Imaginez que vous êtes au volant de votre voiture et que vous roulez tranquillement depuis une ou deux heures quand, tout à coup, vous vous apercevez que vous vous êtes laissée distraire et ne savez plus très bien où vous vous trouvez. Embêtant, non ? Mais il n’y a là rien de tragique : GPS à l’appui, vous finirez sans doute par retrouver la bonne voie…
Mais imaginez maintenant que non seulement vous ne savez plus où vous êtes mais que vous avez complètement oublié où vous vouliez aller !
Ce machal donné par Rav Pincus zal peut assez bien s’appliquer à notre situation à nous toutes, ‘femmes de valeur’! Toute maîtresse de maison, qu’elle en soit consciente ou non, se trouve à la tête d’une flottille qu’elle doit gouverner et mener à bon port.
Au départ, nous avons généralement une idée plus ou moins précise de nos objectifs. Mais souvent, après nous être installées au volant, nous nous rendons compte que nous ne savons plus très bien où nous sommes ni, surtout, où nous voulions arriver.
Souvent même, on continue à rouler ─ tout en respectant scrupuleusement le code de la route, bien entendu ─ mais sans savoir où on va…
Dans notre vie de mères de famille, nous nous trouvons continuellement devant des carrefours. Un exemple : quand nous nous sommes mariées, nous avions un métier, bon ou mauvais, peu importe. Puis, baroukh Hachem, nous avons la joie de mettre des enfants au monde. Dans un premier temps, il est évident que nous allons continuer à travailler mais, ensuite, malgré toutes les obligations qui nous incombent au foyer, nous continuons parce que…, et que… Il peut y avoir une pléiade de raisons, bonnes et moins bonnes : l’argent (‘s’il n’y a pas de farine, il n’y a pas de Tora’ disent, non pas Monsieur de la Palice, mais nos Sages dans Pirkei Avoth) ; le besoin de s’aérer ; l’impossibilité d’abandonner une carrière bien commencée, etc… etc… Il se peut que ces raisons soient excellentes, et ce n’est pas le moment d’en discuter. Mais avons-nous pris le temps de réfléchir en profondeur à la question ? Un autre exemple : maîtresse de maison accomplie, votre intérieur est toujours impeccable et soigné ce qui constitue, vous en êtes persuadée, un véritable kiddouch Hachem. Nous ne discuterons, ici, pas non plus de ce point. Mais vous êtes-vous jamais demandé si vos enfants trouvaient vraiment leur place dans cette salle de chirurgie parfaitement stérile, et s’il vous restait suffisamment de temps, d’énergie et de bonne volonté pour leur procurer, à eux, les vitamines dont ils ont besoin ?
Kol Israël yèch lahem ‘hélèq le’olam haba, affirment nos Sages : une parcelle de terrain est réservée à chacun de nous dans le monde futur. Une parcelle de terrain, fort bien. Mais qu’y poussera-t-il ?
Rav Diamant l’illustre par cette parabole : Deux parcelles de terrain vides se trouvaient dans une ville en pleine expansion. Quelques fleurs y poussaient et les écoliers s’y ébattaient après la sortie de l’école. L’un de ces terrains fut vendu et l’on commença à construire. Cela demanda de l’argent, du temps, des efforts… Des tracteurs arrivèrent, puis des foreuses, des bétonnières, etc. Tout cela faisait beaucoup de bruit, beaucoup de poussière, beaucoup de désordre. Mais petit à petit, un bâtiment s’éleva et, aujourd'hui, sur la parcelle de terrain vierge autrefois, s’élève une magnifique yechiva où la voix de la Tora résonne nuit et jour.
Quant à l’autre parcelle, son propriétaire, qui n’aimait ni le bruit, ni la poussière, ni le désordre, avait préféré la laisser telle quelle, avec ses fleurs de printemps. Lentement cependant, les fleurs se transformèrent en chiendent, les mauvaises herbes s’installèrent et, peu à peu, la charmante parcelle fut transformée en décharge municipale…
Où se trouve exactement notre place et notre devoir ? Le Messilath Yecharim nous recommande, avant toute autre démarche, de méditer à ce qu’est notre devoir dans ce monde : notre devoir à nous, avec nos coordonnées.
Tous les jours, nous demandons à D. : « et accorde-nous intelligence, discernement et sagesse ». Le Saint béni soit-Il a mis à notre disposition un outil formidable ─ la réflexion et la sagesse ─ et, la plupart du temps, nous négligeons ou oublions d’en profiter !
Etablissons donc un plan de campagne, sachons quelles sont nos priorités et consultons sans nous lasser nos différents GPS. Méfions-nous des raccourcis, des jolis chemins de campagne qui risquent de s’avérer des voies sans issues ou, pire encore, de nous mener tout droit au précipice. Souvenons-nous de cette anecdote rapportée par la guemara pour souligner la sagesse des enfants de Jérusalem : un Sage qui avait demandé à un de ces enfants quel était le chemin qui menait à tel et tel endroit, s’entendit répondre : « Ce chemin-là est long et court, tandis que celui-là est court et long.
─ Que veut-tu dire ? lui demanda le Sage.
─ Ce chemin-ci est plus court mais il est parsemé d’ornières et couvert de broussailles, ce qui rend le trajet bien plus long et difficile, lui répondit l’enfant. Celui-là, en revanche, est plus long mais la voie est parfaitement dégagée. Ce parcours, bien plus aisé en fin de compte, vous conduira en toute sécurité à destination. »
Nous possédons toutes une parcelle de terrain. A nous d’y faire pousser, pas forcément une yechiva, mais ce que nous pouvons. Pour cela, il faut nous fixer un programme ─ et le suivre. Planter et faire fructifier demande des efforts et de la réflexion, cela fait de la poussière, de la boue et on a parfois l’impression de perdre son temps puisque la graine qu’on enfouit pourrit et se meurt…
En revanche, sachons que si nous laissons notre parcelle en l’état, elle finira, toute charmante soit-elle, par se couvrir de mauvaises herbes et à servir de dépotoir.
Construire un foyer et élever des enfants demande qu’on se fixe des objectifs ─ et qu’on s’y tienne.
Cela demande des efforts, cela fait du désordre, de la poussière ; souvent, on a l’impression de semer en vain, et notre parcelle de terrain ressemble à un champ de bataille. Continuons néanmoins à semer, à planter, à arroser car c’est de cette terre que sortiront les fruits qui nous récompenserons de notre labeur.
Et, surtout, remettons-nous continuellement en mémoire les buts que nous nous sommes fixés. Réfléchissons intelligemment afin d’établir un programme qui nous permettra d’atteindre nos objectifs et, surtout, continuons sereinement à consulter notre GPS, la fameuse carte qui, comme le décrit si bien le Messilath Yecharim, nous aidera à trouver le bonne voie pour sortir du labyrinthe : le conseil permanent, à chaque hésitation et chaque bifurcation, de nos Maîtres et de nos rabbanim.
Et n’oublions jamais de demander continuellement à D. de nous accorder l’intelligence, le discernement, et la sagesse ─ et de nous en servir ! ─, car c’est de Lui que tout dépend.
Eve Anne Zerbib