J’ai souvent relevé à quel point il est remarquable que la Paracha jette une lumière sur ce qui se passe dans le monde et cette semaine ne fait pas exception. Alors que nous lisons les versets éternels dans Chémot : « Vayakoum Mélekh ‘Hadach… Un nouveau roi se leva sur l’Egypte qui ne reconnut pas Yossef », se peut-il qu’un président de la Maison Blanche n’ait jamais entendu parler de ses prédécesseurs ? Non seulement Pharaon connaissait Yossef, mais tous les enfants égyptiens le connaissaient aussi. C’est lui qui avait sauvé l’empire. Grâce à lui, l’Egypte avait survécu aux années de famine et prospéré, alors de toute évidence, le texte veut nous communiquer un message plus profond. Pharaon ne voulait pas reconnaître Yossef. La politique égyptienne changeait - c’était le début d’une nouvelle ère, une ère de persécution du peuple de Yossef.
Cette oppression, témoigne la Torah, a été précédée par des années d’abondance, lorsque le peuple juif s’était grandement multiplié et déployé à travers le pays. Ils faisaient partie de la société égyptienne, fréquentaient les lieux de loisir égyptiens, et un grand nombre d’entre eux oublièrent l’héritage de leurs ancêtres. Et c’est dans ce contexte que les nouvelles mesures anti-juives de Pharaon furent mises en place. Elles intervinrent à un moment où notre peuple les attendait le moins, lorsqu’ils étaient persuadés de s’être intégré avec succès à la vie égyptienne ; cette attaque fut d’autant plus choquante qu’elle émanait d’une source qui aurait dû être redevable et reconnaissante envers les descendants de Yossef.
Hélas, c’est l’histoire de l’antisémitisme, qui n’a pas changé depuis des milliers d’années. Nous avons construit des civilisations et des empires, transmis les lois de droiture et de justice ; nous avons tendu la main avec amour, compassion et charité ; nous avons enseigné aux nations le langage de la prière. Les termes mêmes de Halélouya et de Amen trouvent leur source chez nous. Mais surtout, nous avons enseigné à l’humanité la foi en D.ieu. La Bible, les Dix commandements, les Prophètes, le Livre des Psaumes sont tous des présents que nous avons conférés à l’humanité. On aurait pu s’attendre à une certaine forme de reconnaissance, une certaine manifestation d’appréciation de la part des nations du monde envers le peuple juif qui leur a tant donné - mais de manière incroyable, la gratitude a été absente, mais au nom de la religion (pour laquelle ils nous sont redevables), ils nous ont persécutés. Les Allemands n’auraient pas pu mener la Shoah en Europe sans la complicité et la coopération de la population locale, massivement catholique. L’Eglise a non seulement gardé le silence lorsque six millions de Juifs ont été conduits à l’abattoir, mais pire, dans de nombreux cas, elle a encouragé le carnage en donnant vie aux accusations que les Juifs étaient responsable de la crucifixion de leur sauveur.
Il y a quelques années, j’ai vu un documentaire épique sur la Shoah, dans lequel les habitants d’Auschwitz étaient interrogés. Oui, aussi difficile à croire que cela puisse paraître, Auschwitz est un village où vivent des familles qui élèvent leurs enfants.
Le journaliste posa à l’un des habitants des questions que doit se poser toute personne honnête : « Qu’avez-vous ressenti en voyant les trains venir jour et nuit transportant cette cargaison humaine, entendant les cris des torturés…voyant la fumée sortant des crématoires et respirer l’air sentant la chair humaine, qu’avez-vous senti ? »
Ce sont des questions qui feraient trembler tout brave homme, mais les personnes interviewées ont répondu placidement : « Ils ont crucifié J…C ! »
Vous pourriez bien sûr protester que tout ceci appartient au passé. Depuis ces jours barbares, beaucoup de progrès ont été enregistrés. L’Eglise a pris des mesures pour se repentir - les Juifs ne sont désormais plus tenus responsables de la crucifixion, mais un cercle vicieux dicte notre histoire. L’ancienne calomnie a refait surface : « Il y a un nouveau roi en Egypte qui ne connaît pas Yossef. »
Mel Gibson est l’auteur d’un film qui, une fois de plus, accuse les Juifs de la crucifixion. Des critiques chrétiens et juifs ont été invités à voir le film en avant-première et sont tombés d’accord : ce film était potentiellement dangereux et pouvait raviver les accusations antisémites contre les Juifs. Mais nullement gêné, Mel Gibson s’est rendu jusqu’à Rome pour demander l’appui du Pape. Après avoir visionné le film, le Pape a déclaré : « Le compte-rendu de la crucifixion est fidèle à la réalité. »
Que s’est-il passé au cours de toutes ces années où, au nom du dialogue, des dirigeants juifs ont fait des allers-retours à Rome ? Qu’est-il advenu de toutes ces résolutions et excuses qui devaient, une fois pour toute, éradiquer ces accusations calomnieuses ?
« Il y a un nouveau roi en Egypte qui ne connaît pas Yossef. »
J’étais une petite fille à Szeged, en Hongrie, avant notre déportation au camp de concentration de Bergen Belsen, mais aussi jeune que je fusse, certains souvenirs refusent de s’effacer, et l’un d’entre eux est celui d’avoir été malmenée par des enfants non-Juifs : « Tueuse de J…C ! Retourne en Palestine ! », se sont-ils écriés.
Oui, de nombreuses années se sont écoulées, mais rien n’a changé et il y a un nouveau roi en Egypte qui ne connaît pas Yossef, et les politiques de ce nouveau roi sont visibles dans le monde entier. Une recrudescence de l’antisémitisme se manifeste sous couvert de positions anti-israéliennes et les Israéliens sont qualifiés de « Nouveaux nazis » - une menace à la paix et à la communauté internationale. Il est devenu politiquement correct de dénigrer les Juifs, à condition que ce soit sous le prétexte d’attaquer Israël.
Que faire ? Comment réagir à tout ceci ? Nos Sages nous enseignent que si nous voulons comprendre un concept ou un mot dans la Torah, il faut étudier la première occurrence de ce mot ou de ce concept dans le texte. L’Egypte est la définition séminale de l’antisémitisme - toutes les autres persécutions qui ont suivi au fil des siècles se sont appuyées sur ce modèle. L’oppression égyptienne a été précédée par l’assimilation - les Juifs ont quitté l’enclave juive de Gochène, se sont répartis dans le pays et sont devenus membres à part entière de la société égyptienne.
Lorsque le peuple juif abandonne son alliance, il y aura toujours des antisémites pour leur rappeler leur judéité, car D.ieu ne peut permettre au peuple juif de disparaître par l’assimilation. Notre mission consiste à être les témoins de D.ieu ici sur terre. Il s’ensuit que le seul moyen valable pour combattre l’antisémitisme ne consiste pas à engager un dialogue avec Rome, ni à faire des concessions aux Arabes, mais à revenir à D.ieu…à notre Torah, aux Mitsvot et à notre héritage.
« Ah ! Si Mon peuple voulait M’écouter, Israël marcher dans Mes voies, bien vite, Je dompterais leurs ennemis, Je ferais peser ma main sur leurs adversaires. » (Psaume 81)
C’est si simple, mais si complexe à la fois… si nous refusons d’écouter Sa voix.