tout était assorti aux fameuses robes des filles et femmes de la famille et aux cravates des hommes de cette même famille. Sarah avait tout fait de ses mains. J’étais sous le charme.
Ce même jour, en rentrant chez moi, une foule de questions défilait dans ma tête. « Pourquoi moi je n’y arrive pas ? J’ai moins d’enfants qu’elle et chez moi c’est la jungle du matin au soir ? Je suis tout le temps dépassée et énervée. Elle a réussi à organiser toute une fête seule dans les moindres détails, quand, pour moi, prévoir le repas du soir, c’est une véritable mission. Je n’ai aucun domaine où j’excelle. A quand remonte la dernière fois où j’ai été fière de moi ? J’ai échoué. »
C’était décidé. Je laisserais Sarah se remettre de sa fête, mais je voulais avoir son secret. Deux jours plus tard, je la croise au supermarché. C’était l’occasion. Elle m’a écouté avec attention et voici sa réponse.
« Tu auras peut-être du mal à le croire, mais j’ai eu moi-même ce questionnement il y a quelques années, questionnement qui m’a emmené doucement à ma vie d’aujourd’hui, vie qui te semble miraculeusement parfaite. Il n’y a rien de miraculeux, il s’agit d’un travail issu d’une profonde réflexion.
L’idée n’est pas de chercher un domaine dans lequel on est doué, mais plutôt un domaine dans lequel on s’accomplit, une activité que l’on fera avec passion et entrain. Je te vois déjà venir en me disant "rien ne me passionne, justement". En effet, en tant qu’adulte, la passion s’évapore pour laisser place aux obligations, aux devoirs et aux responsabilités. Ainsi, on oublie. La vraie passion on doit la rechercher dans notre enfance. Qu’est-ce que tu faisais cachée dans le grenier lorsque tu avais 5 ans, et que ta maman te cherchait partout pour venir dîner ?
C’est mon statut de maman qui m’a aidé à ouvrir les yeux. C’est lorsque je ne savais pas quoi faire de ma vie que mes enfants m’ont aidé à comprendre. Ma fille de 14 ans dessine tout le temps et partout. Mon autre fille de 10 ans, quant à elle, transforme chacune de nos conversations les plus anodines en mélodie et poème. Elle a la capacité de transformer un fulgurant "va prendre ta douche pour la dixième fois" en une opérette qui réussirait presque à m’émouvoir, si le contexte était différent.
Tout ça pour te dire que nos réelles passions, nous les avons vécues enfant. Téléporte-toi quelques années en arrière, ferme tes yeux et souviens-toi quelles étaient tes occupations de prédilection, pour lesquelles tu avais toujours du temps et de l’entrain, quelles étaient les tâches que tu ne rechignais jamais à accomplir, et desquelles tu ressortais un immense bienfait. Peut-être n’as-tu pas été suffisamment encouragée à poursuivre dans cette voie, peut-être ton entourage s’est moqué de tes performances, ce qui t’a évidemment poussé à abandonner ton rêve et surtout à l’enterrer dans un tiroir de ton passé fermé à double tour. Pas étonnant qu’aujourd’hui tu t’estimes comme une bonne à rien.
Je t’aurais également conseillé d’innover. Des formations professionnelles, des ateliers pour amateurs se mettent en place dans tous les quartiers, que ce soit d’ordre intellectuel, sportif, artistique. Essaye. Inscris-toi et tu serais étonnée de voir à quelle rapidité tu peux découvrir une passion ou même un talent dont tu ignorais l’existence. Lorsqu’on s’adonne à une activité que l’on aime, toute notre vie prend une dimension plus agréable. Pendant l’activité, il est certain, mais également avant et après celle-ci. Le bien-être qu’il ressort d’un tel moment s’étend dans le temps et dans l’espace telle une aura. Et le bonheur d’une maman rejaillit assurément sur l’ensemble de sa maisonnée.
Commence à tenir un journal où tu notes chacune des options qui s’offrent à toi. "J’aime la musique, je pourrais me diriger vers l’apprentissage d’un instrument. J’aime les cookies, pourquoi pas une formation en pâtisserie…"
Enfin, lorsqu’on se sent inutile et que le moral n’est pas au beau fixe, il existe une chose qui peut à nouveau ensoleiller ton cœur et qui marche sur tout le monde, peu importe l’âge ou la classe sociale. C’est tendre une main d’entraide à plus nécessiteux que nous. Se porter volontaire pour distribuer des repas chauds aux personnes âgées, passer un moment avec des enfants en difficulté d’apprentissage, fixer des heures de visite dans des hôpitaux… Aider les autres est à la portée de tous, tu n’as aucunement besoin de diplôme, ni besoin d’argent. Tu dois juste mettre ta personne à disposition. Aider les autres procure un sentiment d’utilité et de bien-être qu’aucun bien matériel ne peut donner à l’homme. Tu te sens alors emplie d’un sentiment de satisfaction et de fierté inégalable.
Rappelle-toi bien une chose : ne sois pas en quête d’une chose où tu excellerais, où tu serais la meilleure. Ce genre de recherche peut être décourageant. Sois en quête d’un plaisir que tu voudrais ajouter à ta vie quotidienne, un plaisir dont tu ne pourrais plus te passer, un plaisir dont tu maîtrises toutes les ficelles ou pas. Peu importe. Ce plaisir c’est le tien, c’est ton moment, ta récompense. Ne laisse personne ni rien t’en éloigner. Tu le mérites au même titre que n’importe qui. »