Le Gaon Rabbi Isser Zalman zatsal, auteur du Even Haazal sur le Rambam, excellait particulièrement dans l’humilité. Lorsqu’un élève de Yéchiva - même de Yéchiva Kétana - venait chez lui, il parlait d’étude avec lui, et le traitait avec les mêmes égards qu’un vénérable érudit. Et lorsqu’un élève posait de bonnes questions ou avançait un bon argument, Rabbi Isser Zalman sautait de joie, et exprimait son étonnement devant « ces merveilleux propos ».
J’ai souvent eu le privilège de m’entretenir avec lui des différents Souguiot (thèmes) du Chass. Voici une prodigieuse histoire à laquelle j’ai assisté et qui témoigne de sa grande humilité : c’était le 13 Nissan, la veille de la Bédikat ‘Hamets, j’entrai dans une synagogue pour étudier, mais le bedeau s’approcha de moi en s’excusant : pouvais-je chercher un autre endroit pour étudier ? Ce jour-là était consacré au nettoyage des lieux en l’honneur de Pessa’h. Je me rendis dans une autre synagogue, et la même scène se reproduisit : le bedeau me demanda de chercher une autre synagogue pour y étudier. J’étais à court d’idées : où pouvais-je aller ? Privé de choix, je gravis les marches menant à l’appartement du Roch Yéchiva, le Gaon Rabbi Isser Zalman. Le Rav m’accueillit avec bienveillance, je lui expliquai que j’étais venu pour parler de Limoud (étude) ! Le Roch Yéchiva accepta joyeusement, et tendit l’oreille pour écouter mes propos. Sur la table étaient disposés une tranche de pain, de la pâte à tartiner et une tasse de café. Jusqu’à aujourd’hui je ne me pardonne pas de ne pas avoir attendu quelques minutes jusqu’à ce qu’il ait fini de manger. Notre conversation dura près de deux heures, le Rav répondit aux questions que je lui présentai, m’opposa des arguments et construisit une argumentation. Vers midi, la Rabbanite Beila Hinda revint en portant des paniers remplis de courses en l’honneur de la fête. Lorsqu’elle vit que l’assiette et la tasse étaient restées telles qu’elle les avait posées le matin, elle demanda à son époux, le Roch Yéchiva : « Pourquoi n’as-tu rien mangé ? » Rabbi Isser Zalman répondit en toute sincérité : « Un Ben Torah est venu me voir pour parler d’étude, comment pouvais-je m’arrêter au milieu ? » La Rabbanite rétorqua : « Que se serait-il passé si tu avais dit au jeune homme de patienter quelques minutes jusqu’à ce que tu finisses de manger, et tu l’aurais reçu ensuite dignement ? » Le Rav Isser Zalman éleva alors la voix et demanda sur un ton étonné : « Quoi… Suis-je un professeur pour que l’on doive patienter pour me voir ?!... »
Rav Israël Grossman