Ces triangles pervers « bourreau-victime-sauveur » peuvent se mettre rapidement en place surtout dans les situations de familles recomposées. Et, quand ils ne sont pas dénoncés, quand on ne se rend pas compte qu'on en fait partie et qu'on participe à leur entretien, ils deviennent difficiles à détruire.
Chaque angle du triangle a l'impression de ne pas pouvoir réagir autrement. Il se sent tenu d'avoir le comportement qu'il a en raison de la rigidité des positions de deux autres angles. Ainsi, dans cette situation classique qui réunit une mère, sa fille de 15 ans et un beau-père. La mère : « Je suis obligée de te contredire devant ma fille puisque tu lui cries dessus violemment. Même si tu as raison de vouloir lui mettre des limites, la façon dont tu le fais est intolérable. » Le beau père répond alors : « Mais tu lui laisses tout faire sous prétexte qu'elle souffre de ta séparation d'avec son père. Elle ne me respecte pas et tu lui permets tout. Tu me demandes de t'aider à faire face à son adolescence et à son désarroi, mais, en fait, tu m'envoies au casse-pipe. » La fille, elle se plaint de l'hostilité du beau-père qui est plus sévère que ne l'était son père et elle menace de demander d'aller vivre avec ce dernier.
La seule façon d'en sortir, pour eux, est de commencer par supposer que si le conjoint agit ainsi c'est parce qu'il ne peut faire autrement. Du côté de la mère : « Je vais accepter l'idée que je peux essayer de lui permettre de changer un peu. Pour cela, je vais arrêter de lui demander de modifier son comportement sans bouger ma position. Je vais écouter ce qu'il dit, et entendre ses intentions. Nous allons alors sortir du triangle par la redéfinition des priorités (ici: la solidité du nouveau couple, le bien-être de ma jeune fille). Je vais donc faire en sorte de mieux la cadrer, à ma façon, mais sans paniquer devant la menace qu'elle aille vivre chez son père. Je vais faire confiance à mon nouveau conjoint : je constate qu'il monte le ton quand je suis là et que j'interfère dans un échange avec ma fille. Je vais voir ce qui se passe quand je les laisse se débrouiller tous les deux. Et je vais aussi accepter qu'il ait des moments seul avec elle si elle l'accepte. Il pourrait lui faire travailler certaines matières qu'il connaît mieux que moi; et l'accompagner quand elle a besoin d'une voiture pour une sortie. Sans moi, ils se découvriront peut-être certaines affinités. »L'essentiel est donc de (re)trouver la confiance en l'autre, par le développement de l'empathie afin de mettre en place une lecture commune de la situation.
Ainsi, chacun prend mieux conscience de son propre rôle dans l'escalade symétrique. Alors, la désescalade devient possible et plus facile. La prochaine fois, l'escalade pourra être évitée, ou, à tout le moins, elle sera moins rapide et moins vertigineuse. Elle se présentait ainsi :
« Je protège mon enfant d'abord...
- Oui, alors moi aussi, je me protège de vous ! - Puisque tu nous attaques, je nous protège de toi.
- Ta façon de vous protéger est de m'attaquer, et de me manquer de respect, donc je protège mon intégrité en attaquent ton clan. »
Et ainsi de suite jusqu'à « nous ne sommes plus dans le même camp ». Tu es une menace pour ma famille. Nous ne sommes plus du tout « ensemble » !
Sortons de cette spirale infernale en y mettant du bon sens, de la confiance, de la patience mêlée à de la bienveillance. Chacun cherche légitimement sa place dans ce nouvel échiquier familial, il incombe alors de consulter un professionnel, un médiateur qui saura écouter et faire écouter ( et non entendre seulement) ce que chacun ressent comme peur, besoins et attentes.