Ce titre est absurde et n’a absolument aucun rapport avec le contenu du texte. C’était juste pour vous appâter. Mais maintenant que vous êtes là, écoutez :
Une Guéoula de second choix ?
Quand Yaakov rencontra son frère Essav, il lui dit : “Je possède taureaux et ânes, petit bétail, esclaves et servantes”. Et le Midrach[1] de commenter : “âne” fait référence au roi Machia’h. Comme il est dit: “pauvre et chevauchant un âne”[2].
Pourquoi Yaakov fait-il référence au Machiah’ en parlant d’un âne? Ceci est bien étonnant lorsque l’on se penche sur une autre parole de nos sages[3] qui dit que si les juifs le méritent (Zakhou dans le texte) alors Machiah’ arrivera sur les nuages du ciel . Par contre, s’il ne le méritent pas (Lo Zakhou), il sera pauvre chevauchant un âne. Yaakov ferait donc allusion à une venue du Machia’h au rabais ?
Un âne bien particulier
Il existe un autre Midrach[4] qui dit que l’âne du Machia’h n’est autre que l’âne qu’a utilisé Avraham lorsqu’il alla sacrifier son fils, et l’âne que Moché a utilisé pour amener ses fils et sa femme en Egypte. Qu’est que cela veut dire, à part que ce sera un très vieil âne ?
Le monde matériel, obstacle au divin ?
Tout d’abord il faut remarquer que ces trois personnalités n’utilisent pas cet animal de la même manière. Avraham ne l’utilise que pour le bois et le couteau, Moché lui, y place sa famille et enfin, le Machia’h le chevauche lui-même.
En fait, ce Midrach évoque une évolution historique. Une évolution quant au rapport à la matière. C’est ce qu’évoque le mot “âne” (‘Hamor) qui en Hébreu à la même racine que ‘Homèr, la matière.
Au début de l’Histoire, lorsque le travail de purification de la matière n’avait pas encore commencé, celle ci ne pouvait pas servir à élever spirituellement l’Homme. Elle pouvait l’aider dans sa mission mais en aucun cas être le moteur de son ascension spirituelle. Ceci est symbolisé par le fait qu’ Avraham ne fit que se servir de l’âne pour transporter les ustensiles nécessaires à son ouvrage.
Par contre, Moché inaugure une nouvelle ère : celle de la Torah par laquelle la matière peut devenir sainte[5] et par voie de conséquence tirer l’Homme vers le haut. Seulement, le monde n’étant pas encore arrivé à sa perfection, ce ne sont que les forces spirituelles superficielles qui peuvent être élevées et pas l’essence même de l’âme. Ceci est illustré dans le Midrach par le fait que Moché fait chevaucher sa femme et ses fils. Ceux-ci symbolisent les forces de l’âme qui, bien que partie intégrante de celle-ci n’en sont que des dévoilements extérieurs, tout comme la famille d’un homme en est bien son extension mais pas lui-même, bien entendu.
Mais le Machia’h chevauche lui-même son âne. Pourquoi chevauche-t-on un âne? Pour arriver à endroit que l’on n’aurait pas pu atteindre sans lui. On comprend maintenant cette forte symbolique: quand viendra la Délivrance, c’est l’essence même de l’âme qui sera transfigurée grâce à la matière même du monde qui dévoilera sa vraie nature.
La ‘Hassidout résume cela ainsi : la source de l’existant créé c’est l’existant Véritable.
Formule quelque peu lapidaire, il est vrai. Expliquons-nous.
A priori, on ne peut trouver plus antinomique que ces deux notions : L’existant Véritable, D.ieu, le Créateur face à l’existant créé, la matière. Pourtant, on peut leur trouver un point commun : justement cette conscience d’exister. Pour D.ieu, pas de problème, Il est l’existant véritable. Mais en ce qui concerne la matière créée, d’où lui vient cette impression qu’elle se suffit à elle même, à tel point qu’elle peut en arriver à renier sa Source ?[6]
Réponse : la racine profonde de la matière provient de l’Essence même du divin, c’est à dire de l’Essence de Celui qui existe absolument. Tant que cette matière n’a pas été épurée, alors elle ne fait que cacher le spirituel.
Mais lors de l’avènement du Machia’h, c’est sa nature profonde qui nous sera dévoilée. Rendez-vous compte ! On sentira infiniment plus de divin dans une Matsa ou un Loulav que dans tous les écrits Kabbalistiques du Ari Hakadoch !
C’est pour cette raison que la plupart de nos maîtres considèrent que le but ultime du monde est la résurrection des morts. Même les âmes qui s’élèvent depuis des siècles dans le Gan Eden désirent retourner dans un corps matériel. A tel point que la ‘Hassidout affirme qu’à la fin des temps, c’est l’âme qui se nourrira spirituellement du corps !
“Lo Zakhou”, c’est mieux !
Nous pouvons alors avoir une autre lecture du Midrach que nous avons cité plus haut : “Zakhou” peut vouloir dire “mériter”, mais peut être aussi rapproché de la racine Zakh qui veut dire pur, purifié. Ainsi, cet enseignement de nos Sages prend un tout autre sens. Lorsque le service divin ne porte que sur des sujets “purs” et spirituels (Zakhou), alors le dévoilement divin qui en découle (“les nuages du ciel”) ne peut-être que limité car obligatoirement adaptée à la capacité d’intégration des créatures. Par contre, lorsque l’on se mesure à ce qui n’est pas, à priori, pur (Lo Zakhou) et que l’on s’efforce de les élever et de les amener dans le domaine de la sainteté, alors on peut mériter le dévoilement de “pauvre chevauchant un âne”, le dévoiement de la racine même de la matière, l’Essence du divin.
Yaakov notre Père ne faisait donc pas allusion à une Guéoula de second choix ! (d’après une étude du Rabbi de Loubavitch)
[1] Midrach Rabba 75,6.
[2] Zacharie 9,9.
[3] Traité Sanhédrin 98a.
[4] Pirkei DéRabbi Eliézèr Chapitre 31.
[5] Ce sont les Mitsvot matérielle comme les Téfilin, les Mézouzot, les Tsitsit, le Loulav etc.
[6] Ce qui ne peut être le cas des êtres spirituels comme les anges qui ont tout le temps conscience de leur source.