Torah-Box a l'honneur de vous proposer ce précis sur la prière dans le judaïsme, d'après le Rav Réouven Chalom Charabani, afin que nos prières prennent tout leur sens et qu'elles soient chargées de tout leur impact.

Nous avons rassemblé ici ses paroles sur l'essence et la forme de la Téfila ainsi que des faits et coutumes de ce qu'il a pu voir chez nos maîtres les sages de Porat YossefTout cela est traduit d'un livret nommé "Yehi Réouven, deuxième partie", écrit par le Rav El'hanan Eliahou Charabani, le fils du Rav, avec l'accord de la famille du défunt mais qui ne prend pas de responsabilité pour la traduction. Ce livret est lui-même l'esquisse d'un livre qui est sorti peu après : "Dara'h Be'hokhmaMaamarim".

La Avoda (service/travail)[1] du cœur

Les Sages ont dit :

"איזו היא עבודה שהיא בלב ? הוי אומר זו תפילה" (תענית ב ע"א)

"Quelle est la 'Avoda' (service) qui est faite par le cœur ? C'est la Téfila".

Il faut bien s'interroger sur les paroles de nos Sages. Pourquoi ont-ils appelé la Téfila une 'Avoda' ? Afin d'éclaircir cela il faut prendre conscience de certaines erreurs.

Les gens pensent que la Téfila est un moyen d'atteindre ce que nous désirons. C'est vrai qu'on se rend compte qu'Hachem nous a fait un grand 'Hessed en nous donnant la possibilité de prier et de demander ce que désirons, mais dans notre manière de voir la Téfila on reste avec la conception que toute l'idée de la Téfila est de demander nos besoins. De plus, les gens ont tendance à penser que la forme de la Téfila qui a été instituée par nos sages, avec des louanges et des remerciements, n'est qu'une forme de politesse. Puisqu'il ne se fait pas de demander directement, on commencerait par des louanges, qui seraient suivies de la demande, puis de nouveau, on remercierait.

Même s'il est vrai que ce détail sur le déroulement de la Téfila est mentionné chez les Sages, l'idée de la Téfila ne s'arrête absolument pas à cela, comme nous allons l'expliquer avec l'aide de Dieu.

L'idée est que les Téfilot ont été instituées en parallèle des offrandes Temidim (sacrifices quotidiens), conformément à l'un des avis de la Guémara (Brakhot 26b). Il faut donc s'interroger sur le rapport entre la Téfila et le service des sacrifices. Après étude, il émerge que l'essentiel et la base de la Téfila sont la possibilité de servir Hachem et de en rapprocher de Lui. C'est une Mitsva qui est appelée Avoda, parce qu'en réalité, la meilleure manière de se rapprocher au maximum d'Hachem est à travers la Téfila. C'est d'ailleurs pour cela que nous louons Hachem et que nous le remercions, car ce n'est pas seulement un moyen de demander ce que nous désirons mais c'est une forme de service qui nous permet de nous rapprocher de Lui. A vrai dire, la proximité d'Hachem que l'on peut atteindre à travers la Téfila est particulièrement puissante. Le Rabbi Haïm Vital, dans son introduction de Cha'ar Hakavanot, a écrit que la Téfila est la Hichtapkhout Hanéfech (le déversement de l'âme) devant Hachem, ainsi qu'il est écrit dans le verset :

"ואשפוך את נפשי לפני ה' "(שמואל א א טו)

"J'ai déversé mon âme devant Hachem".

Il explique là-bas le sens profond (selon le Sod) du verset. Mais d'après son sens simple (Pchat), la Hichtapkhout Hanéfech consiste à rapprocher son âme au Créateur du monde. Cela est faisable à travers la Téfila qui nous donne la possibilité de se tenir devant Le Roi, de Lui parler et de nous rapprocher de Lui. C'est pour cette raison que nous déroulons nos louanges devant Lui et que nous Le remercions, ceci, afin de montrer notre abnégation devant Lui et pour nous définir en tant que serviteurs et fils d'Hachem. En outre, il nous est donné la possibilité de L'implorer pour toutes nos demandes. Le fait de L'implorer pour qu'il accède à nos requêtes représente en soi une Avodat Hachem. Etant donné que l'on demande de Lui, que l'on fasse appel à Lui, on exprime cette conscience que nous sommes dépendants de Lui et uniquement de Lui, pour chaque détail de la vie et en Lui nous plaçons notre confiance. Il n'y a pas de Avoda plus grande que celle-ci.

