Il y a énormément de mécanismes dans notre monde qui révèlent une la réalisation d’un dessein. Observons-en un, celui de la coagulation sanguine.
Vous ne le savez peut-être pas, mais le sang se comporte de façon très étrange. Rentrons un peu plus dans les détails pour comprendre cette machinerie époustouflante.
Tous les liquides contenus dans un récipient s’écouleraient du récipient sitôt celui-ci troué. En revanche, lorsque la peau subit une coupure, le sang ne coule qu’un bref instant, le temps qu’un caillot aille se durcir à l’endroit de la coupure jusqu’à cicatriser la blessure.
Mais si cela nous semble anodin, des études biochimiques ont cependant montré que la coagulation sanguine relève d’une véritable prouesse synchronique constituée d’un grand nombre de protéines interdépendantes les unes des autres.
Regardons en détail ce majestueux mécanisme et laissons-le nous émerveiller…
Le caillot qui colmate une plaie est constitué d’une sorte de protéine fibreuse appelée fibrinogène. Le fibrinogène est un assemblage de chaînes protéiques (six en tout) en forme de bâtonnets à brosse (deux aux extrémités, une au centre).
En temps normal, le fibrinogène flotte dans le plasma telle une bouteille à la mer portée par le courant des eaux. Cependant, dès qu’une entaille se forme à l’extrémité de la peau, une protéine appelée thrombine va immédiatement intercepter notre fibrinogène errant et le tailler en plusieurs endroits afin de faire apparaître sur sa courbe des surfaces collantes et le rebaptiser : fibrine. Le nouveau design de la fibrine va servir d'emboîtement à d’autres molécules de fibrine qui vont s’entremêler dans un assemblage ressemblant à une cotte de mailles qui va retenir l’épanchement des cellules sanguines. Le caillot sanguin est maintenant créé.
Si ce système nous paraît simpliste, nous verrons qu’il nécessite une synchronisation méticuleuse et une parfaite maîtrise des éléments entre eux.
En réalité, la thrombine et le fibrinogène ne sont que les éléments visibles du mécanisme final, les grandes étapes de la coagulation sanguine nécessitent bien plus que cela. Sans le concours d’autres protéines de régulation, la thrombine sectionnerait rapidement tout le fibrinogène au lieu de le transformer en fibrine. La thrombine agirait comme une tronçonneuse laissée branchée sans surveillance, découpant anarchiquement tout le fibrinogène sans la moindre délicatesse. Le résultat serait la formation d’énormes caillots de sang dans le système circulaire, ce qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur notre santé.
Comment la thrombine maîtrise-t-elle ses agissements ? L’organisme stocke notre lame affûtée (thrombine) sous forme inactive appelée proenzymes. Ce sont des enzymes catalysant les réactions chimiques. La thrombine est maintenant inactive, comme à l’état virtuel, elle s’appelle à présent la prothrombine. Cependant, si le risque de coagulation massive est maintenant évité, le pansement de notre blessure ne l’est pas non plus, puisque la thrombine n’exerce plus son action rasoir, étant inactive. Un autre acteur doit donc faire son entrée sur la scène.
Le facteur Stuart, c’est la protéine responsable de libérer la prothrombine de sa muselière, elle coupe ses chaînes à des endroits précis et transforme notre prothrombine en thrombine active capable de cliver le fibrinogène en fibrine.
Néanmoins, si le facteur Stuart libérait la thrombine lorsque bon lui semblerait, sans la moindre régulation, il provoquerait aussitôt un effet boule de neige qui aurait pour finalité la coagulation massive de tout le sang de l’organisme. C’est pourquoi il existe lui aussi sous forme inactive, attendant qu’une autre protéine l’active – l’accélérine. Ils agissent ensemble pour tailler la prothrombine et la libérer de ses chaînes pour qu’elle effectue sa mission : tailler le fibrinogène.
Cependant, ni le facteur Stuart ni l’accélérine ne sont capables de rendre la thrombine optimale, avant que la prothrombine catalysée ne subisse la conversion de dix de ses résidus d’acides aminés, appelés glutamate (Glu) en résidus g-carboxyglutamate (Gla), afin de rendre possible la fixation en calcium qui lui permettra d’adhérer à la surface des cellules. Ce n’est que le composé calcium-prothrombine fixé à une membrane cellulaire qui peut être dépareillée par le facteur Stuart et l’accélérine.
