Ouri Elimélekh, surnommé « le plombier légendaire » de Tel Aviv, avait des mains en or. Que peut-on dire, aucune fuite n’échappait à ses yeux, sans parler du fait que chaque évier bouché était repéré par ses détecteurs aiguisés et par son pronostic professionnel - dont on pouvait être jaloux. Il a construit et installé des infrastructures alternatives pour des immeubles sur le point de s’effondrer, et dont la mort - que peut-on y faire - est préférable à la vie.
Mais Ouri le plombier n’avait pas que des mains en or, un cœur en or bâtait aussi entre ses poumons. C’est tout à son honneur que nous dirons qu’il ne signait pas les contrats après avoir examiné le compte en banque de son client, mais principalement pour aider à la construction du pays d’Israël, et ses habitants qu’il aimait plus que tout.
Oui, oui, une personne comme cela existe réellement, un plombier voyant la sainteté qui émane de son travail, et pour qui chaque robinet inséré dans le mur d’une salle de bain et chaque lavabo ajusté pour un coin de Nétilat Yadaïm (rituel avant de manger un repas de pain), ajoutent encore une pierre dans la construction du troisième Beth Hamikdach, qui aura lieu rapidement, de nos jours, amen.
Mais pourquoi s’étendre sur ses qualités ? Il suffit juste de préciser que pendant 30 ans, Ouri a fait en sorte que l’eau du Kinnéret arrive en parfait état dans chaque cuisine, neuve ou ancienne, et dans chaque jardin. Même le nom de sa société rappelle sa bonne âme et sa perception idéologique : « La plomberie d’Israël au service de ses habitants ».
« C’est un nom long », disaient les chargés de relation publiques, « mais avec beaucoup d’âme », rétorquaient les plus sensibles.
Durant les 30 dernières années, notre Ouri a habité au troisième étage, dans un appartement de taille moyenne, dans un quartier banal, et n’a pas songé à plus grand.
Un matin, sa femme Rosa se leva avec une nouvelle idée, qui n’avait encore jamais été mise sur la table du couple s’occupant de quatre enfants mariés, et de plusieurs petits-enfants chéris.
« Regarde Ouri, nous vivons depuis de nombreuses années dans la pudeur, et malgré l’abondance dans nos revenus, nous avons vécu dans notre modeste appartement. Mais aujourd’hui, Bli ‘Ayin Hara', on a la santé, et l’argent ne manque pas non plus, l’appartement est petit pour contenir les petits-enfants, construisons-nous une nouvelle maison, sur un terrain, avec un jardin er des arbres fruitiers, et nous vieillirons paisiblement. On le mérite Ouri, on le mérite. »
La vérité est que sans Rosa, l’ensemencement de l’idée ne se serait pas planté sur le terrain du cœur d’Ouri, mais voilà que c’est arrivé. Ouri a greffé l’idée avec ses deux mains, a sortie ses économies, a acheté un terrain de 700 mètres carrés, a entrepris avec beaucoup d’énergie l’opération architecturale et l'ingénierie, et en moins d’un an, a reçu le permis de construire.
Il a joint à lui l’entrepreneur de renom, Gatzel Chreiber, et lui a demandé de commencer à construire : « Gatzel, toi, tu construis, et moi j’achète tous les matériaux de construction. » Gatzel acquiesça.
La même semaine, Ouri alla comparer les prix des matériaux de construction, des briques, du fer, du sable, du ciment, du béton, t.o.u.t. Il alla de société en société et reçu cinq propositions de prix, avec des différences raisonnables d’un fournisseur à l’autre.
Le choix de l'entreprise à laquelle acheter une aussi grande quantité de matériaux de construction était difficile pour Ouri, et ce dernier hésitait. Gatzel s’impatientait, mais Ouri lui demanda d’attendre. Et voici que sans message préalable, un matin, Ouri reçut un appel urgent : « Ouri, c’est Gatzel, je suis sur le terrain avec l’ingénieur, et tu ne croiras pas ce que je vais te raconter, mais six grands camions de fer viennent d’arriver ici, avec des briques, du sable, du ciment. Bref, une quantité énorme de marchandise qui, selon moi, suffira à construire toute la villa, avec une possibilité de construire également la cave dont nous avons parlé. »
Ouri hurla : « Mon D.ieu, je n’ai commandé de marchandise à personne ! Vérifie qui est le fournisseur effronté qui a décidé de lui-même de me livrer. »
Gatzel demanda le bon de commande à l’un des conducteurs, le regarda et dit : « Il s’agit de la société "Frères Na’hman", de l’ancienne zone industrielle. »
« Oh ! Ils sont culottés, je ne leur ai rien commandé... Et en plus de cela, six camions ! Je vais leur en mettre plein la tête aux frères Na’hman, ils vont tout reprendre. Ils n’auront pas un centime de moi. »
Ouri téléphona aux « Frères Nah’man ».
« "Frères Na’hman" bonjour, ‘Hanna à l’appareil. »
« Bonjour ‘Hanna, Ouri Elimélekh à l’appareil, qui a commandé de la marchandise chez vous ? Moi, c’est sûr que non, et vous faites venir six camions de briques et de ciment. Je n’ai aucunement l’intention de payer... Reprenez tout !!! »
« Pardonnez-moi, cher monsieur, mais la marchandise est payée. »
« Payée ? Ah, vous êtes rusés, qui sait quel stratagème vous avez prévu... Qui a payé ?! Qu’est-ce qui a été payé ?! »
Ouri mit fin à la discussion, démarra sa jeep, et appuya de toutes ses forces sur l’accélérateur.