"גֹּמֵל נַפְשׁוֹ אִישׁ חָסֶד "(משלי יא יז)

"Rend grâce à son âme, l'homme de Hessed".

Cet enseignement est également appris dans la Guémara (Chabbath 127a) où il est enseigné que le "Iyoun Téfila" ("prière avec concentration") fait partie des mitsvot desquelles nous profitons des dividendes (des fruits) dans ce monde-ci mais dont le capital est préserver pour le Monde à Venir. La Guémara demande à ce propos : Si cela était vrai, le Iyoun Téfila devrait faire partie de la liste énumérée dans traité Péa qui cite les Mitsvot dont on profite des dividendes dans ce monde ci et dont le capital est préservé pour le Monde à Venir ? La Guémara répond : Le Iyoun Téfila est bel et bien inscrit dans cette liste puisque que c'est une forme de Guémilout 'Hassadim (acte de bonté), qui elle, fait bien partie de la liste, ainsi qu'il est écrit : גֹּמֵל נַפְשׁוֹ אִישׁ חָסֶד, Rend grâce à son âme, l'homme de Hessed.

Des enseignements capitaux peuvent être appris de cette Guémara :

  1. Que la Guémilout 'Hassadim n'est pas seulement vis-à-vis des autres, mais qu'il est également nécessaire de faire de la Guémilout Hassadim avec soi-même.
  2. Que si on se concentre dans la Téfila, c'est profitable à son âme à tel point que c'est appelé Guémilout 'Hassadim. L'explication est telle qu'on l'a expliquée : A travers la Téfila on ajoute à son âme une mesure de proximité avec Hachem.

"קָרוֹב יְהוָה לְכָל קֹרְאָיו "

"Hachem est proche de tous ceux qui L'appellent"

En vérité, c'est un verset explicite dans les Psaumes :

 "קָרוֹב יְהוָה לְכָל קֹרְאָיו לְכֹל אֲשֶׁר יִקְרָאֻהוּ בֶאֱמֶת"

"Hachem est proche de tous ceux qui l'appellent, de tous ceux qui l'appellent sincèrement".

Prêtons attention au fait qu'il n'est pas écrit dans ce verset que celui qui appelle sincèrement Hachem sera exaucé. Ce n'est aucunement l'idée du verset. Ce qui est écrit en réalité, c'est qu'Hachem est proche de tous ceux qui l'appellent puisque, comme il a été expliqué, celui qui appelle Hachem sincèrement, atteint une incroyable proximité. Ainsi, le fruit engendré par la Téfila n'est pas forcément le fait qu'Hachem exauce nos désirs mais la proximité même d'Hachem, que l'on reçoit à travers la Téfila. La réponse à nos désirs est une autre chose qui est mentionnée dans le verset qui suit :

"רְצוֹן יְרֵאָיו יַעֲשֶׂה וְאֶת שַׁוְעָתָם יִשְׁמַע וְיוֹשִׁיעֵם"

"Il fera la volonté de ceux qui le craignent et il écoutera leurs supplications et leur portera secours" (v. 19)

Ce qui ressort de ce verset, c'est que celui qui veut vérifier si ses Téfilot sont bonnes, qu'il vérifie combien de proximité il aura reçu à travers la Téfila. S'il a pu s'élever à travers la Téfila, il aura automatiquement un retour spirituel énorme de sa Téfila. C'est une erreur de penser que l'on jauge la valeur d'une Téfila en fonction du fait que l'on voit si elle a été exaucée ou pas. Puisque comme on l'a dit, l'idée de la Téfila dans son essence, c'est le rapprochement avec Hachem. Si on sent que l'on s'est rapproché d'Hachem à travers la Téfila, alors c'est sûr que l'on a atteint le but recherché par la Téfila et que sa Téfila est voulue (par Hachem).

Hachem est avide de la Téfila

Voici les paroles connues de nos sages :

"מפני מה אבותינו עקורין היו ? מפני שהקב"ה מתאווה לתפילתם של צדיקים" ) יבמות ס"ד ע"א)

"Pourquoi nos pères étaient-ils stériles ? Parce que Hachem est avide des Téfilot des justes".

En vérité, il faut comprendre pourquoi Hachem est avide des Téfilot. Qu'est-ce que ça lui apporte ? De plus, pourquoi Il ne leur répondait qu'après la Téfila ? S'ils sont Tsadikim, leurs désirs devraient être exaucés sur le champ sans même devoir s'appliquer à faire des Téfilot ? En réalité, comme il a été expliqué, le but essentiel de la Téfila, c'est le rapprochement qui se fait par ce biais avec le Créateur. Si l'on peut s'exprimer ainsi, Hachem est avide car à travers elles on se rapproche de Lui. Donc, la véritable raison pour laquelle Hachem faisait qu'elles étaient stériles, est qu'ainsi elles priaient, et à travers cela, elles se rapprochaient de lui encore et toujours.

