Il existe une force que nous aimons haïr, mais qui occupe une place fondamentale dans notre vie. Je parle, bien entendu, du Yétser Hara', le mauvais penchant, que nos Sages désignent néanmoins comme « bon » (Béréchit Rabba 9:7). Rachi explique qu'en dépit de la tendance de cet ange malfaisant à nous créer des ennuis, c'est également la puissance qui nous incite à nous marier, à construire un foyer, à faire des affaires et du commerce.
Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Béréchit 6:5) suggère même que le Yétser Hara' représente la gloire humaine, car en résistant à ses ruses, nous actionnons notre libre-arbitre, le pouvoir qui nous confère le plus d'humanité. Etant donné que le Yétser Hara' se présente souvent comme notre allié et confident, « sachant comment et où le combattre requiert beaucoup de ruse et de sagesse » (Mikhtav Méeliyahou 1:262). Comme l'explique l'Alter de Kelm ('Hokhmat Oumoussar 2:324) : « Notre rôle principal dans la vie consiste à déjouer le Yétser Hara de diverses manières, afin de pouvoir au final servir Hachem avec le bon et le mauvais penchant. » Le Sfat Emet détermine que le moment de gloire de Yossef Hatsadik a été celui où il a été tenté et a résisté à l'épreuve avec courage et résolution.
Notre monde contemporain offre de nombreux exemples où des hommes s'allient délibérément avec le Yétser Hara' afin de semer la destruction, mais nous voyons parfois la lumière triompher de ses machinations. Nous voyons peut-être le début de l'ère messianique, lorsque « la terre sera remplie par la sagesse d'Hachem » et la vérité commencera à se répandre pour tout le monde.
Commençons par examiner à cette lumière deux phénomènes récents. Il y a peu de temps, une réunion a eu lieu pour contrer l'influence négative de l'Internet. Si nous croyons au pouvoir du Klal Israël sur le monde (voir par exemple, Yéchayahou 42:6 ; Rivévot Efraïm, Paracha Bo, p.53), observons ce qui a commencé à se passer dans la société en général, pas uniquement dans nos cercles a priori protégés.
Newsday, un journal qui paraît à Long Island, a récemment rapporté que 21 étudiants de l'université d'Adelphi avaient fait leurs adieux à leurs Smartphones pour une semaine. Une enseignante avait demandé à toute sa classe d'abandonner leurs téléphones pendant une semaine. Certains étudiants pensèrent que la professeure plaisantait, d’autres étaient sous le choc en pensant juste à l'idée de se séparer de leur appareil. Mais au terme d'une semaine qui sembla interminable, les étudiants acceptèrent à l'unanimité qu'ils avaient appris huit leçons. Je vous en expose ici cinq : 1) « Il est désagréable lorsque d'autres utilisent des Smartphones. » Après un jour ou deux, ces 21 élèves se fâchaient contre leurs amis : « Tu ne peux pas t'arrêter à chaque fois que tu reçois un s.m.s. !?» Ils ont commencé à réaliser que le manque de politesse et de décence de ceux qui sont asservis à leurs Smartphones était intenable.2) « Comment leur téléphone dérange leur sommeil. » Ceux qui n'ont pas dormi avec ce précieux appareil à côté d'eux ont enfin passé une bonne nuit. 3) « À quel point ils travaillent plus vite sans distraction. » L'un d'eux a même admis : « J'aurais presque souhaité que tu détruises mon téléphone. » 4) « Combien il peut être libérateur de n'avoir pas d'accès constant aux média sociaux. » Les usagers intensifs d'Internet ont admis que les média sociaux envahissants « les tente à regarder leur téléphone dès lors qu'il émet un bip. » 5) « À quel point ils étaient vraiment dépendants. » Une jeune fille apprit cette vérité par des cousins pour lesquels elle faisait du babysitting régulièrement. Les petits enfants innocents remarquèrent qu'elle jouait avec eux plutôt que de rester assise avec son téléphone. La jeune femme admit la vérité : « Je ne pensais pas au départ être accro de mon téléphone, mais ce cours m'a fait prendre conscience à quel point je le suis. »
N'entendons-nous pas dans cette remarque un écho du commentaire du Ramban (Dévarim 31:17) que « parfois, une réflexion est le début de la Téchouva, tout en demeurant incomplète ? »
La seconde pensée de Téchouva est paradoxalement plus subtile, mais néanmoins plus officielle. Pendant plus d'un demi-siècle, depuis le célèbre rapport du directeur du service de santé publique sur les dangers de la cigarette, la société a eu du mal à gérer cette nouvelle donne. Les décisionnaires et de nombreux ouvrages de Halakha ont également réagi à ces avertissements, bien que nous n'ayons peut-être pas assez suivi ces recommandations. Ces dernières années, un nouveau fléau, le vapotage, a vu le jour, présenté par certaines sociétés comme une solution préférable à la cigarette. Mais dans un long exposé, le New York Times a rapporté que des sociétés telles que Juul ont tenté de détourner les jeunes gens des dangers de l'addiction à la nicotine par des publicités mensongères et attrayantes. De façon incroyable, « six millions d'adultes ont été introduits à la nicotine par le biais d'e-cigarettes. Des millions d'élèves du collège et du lycée ont commencé à vapoter. » Aujourd'hui, après de nombreuses recherches, « Juul fait face à un nombre croissant de poursuites judiciaires de parents et de districts scolaires.»