Il entra en furie dans le bureau de Tsouri Na’hman, le directeur de l’établissement, se tint face à lui les yeux fumant de colère, et dit : « Écoute, je ne te connais pas, mais tes manœuvres ne me plaisent pas. Je te demande une offre de prix, et toi, de ta propre initiative, tu envoies la marchandise. Quoi ? Je suis ton ami ? Et ta secrétaire aggrave ton cas en me racontant que la marchandise a été payée. Elle n’a pas été payée et je ne la paierai pas, reprenez t.o.u.t. Vous avez vraiment exagéré ! »
Tsouri Na’hman, 30 ans, sourit de toutes ses dents, servit un verre d’eau fraîche à Ouri, et lui demanda de faire la Brakha et de se calmer.
« Je ne me calmerai pas ! », dit Ouri en repoussant le verre.
« Dans ce cas-là, dit Tsouri, avant de t’énerver, permets-moi de te raconter une petite histoire. Ça ne prendra pas plus de deux minutes, et après cela, si tu le veux, tu pourras rendre la marchandise... »
Ouri récita la bénédiction « Chéhakol », but lentement de l’eau, et s’appuya impatient sur la chaise. Il a encore du temps pour des histoires, Na’hman...
Tsouri raconta : « Il y a vingt ans, peut-être une ou deux années de plus, une jeune veuve s’occupant de six enfants s’est effondrée sous la pression mentale et financière de la charge. C’était après qu’elle se soit rendue compte que de l’eau coulait de son mur. La vie dans le petit appartement s’est transformée en enfer. Tout était humide et moisi, la facture d’eau augmenta. L’un des voisins lui dit qu’il s’agissait d’une fuite importante dans les tuyaux se trouvant dans le mur qui nécessitait une réparation d’un montant s’élevant à des milliers de Chékalim. La veuve s’effondra en larmes, elle n’avait pas d’argent pour acheter du pain et du lait, d’où allait-elle trouver des milliers de Chékalim pour réparer les tuyaux ?
Lorsque la situation se détériora, elle appela avec crainte et pitié un installateur, qui vint, examina les problèmes, et dit : "Madame, il s’agit ici d’une réparation compliquée, il faut changer la moitié de la tuyauterie de la maison, il faut avant cela casser trois murs et les construire de nouveau. Ce n’est pas rien, et cela réclame également une somme importante."
La veuve essuya ses larmes, et dit naïvement : "Je vais en parler avec mon assistante sociale, peut-être que la mairie paiera."
"Ok, répondit l’installateur, toi, fais ce qu’il faut, et si la mairie paie, je ferai le travail." Le lendemain matin, la veuve alla chez son assistante sociale, et cette dernière éclata de rire. "Le projet de restauration du quartier ne finance que l’amélioration de l’aspect de l’appartement, expliqua l’assistante sociale, et non des problèmes d’installation."
La veuve ressortit blessée et impuissante, elle monta dans le bus, et après un quart d’heure, entra chez elle et découvrit une surprise. Dans la maison, se trouvaient l’installateur et deux ouvriers, cassant des murs et les évacuant pendant qu’autour d’eux, les enfants de la veuve les observaient. Stupéfaits, les orphelins regardaient le travail de cassage et de construction. Tout était fait adroitement, les murs furent construits avec prudence, de nouveaux tuyaux furent introduits, des robinets étincelants installés à tous les éviers. Les orphelins, principalement les deux grands, observaient chaque geste avec une curiosité mélangée à de la joie. Après deux jours de travail acharné, le petit appartement de la malheureuse brillait de propreté. Les murs avaient également été repeints, la veuve était heureuse et demanda à l’installateur combien devait-elle payer. Ce dernier lui répondit alors : "Pardon ? Vous faites erreur madame, la mairie a payé, la mairie a tout payé..."
Comprends-tu, mon cher Ouri Elimélekh ? La veuve était très heureuse d’apprendre que, contrairement aux paroles de l’assistance sociale, la mairie avait payé cette grande dépense et qu’elle pouvait vivre dans son appartement, heureuse, sans avoir à payer avec de l’argent qu’elle n’avait pas. Mais les deux orphelins avaient compris que la mairie n’avait pas payé un centime, ni même un demi-centime. »
Ouri se redressa de sa chaise, tapant nerveusement sur la table de Tsouri Na’hman, et demanda : « Et alors, tu penses que tes petites histoires m’intéressent ? Je dois encore découvrir quelle manœuvre ingénieuse vous m’avez jouée en m’amenant six camions sans que je ne le demande ? »
Tsouri Na’hman tira un petit papier de son bureau, sortit un stylo de la poche de sa chemise, et écrivit : « Cher Ouri, les six camions qui sont venus sur ton terrain, la mairie les a payés !!! »
Ouri resta bouche-bée et écouta Tsouri conclure son histoire : « Mon ami, la veuve est ma mère ; les orphelins qui t’ont observé et qui ont appris le métier de toi, sont mon grand frère, ‘Hanokh, et moi. Cela fait vingt ans que nous cherchons comment te remercier pour cette joie de vivre que tu as fait rentrer dans notre maison, durant l’une des pires périodes de notre vie. »
Tsouri se leva, enlaça très fort Ouri, et lui murmura : « Ce ne sont pas six camions, c’est notre cœur qui a de la reconnaissance envers toi. Mais il est toujours amusant d’accuser la mairie... »