(Cette modification de la prothrombine n’advient pas non plus par accident, elle doit être également catalysée par une enzyme spécifique. Nous omettrons ces étapes techniques pour éviter au lecteur de perdre le fil.)
Et comme vous l’aurez deviné, l’accélérine se trouve elle aussi sous forme inactive pour éviter les fâcheux désagréments évoqués plus haut, l’effet boule de neige, c’est la pro accélérine.
Qu’est-ce qui l’active ? La thrombine. Oui oui vous avez bien lu, je ne me suis pas trompé, c’est bien la thrombine qui libère l’accélérine. Bien qu’elle se situe à des étapes ultérieures du processus, elle régule la production d’accélérine. Comment apparaît-elle ? Il semblerait que lorsque le facteur Stuart découpe la prothrombine, il laisse planer des traces de thrombine à très faible taux dans le sang (à un taux suffisamment bas pour ne pas provoquer l’avalanche à risque) qui vont à leur tour venir réguler l’accélérine.
Mais c’est loin d’être fini. Qu’est-ce qui empêche la coagulation, une fois entamée, de solidifier tout le sang d’un être vivant ?
Une protéine plasmatique appelée antithrombine se lie aux formes actives de la plupart des protéines de coagulation et les désactive. Cependant, pour réussir sa tâche, elle a besoin de s’activer elle-même en se liant à une autre substance appelée l’héparine, sans quoi elle demeurerait inactive. Il y a aussi du renfort en la thrombomoduline qui se lie à la thrombine pour la rendre moins efficace…
Mais le caillot sur mesure, une fois tapi sur la paroi de la blessure, pourrait facilement se désagréger du fait de sa fragilité et occasionner la reprise du saignement. C’est pourquoi l’organisme est doté d’un dispositif permettant de consolider le maillage de la fibrine, le FSF (Fibrin Stabilising Factor) qui forme des ponts chimiques entre les différentes molécules de fibrine.
Une fois la blessure cicatrisée, une protéine appelée plasmine a pour charge de retirer le caillot sanguin. Le plasmine est lui-même à nouveau régulé par tout un système l’empêchant d’agir trop rapidement.
C’est loin d’être la totalité des composants présents lors de la coagulation du sang mais suffisant pour qu’on se pose les bonnes questions. Qui a créé cette orchestration sublime ? Timing et complexité sont au rendez-vous.
Si une seule de ces multiples étapes n’agissait pas exactement comme elle agit, nous ne serions pas là pour en parler…
Si la thrombine activait le fibrinogène au mauvais moment, tout le système sanguin se solidifierait, entraînant la mort de la personne ; s’il s’activait trop tard, ce serait l’hémorragie. Pareil si l’antithrombine désactivait le facteur Stuart trop rapidement. Si le plasminogène était activé trop rapidement après la formation du caillot, il dissoudrait rapidement le caillot et contrecarrerait le processus de coagulation. Des constats de ce genre sont distinguables à chacune des étapes du processus.
A présent posons-nous la question de fond : un tel système d’équilibre et de synchronisation pourrait-il apparaître par le biais de mutations aléatoires ? Rappelons-nous que la sélection naturelle ne sélectionne uniquement que des éléments qui lui servent dans l’immédiat, le hasard ne fait pas de plans. Or ici, ce sont plus d’une dizaine d’étapes cruciales et indispensables à la viabilité de tout le système qui ont été évoquées (sans compter celles laissées de côté). Si la cellule crée du fibrogène, cela ne lui est d’aucune utilité sans du thrombine. Idem si ces deux protéines sont créées mais qu’il n’y ait pas les enzymes catalyseurs qui les rendent inactives pour un rôle ultérieur, et ainsi de suite durant tout ce processus complexe.
En d’autres mots, si l’étape n°1 était créée, cela ne serait d’aucune utilité sans l’étape n°2, qui elle-même ne serait d’aucune utilité sans l’étape n°3, et ainsi de suite pour l’ensemble du procédé.
Or, d’après cette théorie, la constitution des cellules qui apparaîtraient sans avoir d’utilités aurait tendance à être systématiquement éliminée car elle ferait dépenser une quantité inutile d’énergie. Il serait ainsi totalement désavantageux pour un organisme de les retenir, et ce même si ce désavantage est extrêmement léger.
Quel est donc l’Auteur de ce somptueux ballet si bien organisé ?
Nous l’appellerons le Tout-Puissant pour faire court…