D’après le Zohar, Pessa’h est la période où la Te’hiat Hamétim, la résurrection des morts, aura lieu. Mais jusqu’à l’arrivée d’un tel jour, nous devons nous efforcer de transformer chaque Pessa’h en mini -Te’hiat Hamétim - le moment de réveiller nos âmes dormantes pour réaliser qui nous sommes, ce que nous sommes, et définir nos responsabilités en tant que Goy Kadoch - une nation sainte, une Mamlékhèt Cohanim - un royaume de prêtres. Mais Pessa’h est passé : nous avons célébré une belle fête, avec nos familles ; nous avons profité de nombreux délices culinaires qui accompagnent la fête, mais malheureusement, notre âme reste inchangée, dormante et cet éveil spirituel ne s’est pas encore produit.
S’il était un moment où il était critique d’éveiller notre âme aux défis de l’heure, ce serait aujourd’hui. Nous sommes la génération qui vit dans l’ombre sinistre de la Shoah, et une fois de plus, nous sommes témoins d’une explosion globale d’antisémitisme, une haine vicieuse et irrationnelle d’Israël. Le spectre maléfique du terrorisme est partout latent, en particulier en Erets Israël. Une fois de plus, il n’y a pas de lieu sûr pour le Juif. Ajoutez-y la recrudescence de l’assimilation, le taux sans cesse croissant des mariages mixtes, et la rupture totale de la moralité dans la société, et vous ne pouvez vous empêcher de trembler de peur. Il est temps de nous réveiller, mais hélas, nous restons endormis.
Comme vous le savez, je suis originaire de Hongrie, une survivante du camp de concentration de Bergen Belsen. La Hongrie a été parmi l’un des derniers pays à être envahi par les Nazis, mais même avant l’occupation, notre peuple traversait une période difficile. La haine et la persécution des Juifs étaient omniprésentes et considérées comme politiquement correcte. Dans les premières années de la guerre, avant la déportation, les autorités hongroises enrôlèrent tous les jeunes hommes juifs pour les astreindre à un travail d’esclave. Mon mari, Rav Méchoulem Halévi Jungreis, Zatsal, me décrivait souvent la terrible obscurité qui s’abattit dans leur foyer lorsque son frère aîné, Yossef Dov, que D.ieu venge son sang, dont l’épouse attendait leur premier enfant, fut emporté par la Gestapo hongroise. A partir de ce moment-là, ma belle-mère, la révérée ‘Haya Sora de Gyongyos, que D.ieu venge son sang, qui fut tuée plus tard à Auschwitz Al Kiddouch Hachem, refusa de s’allonger dans son lit. Nuit après nuit, elle s’asseyait sur sa chaise avec un Séfer Téhilim (Livre de Psaumes), des larmes coulant le long de ses joues et tombant sur les lettres saintes. Au final, elle s’endormait d’épuisement total, pour se réveiller peu de temps après et continuer à sangloter silencieusement au milieu de sa prière.
Mon mari, qui était le plus jeune de la famille, était encore à la maison, et délicatement il disait : « Maman, tu devrais t’allonger et tenter de dormir. » Et ma belle-mère répondait : « Comment puis-je dormir si Yossef Dov n’est pas là ? Comment puis-je m’allonger dans mon lit ? »
Pour paraphraser ses paroles : « Comment pouvons-nous dormir tandis que cette tragédie se déroule autour de nous ? Comment pouvons-nous nous allonger confortablement dans notre lit, dormir et rester insensible à la douleur et à la souffrance de notre peuple en Israël et dans le monde ? »
Mais que pouvons-nous faire, demandez-vous ?