Grâce à cela, il devient possible de comprendre pourquoi nos Sages ont tellement valorisé la Téfila et pourquoi il est écrit dans la Guémara :

ולואי שיתפלל אדם כל היום כולו (ברכות כא ע"א)

"Si seulement l'homme pouvait prier toute la journée".

La raison d'une telle expression est comme on l'a dit : Le but essentiel est le rapprochement avec Hachem. Ce n'est pas pour rien que les premiers 'Hassidim se préparaient une heure avant la Téfila et une heure après (Michna Brakhot, ch. 5). En effet, ils comprenaient l'importance et la grandeur qu'il y a dans cette Avoda.

Cette proximité que nous recevons à travers la Téfila, ce n'est pas quelque chose de commun qui peut être expliqué ou défini. Plutôt, c'est quelque chose de personnel, chacun selon ce qu'il a en son intérieur et le niveau de pureté de son cœur. Chacun ressentira la proximité qu'il atteint et la Dvékout (l'attachement à dieu) qu'il acquiert par le mérite de sa Téfila.

Comment acquiert-on la proximité ?

Là, il ne s'agit pas d'une question théorique mais d'une question très pratique. Chacun doit se préparer à la Téfila, pas comme à un moment où on va faire ses demandes personnelles devant Hachem mais à une Avoda Chéléma Outemima (totale et entière) dont l'objectif est de se rapprocher de Lui. Le fait de formuler des louanges est le but même de la Téfila puisque c'est de cette manière que nous le servons et que nous nous rapprochons de Lui. Il en va de même pour toute la Téfila. Ceci requiert préparation et méditation [sur la Téfila], ainsi qu'il est écrit dans le verset :

הִכּוֹן לִקְרַאת-אֱלֹהֶיךָ יִשְׂרָאֵֽל (עמוס ד' יב)

"Prépare-toi devant ton D.ieu Israël".

Par cela on atteindra le but désiré, à savoir, le lien et la proximité avec Le Créateur du monde.

 

En outre, il nous faut savoir que pour obtenir une proximité avec Hachem à travers la Avoda de la Téfila, il faut intérioriser une autre chose essentielle à la Téfila, et ce, que ce soit au moment des louanges comme au moment des remerciements, et en particulier au moment où nous exprimons nos demandes : Nous devons mettre notre assurance uniquement et seulement en Hachem, en Lui seul. Comme il est écrit :

אַל תִּבְטְחוּ בִנְדִיבִים בְּבֶן אָדָם שֶׁאֵין לוֹ תְשׁוּעָה (תהילים קמו ג)

"Ne placez pas votre confiance dans les hommes puissants, en l'humain chez qui il n'y a pas de salut".

Puisqu'en vérité, l'habitude de chacun est de faire sa Hichtadlout (un effort) dans chaque chose par tous les moyens. Bien qu'une Hichtadlout mesurée soit quelque chose de juste, il faut toutefois bien intérioriser que l'homme n'a aucune capacité à amener le salut. Le salut ne vient pas par le biais d'un homme mais seulement et uniquement par la volonté d'Hachem. Même si la Hichtadlout est nécessaire, le salut ne dépend toutefois pas d'elle. C'est dans cet état d'esprit que l'on se présentera à la Téfila.

Quand on dira la louange "רופא חולים" ("qui guérit les malades"), on dira cette louange du plus profond de son cœur avec pleine conscience que seul Hachem guérit les malades ; de même, quand on exprimera des demandes dans la Téfila, que ce soit "רפאנו" ("guéris-nous") ou toute autre demande, on demandera avec cet état d'esprit, à savoir, que l'homme n'a aucun salut et qu'il dépend totalement de la volonté Divine.

Si on prie ainsi, on pourra non seulement atteindre une proximité avec Hachem et la ressentir, mais en plus, il y aura plus de chance pour qu'Hachem exauce notre prière. En effet, placer sa confiance uniquement en Hachem, représente la véritable prière.

"אַשְׁרֵי שֶׁאֵל יַעֲקֹב בְּעֶזְרוֹ שִׂבְרוֹ עַל יְהוָה אֱלֹהָיו" )תהילים קמו ה(

"Heureux qui a pour appui le D.ieu de Jacob, celui qui met ses espérances en l'Éternel son D.ieu".

