Ces dernières semaines, nous avons abordé le processus de restitution d’un objet perdu à son propriétaire légitime. Nous avons vu que celui qui découvrait l’objet devait placarder des affiches dans des lieux publics annonçant la découverte de l’objet. De plus, il doit veiller à ce qu’une personne peu fiable ne s’approprie pas l’objet par des moyens malhonnêtes.
Dans cet article, nous aborderons les questions suivantes liées à l’obligation de celui qui a trouvé l’objet dans ses efforts de le restituer. Jusqu’à quel point doit-il aller pour le restituer ? Doit-il dépenser de l’argent pour tenter de le rendre ? Peut-il exiger une rémunération au propriétaire pour ses efforts ?
La personne qui a trouvé l’objet ne pourra exiger de paiement pour rendre l’objet perdu, même si cela exige de sa part du temps et des efforts. Mais il ne doit cependant pas perdre de l’argent pour le rendre : par exemple, si quelqu’un remarque un homme faire tomber son portefeuille avant de monter dans la voiture, le meilleur moyen pour celui qui a été témoin de cette scène serait de prendre un taxi et de le poursuivre. Mais comme cela engage des dépenses, il n’y est pas tenu. S’il a le sentiment que le propriétaire lui remboursera les frais du taxi, il devra alors dépenser l’argent du taxi pour le lui rendre.
Celui qui trouve l’objet ne doit pas renoncer à son salaire régulier pour rendre un objet perdu. Par exemple, si un vendeur de magasin remarque qu’un client a oublié un objet dans le magasin, il ne devra pas quitter son travail pour le lui rendre ; ceci, à condition qu’il n’ait pas le droit de quitter son travail dans un tel but ou si son salaire risque d’être retenu pour le temps passé hors de son lieu de travail.[2]
Même si celui qui a trouvé l’objet se heurte à des risques de bénéfices potentiels perdus, il n’est pas tenu de restituer l’objet perdu. Par exemple, un vendeur qui gagne de l’argent sur commission doit prendre de son temps de travail pour restituer un objet perdu. En effet, dans le temps nécessaire à la restitution de l’objet, il aurait pu gagner plus d’argent en faisant plus d’appels téléphoniques.
Quelle est la règle lorsqu’un individu aperçoit son propre objet perdu et celui de quelqu’un d’autre en même temps ? Est-il tenu de sauver l’objet de son prochain avant le sien, ou peut-il donner la préséance au sien ?
Le Talmud nous enseigne qu’on peut accorder la priorité à son propre objet et le sauver en premier[3]. De plus, cette règle est même valable lorsque l’objet du prochain a plus de valeur que le nôtre.
Par exemple, la cave qui contient notre nourriture et les livres onéreux de notre ami commence à être inondée. Le propriétaire aura le droit de sauver d’abord sa nourriture même si les objets de son ami ont bien plus de valeur. Néanmoins, s’il est tout à fait convaincu que son ami lui remboursera la perte assez relative qu’il a dû encourir pour sauver l’objet de son ami, il n’aura pas le droit de sauver le sien aux dépens de celui de son ami.
Cette règle repose sur un principe que nous avons traité dans le passé, ‘Hayékha Kodmim, à savoir que l’individu doit faire passer sa propre vie avant celle de son prochain. En vertu de ce principe, on pourra récupérer notre objet perdu avant celui de notre prochain. Néanmoins, le Talmud souligne que l’on ne doit pas avoir recours à ce principe comme justification pour ne jamais aider notre prochain. Dans chaque situation, il faudra discerner si nos propres besoins personnels l‘emportent sur l’obligation d’aider notre prochain.
De plus, le Talmud précise qu’un homme qui prend le concept de ‘Hayékha Kodmim un peu trop au sérieux et refuse d’aider son prochain, se retrouvera dans une situation où il aura besoin des faveurs des autres. Mesure pour mesure, pour n’avoir pas prêté assistance à son prochain dans le besoin, il sera lui-même dans le besoin.
Il est important de trouver un équilibre entre nos propres besoins matériels, émotionnels et psychologiques tout en contribuant simultanément au bien-être de ceux qui nous entourent.
[1] Une bonne partie des informations de cet article sont extraites de l’ouvrage Halachos of Other People's Money du Rabbin Yisroel Pinchos Bodner.
[2] Etant donné que de nombreux facteurs entrent en jeu sur le temps qu’on a le droit de prendre du temps de travail, il faudra consulter un Rav orthodoxe pour chaque cas spécifique.
[3] Baba Metsia 33a.