Condoleeza Rice, dans le cadre de la commission du 11 septembre, déclara très justement que l’administration américaine ne disposait pas de solution miracle pour éviter la tragédie - et elle avait bien raison. Il n’y avait et il n’y a aucun remède miracle qui aurait pu résoudre cette tragédie, mais nous, le peuple juif, possédons une panacée dans notre arsenal ; il suffit d’y avoir recours. La tragédie, cependant, est que nous ignorons ce trésor. Nos cœurs et nos âmes sont endormis et nous sommes sourds aux imprécations de D.ieu. « Lou 'Ami Chomé'a Li… Ah ! Si Mon peuple voulait M’écouter, Israël marcher dans Mes voies, bien vite, Je dompterais leurs ennemis, Je ferais peser ma main sur leurs adversaires. » (Psaume 81)
Il est incompréhensible que nous, qui avons enduré tant, nous, qui savons par expérience qu’il est futile de placer notre foi dans les hommes, la richesse, le pouvoir ou les prouesses intellectuelles, nous tournons vers ces mêmes forces pour nous sauver. C’est comme si l’histoire ne nous avait rien enseigné. Quelle tragédie : D.ieu Lui-même nous a tendu un remède miracle, mais nous menons notre petite vie sans connaître ce cadeau monumental. Nous devons intégrer et appliquer à notre vie la simple leçon d’Esther et de Mordékhaï ; lorsque, en une nuit, l’obscurité se transforma en lumière, le terrorisme en paix, et la tragédie en joie et bonheur, tout ceci, parce qu’Esther et Mordékhaï avaient employé cette panacée : « Lekh Kinoss…Va rassembler tous les Juifs, prescrit Esther, et demande-leur de se tourner vers D.ieu et de se repentir. »
Nous ne souvenons pas non plus du remède miracle employé par nos ancêtres dans l’Egypte ancienne. Oui, nous faisons écho à ces paroles pendant le Séder : « Vanits'ak El Hachem…Et nous avons appelé D.ieu, le D.ieu de nos pères, et Il entendit notre voix. » Nous lisons les termes de la Haggada, mais combien d’entre nous croyons vraiment que nous tourner vers D.ieu, le D.ieu de nos ancêtres, la prière, est notre véritable solution miracle.
Alors comment faire venir cette mini-résurrection des morts ? Comment éveiller notre âme à « Ata Bé’hartanou - Tu nous as choisis parmi toutes les nations ? » Car au final, c’est l’essence de Pessa’h.
Les auteurs de la Haggada nous ont indiqué la voie. Ils nous ont donné quinze Dayénou plutôt qu’un merci général et superficiel. Une sagesse profonde s’y cache, car un merci générique a peu de signification. Par exemple, lorsqu’un garçon Bar Mitsva dit : « Et maintenant, je voudrais remercier mes parents », qu’est-ce que ces propos véhiculent vraiment ? Si nous sommes honnêtes, pas grand-chose. Mais si le garçon détaillait sa gratitude et disait : « J’aimerais remercier ma maman de s’être assise à mon chevet des nuits entières lorsque j’étais malade…j’aimerais remercier mon papa pour sa patience et sa bonté infinies lorsqu’il m’aidait avec mes devoirs et que je ne comprenais pas… » Si ce garçon Bar Mitsva devait mettre par écrit quinze expressions de remerciements, son appréciation et son amour pour ses parents seraient multipliés par mille.
Le nombre quinze a de nombreuses implications mystiques, qu’il ne m’est pas possible de développer ici. La première étape vers l’appréciation est le « Até Ba’hartanou…Tu nous as choisis…. ». La Hakarat Hatov, la gratitude de cet immense privilège d’appartenir au peuple élu de Hachem…Alors il est vrai que nous sommes témoins d’une terrible souffrance, d’un mal barbare perpétré par les descendants d’Ichmaël, qui projettent de nous anéantir, souvent avec le consentement de nations aux idées similaires, mais nous sommes aussi témoins de miracles de D.ieu.
Nous sommes la génération qui a été choisie pour assister au début de la Délivrance, le retour de notre peuple sur notre terre ancienne près de deux mille ans plus tard. Nous sommes la génération qui a assisté au début du rassemblement des exilés, la récupération de notre ancienne terre. Il n’y a pas d’événement comparable dans les annales de l’humanité. Ce miracle est une manifestation évidente de la Main de D.ieu, mais nous devons secouer notre esprit pour l’intégrer.
Certes, Israël continue d’être sujet à des attaques sauvages, mais retenons que D.ieu tout-puissant nous a permis de déjouer un grand nombre de leurs plans les plus horribles. Si D.ieu ne nous offrait pas Sa protection, nous aurions depuis longtemps péri, car nous sommes un agneau parmi soixante-dix loups déterminés à nous dévorer.
Enfin, nous sommes la génération qui souffre des terribles ravages de l’assimilation - mais nous sommes également la génération témoin de l’extraordinaire mouvement des Baalé Téchouva. Si j’en avais le temps, je vous rapporterais mille et une histoires de notre organisme Hinéni, des histoires de Juifs redécouvrant leur héritage et retournant vers Hachem. Par le voile de l’obscurité, la lumière de D.ieu pénètre. Si seulement nous voulions voir, si seulement nous voulions comprendre…Chaque jour, D.ieu nous enjoint de nous réveiller et de saisir notre remède miracle. Tout est entre nos mains. Comment est-il possible de rester endormi ?