« Eh bien, si ma mère me voyait dans cet état… »
Le désordre et les tâches que tu devrais accomplir sont comme un doigt accusateur pointé en ta direction. Tu fermes les yeux, tu essaies de fuir la réalité – et alors tu revois la maison de ta grand-mère et ses draps amidonnés, et tu te souviens de l’odeur de son fameux gâteau qui sortait du four. Ensuite, ce sont les effluves de la soupe de légumes que ta maman cuisinait qui se promènent entre les étagères soigneusement époussetées et l’argenterie astiquée...
C’est sûr – tu te trouves à des années-lumière d’elles… Difficile de croire que tu es une descendante directe de ces femmes vertueuses… Tu ne leur arriveras jamais à la cheville !
Vraiment ?
La conscience de Mikhal la tourmente, après le moment épuisant du coucher qui s’est terminé par des réprimandes et des petits yeux larmoyants.
Un lointain souvenir ressurgit : une petite chambre… le rideau s’éparpille dans le vent… La petite Mikhal emmitouflée dans une épaisse couverture…
« En fin de compte, ce n’est pas si loin », murmure-t-elle comme si elle sentait de nouveau le doux contact de la couverture avec laquelle sa mère l’enveloppait et entendait les histoires captivantes qui la transportaient loin, loin…
Étais-je plus gentille que mes petits enfants ? Moins turbulente ? Plus obéissante ?
Elle se pose la question mais en connait déjà la réponse.
Elle n’était pas plus sage, c’était l’infinie patience de maman qui rendait ces instants toujours agréables.
Ces doigts composent le numéro familier. A l’autre bout du fil, sa mère répond, avec toute la patience du monde :
« Comment as-tu réussi, maman ? Comment as-tu été capable de t’asseoir chaque soir, avec chacun de nous, durant un long moment ? Comment as-tu pu discuter, raconter, chanter et cajoler ? »
La voix de maman assurée et claire répond : « Penses-tu, Mikhal, que j’ai toujours été ainsi ? »
De nombreuses femmes dans le monde ne rendent compte que des résultats et non du processus qui a permis de les atteindre.
Nous ne méditons pas suffisamment sur le combat que nos parents ont pu mener afin de surmonter toutes leurs épreuves. Pour nous, ils sont ce que nous voyons à présent : forts, joyeux, patients. Mikhal ne peut pas se rappeler du nombre de fois où sa mère a trébuché – c’est pourquoi, elle se mesure avec un regard trop critique, qui n’est pas complètement juste.
Un homme ne nait pas grand, un homme grandit lentement au fil des années, comme un immeuble qui se construit pierre après pierre, comme ton enfant qui a grandi doucement, sans que tu ne t’en aperçoives. Seul quelqu’un d’extérieur qui ne l’aurait pas vu pendant une longue période s’exclamerait, impressionné : « comme il a grandi ! »…
Ta mère ou ta grand-mère n’est pas née avec ce niveau ! Ce sont les épreuves de la vie et ce travail personnel accompli inlassablement, qui ont fait d’elles ce qu’elles sont aujourd’hui.
Un vieillard était assis au bord d’un fleuve et dessinait des cercles sur le sable. Derrière lui, un jeune homme l’observait : « Vieil homme », s’enhardit-il, « comment fais-tu pour dessiner des cercles aussi beaux et parfaits ? »
« Assieds-toi près de moi », lui dit le vieil homme, « essaie toi-même ».
Le jeune homme accepta l’invitation et s’installa. Il se mit à tracer des cercles sur le sable.
Le premier ne ressemblait à rien…, le deuxième était déjà mieux, le troisième n’avait rien à voir… Petit à petit, il sentait qu’il réussissait à avoir la maitrise de ses mains, chaque cercle était meilleur que le précédent. A la fin, il fut pleinement satisfait : il dessinait des cercles parfaits !
On entendit un léger murmure derrière lui.
Un jeune homme se tenait près de lui et lui posa une question familière : « Comment arrives-tu à dessiner des cercles si beaux ? » Le regard du premier se posa sur la surface de l’eau et voici qu’il vit que son visage ressemblait à celui d’un vieil homme…
« Assieds-toi, mon jeune garçon », dit-il, « assieds-toi et commence à dessiner toi-même… »
Et il commença… Le premier résultat n’était pas probant, le deuxième l’était déjà davantage…
Il est toujours bon d’écouter des récits de réussites et de bonnes actions. Cependant, ceux décrivant les échecs, les difficultés et les luttes pour les surmonter ont beaucoup plus d’impact.
Lorsque tu te racontes une histoire comme celle-ci, c’est le signe que tu as commencé à dessiner toi-même les cercles de ta vie, que tu marches dans le bon chemin, dans celui de l’épanouissement et l’élévation.
Rav Its’hak Houtner a écrit dans une lettre d’encouragement adressée à un de ses élèves :
« Le plus sage de tous les hommes dit (Michlé 24) : ‘Le juste tombe sept fois et se relève’. Les sots pensent que la grandeur du juste est qu’il n’abandonne pas et n’est pas brisé, bien qu’il soit tombé sept fois. Les hommes intelligents savent très bien que ce sont ces sept chutes qui permettent au juste de se relever. Ces expériences le construisent et le hissent vers le haut. »
Tes échecs, ce sont eux qui te font grandir en te construisant et en te renforçant.