La force de la Téfila

Je vois souvent certains personnes qui disent, en particulier chez les jeunes étudiants (en Yéchiva) : "On se trompe à chaque fois et on est plein d'Averot, comment peut-on venir prier devant Hachem pour les fautes qu'on a faites, surtout que certaines fois, il arrive que l'on retombe dans les mêmes fautes", et à cause de ces pensées, ils tombent dans un désespoir total et ne prient plus.

Certaines fois, il découle de graves dégâts à cause de cela, à savoir, qu'ils arrêtent d'essayer d'améliorer leur comportement en raison de leur désespoir et ceci est une erreur absolue !

Il faut s'interroger pourquoi nos sages ont institué de lire le premier jour de Roch Hachana la Paracha concernant Hagar et de Ichmaël. De même, il faut s'interroger pourquoi ils ont institué de lire le deuxième jour la Haftara concernant 'Hanna.

Il y a différentes explications à cela, mais il semble que l'on puisse expliquer les choses de cette manière : Dans le désert, Ichmaël et Hagar n'avaient plus d'eau. Hagar laissa Ichmaël derrière un buisson pour ne pas le voir mourir. Au vu des commentaires de nos Sages à ce propos, il semble qu'il y avait un décret Céleste de mort. En effet, il est écrit que les anges sont venus devant Hachem et qu'ils Lui ont demandé de ne pas écouter la Téfila de Hagar puisque les descendants d'Ichmaël allaient dans le futur faire du mal aux enfants d'Israël en causant leur mort par la soif. Il apparaît donc que la situation était des plus désespérées, car peu de temps après ils allaient mourir pour ses fautes. Pourtant, qu'est-il écrit ?

"ַיִּשְׁמַע אֱלֹהִים אֶת קוֹל הַנַּעַר וכו' {יט} וַיִּפְקַח אֱלֹהִים אֶת עֵינֶיהָ וַתֵּרֶא בְּאֵר מָיִם וגו' "בראשית כא' יז

"Le Tout-Puissant entendit la voix du 'garçon' etc. et Le Tout-Puissant ouvrit ses yeux et elle vit un puits d'eau etc".

Il en ressort qu'en dépit du fait qu'il y eut un décret du ciel et qu'il y eut un consensus qu'il meurt pour ses fautes, malgré cela, la Téfila a fait effet et Hachem a écouté la supplication de Hagar. En outre, sa Téfila lui a non seulement permis de survivre mais Hachem a même changé les règles de la nature pour le sauver, comme il est écrit :

"וַתֵּרֶא בְּאֵר מָיִם"

"Elle vit un puits d'eau".

Vraisemblablement, le puits n'existait pas auparavant, mais Hachem l'a créé[2] pour le sauver. Par conséquent, on peut apprendre de là la force de la Téfila, à savoir, que même dans les cas où il semble qu'il n'y ait plus d'espoir, quand bien même, la Téfila fait son effet et change les règles de la nature.

Je vous ai déjà mentionné plusieurs fois les grandes Téfilot qui ont été organisées dans les Yéchivot pendant la guerre des six jours. Durant cette période, il y avait dans les rues une peur indescriptible, à tel point que tout le monde marchaient avec un air dépité. On ne pouvait pas voir le sourire sur le visage des gens tant la tension était grande. Les dirigeants des nations Ichmaëlites s'enorgueillissaient avec assurance de la Shoah qu'ils étaient prêts à perpétrer contre les juifs en Israël. Dans les rues de Jérusalem, on ne pouvait voir que des vieux, car tous les autres avaient tous été appelés à la guerre. Nous autres, les étudiants des Yéchivot, déversions notre cœur en d'intenses Téfilot afin que notre peuple soit sauvé du malheur.

Dans la Yéchiva de Porat Yossef, on a énormément fait de Téfilot, durant une longue période et pendant de longues heures, jusqu'à ce les élèves n'aient plus de force et qu'ils ne soient plus capables de prier tout en pleurant à Hachem. Je suis alors parti parler de cela avec 'Hakham Ben Tsion (Rav Ben Tsion Abba Chaoul, de mémoire bénie) et lui ai dit qu'il y a des étudiants qui sont vraiment brisés par ces Téfilot, et que peut-être, il serait bien de lâcher un peu de leste. Il m'a répondu que seul celui qui se sent mal, ira se reposer un petit peu, mais qu'il n'est pas d'accord d'annuler la moindre Téfila. Il a ajouté que s'il était possible de montrer aux gens de manière palpable quelle est la force de la Téfila de tous les étudiants en Yéchiva, tous viendraient en courant pour prier parce qu'ils comprendraient alors que la délivrance ne dépend que de cela.

