J’ai récemment reçu deux lettres de célibataires : une jeune femme de vingt-quatre ans m’écrivait qu’elle serait heureuse de son statut de célibataire si ce n’était pour les incessantes remarques insensibles d’importuns sur son célibat, qui se sentent obligés de commenter sa douleur de célibataire.
D’autre part, une lettre exprimait l’avis inverse, expliquant qu’il est important d’avoir des rappels, des interventions de la part de couples mariés, non seulement pour faire des Chiddoukhim, mais aussi pour aider les célibataires à se percevoir de manière plus réaliste et ainsi, maximiser leurs opportunités de Chiddoukhim. Qui a raison ? Voici ma réponse :
Mes chères amies,
Vous connaissez peut-être cette histoire ancienne sur une femme venue chez son Rebbe avec une litanie de plaintes sur des problèmes de Chalom Bayit, d’entente conjugale. Le Rebbe l’écoute avec beaucoup de sympathie et lui répond qu’il considère ses plaintes comme justifiées.
Le lendemain, son mari rend visite au Rebbe et expose son point de vue sur le même conflit. Une fois de plus, le Rebbe écoute attentivement et exprime sa sympathie pour l’homme et lui fait comprendre qu’il a également raison.
Après avoir écouté les deux échanges, la Rabbanite interroge son mari : « Je ne comprends pas, tout d’abord, tu as dit à la femme qu’elle avait raison, et maintenant, tu dis au mari qu’il a raison. Comment peuvent-ils avoir tous deux raison ?! »
Ce à quoi le Rebbe répondit : « Tu as aussi raison ! »
C’est une petite histoire humoristique, mais l’humour recèle souvent une part de vérité. Fréquemment, lorsqu’on considère un problème de la perspective des individus impliqués, on pourra s’identifier avec les deux, car chaque côté présente une argumentation convaincante, et on peut trouver du mérite à chacun de leurs arguments. De même, ces avis opposés sur les célibataires sont tous deux valables. Etre célibataire dans une communauté orientée sur le mariage est déjà difficile, mais le fait de leur rappeler sans cesse leur statut aggrave une plaie déjà existante. Alors avant de parler, les gens feraient bien de considérer l’impact éventuel - bénéfique ou préjudiciable- de leurs commentaires. Et s’ils sont vraiment convaincus qu’en parlant, ils pourront aider, alors, ils doivent, s’ils sont dans le doute, suivre l’enseignement de nos Sages : « Le silence est d’or. »
Des commentaires bénéfiques sont des suggestions concrètes pour un Chiddoukh et lorsqu’on a une relation proche avec un candidat au mariage, alors on peut même donner une recommandation pour un bon dermatologue ou dentiste. Certaines suggestions sont, bien entendu, très délicates et peuvent être émises uniquement par des individus sensibles et en qui le célibataire a pleinement confiance.
Des exemples de remarques qui ne sont d’aucune aide : « Alors, qu’est-ce que tu attends ? » ou « Quant allons-nous entendre un Mazal Tov ? »
D’un autre côté, nous ne pouvons éluder le fait que de nos jours, de nombreux célibataires ne sont pas très réalistes sur leur situation, et oui, comme l’a suggéré l’une de mes correspondantes, ils doivent se regarder dans le miroir avant de vouloir à tout prix, trouver « ce conjoint parfait. »
Bien entendu, personne ne peut concéder qu’il se montre irréaliste. Les célibataires vous diront souvent : « Je veux juste qu’il soit un bon gars » ou « Je ne suis pas difficile, j’aimerais juste une fille gentille et au bon cœur. » Mais en interrogeant plus dans le détail ces candidats au mariage, vous découvrez que derrière ces demandes, il faut que l’homme soit intelligent, beau, qu’il réussisse, soit doté d’une super personnalité » et si vous êtes dans le monde religieux, il faudra aussi qu’il soit assidu dans l’étude de la Torah, et très souvent, qu’il ait une stabilité financière et de plus, « soit de bonne famille. »
Souvent, les jeunes filles qui posent ces critères ne satisfont pas elles-mêmes à ces qualifications, mais elles ne portent pas un regard réaliste sur elles-mêmes. Quant aux jeunes hommes, lorsqu’ils disent : « Une jeune fille gentille au bon cœur », en réalité, ils visent aussi belle, mince, intelligente, désirant travailler, sans être consumée par une carrière…et il va de soi qu’elles doivent être dotées d’une personnalité exceptionnelle ! Ces mêmes hommes ne se regardent jamais dans le miroir !
Un Chadkhan (entremetteur) professionnel m’a un jour fait remarquer que ce que les célibataires recherchent de nos jours dans un candidat ne peut se trouver de manière réaliste que dans trois ou quatre personnes ! Comme on dit en Yiddish : « Alles by einem, is nisht due by keinem », à savoir qu’une seule personne ne peut réunir tout !
Lorsqu’on recherche un Chidoukh, il faut se regarder dans le miroir - un miroir qui reflète non seulement notre apparence physique, mais aussi notre image affective et intellectuelle. Et tout comme vous n’êtes pas l’image de la perfection, vous ne pouvez vous attendre à trouver la perfection chez votre conjoint potentiel.
Pour résumer : il ne fait aucun doute que les célibataires, comme la plupart de ceux qui portent des fardeaux dans leur cœur, sont extrêmement sensibles sur leur état de célibataire, et en conséquence, lorsqu’on évoque avec eux le sujet des mariages, il faut être très prudent. Nous savons que notre ancêtre Yaakov n’a pas critiqué ses fils avant de se retrouver sur son lit de mort, de peur qu’ils n’interprètent pas correctement ses remarques. Nos Sages nous enseignent qu’il s’est abstenu de réprimander Réouven, redoutant qu’il quitte la maison et aille s’établir chez Essav, son oncle mécréant.
Parfois, des commentaires négatifs peuvent contraindre des célibataires à dépasser les limites. Incapables de résister à la pression, les remarques constantes (même si elles sont bien-intentionnées) les poussent à déménager loin de chez eux et ils deviennent vulnérables aux nombreux attraits du monde contemporain et très souvent, remettent en question leur engagement juif. Je reviens donc vers ma première remarque : avant de parler, réfléchissez, évaluez et mesurez. Le/la célibataire va-t-il bénéficier de votre remarque, sera-t-il/elle réceptif, ou ferez-vous plus de mal que de bien ?
La majorité des célibataires veulent désespérément se marier, et leur rappeler leur situation est non seulement inutile, mais aussi douloureux. Ceux qui sont sincèrement désireux d’aider les célibataires doivent leur présenter des candidats potentiels au mariage et les aider à voir le positif plutôt que le négatif. Nous devons tous participer activement à cette grande Mitsva de fonder des foyers juifs, en particulier compte tenu du fait que les études de démographie juive indiquent qu’en-dehors de la communauté orthodoxe, la croissance de la population juive est au niveau zéro.
Devenons tous des Chadkhanim sensibles : tentons délicatement de pousser les célibataires à se regarder dans le miroir, pour qu’ils comprennent que tout comme ils sont imparfaits, le candidat au mariage qu’on leur a recommandé peut être aussi imparfait, mais ensemble, ils peuvent parvenir à la Chlémout, la complétude.