Comme le Rav Tsadok Hacohen nous le rappelle souvent, le monde est rempli à la fois d'obscurité et de lumière. D'un côté, il y a énormément de mal et de dangers spirituels, mais le Or 'Hozer, la lumière réfléchissante de l'ère du Machia'h, nous aide à soulager, si ce n'est à éliminer, une partie du mal.
Un exemple (Voir Ma'assé Avot Siman Lébanim 1:41) : la Klala (malédiction) sur l'humanité : « c'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain» (Béréchit 3:19) a été largement allégée par la technologie. Ce principe est également valable pour la Klala de la femme concernant les douleurs de l'accouchement, puisque la douleur a été réduite par diverses innovations médicales. En conséquence, il n'est pas inhabituel de voir une réduction des afflictions les plus sévères de l'humanité, en particulier lorsque le Tikoun (rectification) intervient par le Klal Israël. Nous souffrons certes également du fléau de l'Internet et d'autres attaques du Yétser Hara, mais lorsque nous améliorons nous-mêmes la situation, le monde entier s'améliore également en suivant la règle générale suivante : Hakol Bichvil Israël (Tout a été créé pour le peuple juif).
On relève une analogie intéressante dans le verset suivant : « Je ferai disparaître (Véhichbati) du pays les animaux nuisibles.» (Vayikra 26:6). Le Gaon de Rogatchov (Tsofnat Panéa'h, 'Houmach) cite diverses sources expliquant que le terme employé ici par la Torah, Véhichbati, peut signifier détruire ou se retirer.
De même, le 'Hamets doit passer par un processus de Tachbitou, qui peut être réalisé soit par la destruction, soit par d'autres méthodes d'élimination. La promesse de mettre un terme au danger des bêtes sauvages a presque pris fin par l'existence des zoos et aquariums, et la domestication de diverses créatures jusque-là dangereuses. La popularité des safaris est en quelque sorte un témoignage de la confiance en l'époque où : « Alors le loup habitera avec la brebis, et le tigre reposera avec le chevreau. » (Yéchayahou 11:6). Ce verset est sujet à une controverse célèbre entre le Rambam et le Raavad (Hilkhot Mélakhim 12:1). Le Rambam déclare que la nature ne changera pas à l'époque du Messie, et que ce verset est une métaphore du fait que le peuple d'Israël n'aura rien à craindre de ses anciens ennemis qui auront commencé à percevoir la lumière de la foi le D.ieu unique. Mais le Raavad est d'avis que les propos du 'Houmach, contrairement à ceux des prophètes ultérieurs, ne doivent jamais être compris de manière métaphorique, mais uniquement au sens littéral.
Dans tous les cas, comme le Rambam l'écrit ailleurs, nous découvrirons la vérité de ces problématiques lorsqu'elles se concrétiseront dans la réalité, avec l'aide de D.ieu. Mais dans l'intérim, prenons note que plus nous nous améliorons, plus le monde autour de nous en bénéficie également, outre le Kiddouch Hachem (sanctification du Nom de D.ieu) de mériter à nouveau de bénéficier de cette Brakha d'Hachem : « Je te prends par la main ; Je te protège et Je t'établis pour la fédération des peuples et la lumière des nations » rapidement et de nos jours.
Rabbi Yitzchok Tzvi Schwarz / Yated traduit par Torah-Box