En fin de compte, Hachem nous a envoyé une grande délivrance suite à nos Téfilot. 'Hakham Ben Tsion disait qu'il n'y a pas de doute que ce sont nos Téfilot qui ont eu pour effet d'amener une telle délivrance qui défiait les règles de la nature.

L'avis de 'Hakham Ben Tsion était que selon la Halakha on ne devrait pas dire les supplications le jour de la victoire. Aujourd'hui, les gens ne le comprennent pas, mais s'ils avaient idée de l'intensité de la peur qu'il y avait à ce moment-là, ainsi que de la grandeur du risque encouru, ils auraient compris. Toutefois, il trancha de dire les supplications ce jour-là pour ne pas que nous soyons suspectés de prendre part à l'ivresse de l'orgueil de :

כוחי ועוצם ידי עשה לי את החיל הזה

"Ma force et la puissance de mon bras m'a amené cette richesse".

A Dieu ne plaise de nous montrer comme partie prenante dans les corps étatiques des autorités et de leurs vanités. Mais quant à l'événement lui-même, il disait qu'il fallait se sentir comme à Yom Tov, que Hachem a écouté nos prières, puisque la force de la prière phénoménale qu'il y avait en cette période, a amené elle seule la délivrance, défiant toutes les forces de la nature.

Je vous raconte tout ça pour que nous ayons une idée de la force de la Téfila et combien elle est efficace. Il est donc interdit de la mépriser même si l'on ne voit pas un résultat aussitôt.

Le directeur de la Yéchiva, 'Hakham Yéhouda Tsadka nous a raconté que quand il y eut à Damas en 5600 la dernière dénonciation (à tort) sur les juifs et qu'ils capturèrent l'illustre Rav de la ville, Rav Yaacov Entebi, de mémoire bénie, ils le laissèrent en prison et le malmenèrent par de dures et amères tortures. Ils décidèrent ensuite de le tuer et le mirent à la guillotine. Toutefois,[3] au dernier instant, ils se ravisèrent et le laissèrent en vie.

Suite à cela, on demanda au Rav à quoi il pensait au moment où la lame était prête à descendre sur sa gorge. Il répondit qu'il priait et disait : "Les paroles de nos Sages ne mentent pas, et elles disent que même si un glaive aiguisé est posé sur la gorge de l'homme, il ne doit pas perdre espoir en la Téfila. En réalité, leurs paroles se sont intégralement accomplies. Leurs paroles sont Emeth (vérité) et la Torah est Emeth". C'est exactement de cette manière qu'a agi la prière de Hagar pour Ichmaël. Leçon à retenir : On doit apprendre de ces évènements qu'il ne faut jamais désespérer (et garder foi en la Téfila), et ce, même dans les pires moments, car la miséricorde d'Hachem peut à chaque instant intervenir.

On apprend la même leçon de 'Hanna. Après ne pas avoir eu d'enfant pendant de longues années, elle tomba enceinte. Nos Sages disent qu'elle était Aïlonith (déformation qui rend stérile) et qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant. Cela était connu et accepté à tel point que son mari lui dit un jour : "Je suis mieux pour toi que dix fils". Malgré tout, elle n'abandonna pas et pria et déversa son cœur devant Hachem, jusqu'à ce qu'Élie la prenne pour une femme ivre et lui fit des remontrances. Quand elle lui expliqua sa situation, il la bénit et elle tomba enceinte.

L'essentiel est qu'elle pria avec le cœur brisé devant Hachem après que Pénina la provoquait jour après jour. Quand cette dernière achetait un habit blanc, elle lui disait : "Et toi alors, quand est-ce que tu achèteras toi aussi un habit pour ton fils", ceci, afin de lui briser le cœur et qu'elle prie (toujours et encore) devant Hachem (comme nos Sages l'expliquent). Une fois de plus, la leçon est la même : Il est interdit de perdre espoir, même dans les situations où il semble qu'il n'y ait plus rien à faire, quand bien même, la Téfila a toujours sa place et peut encore être exaucée.

Je me rappelle qu'une fois, les médecins ont dit à ma sœur qu'il ne restait à son mari, 'Hakham Ben Tsion, plus que 20 minutes à vivre, et elle leur répondit, qu'il a été permis aux médecins de guérir mais pas de décider de la durée de la vie de quelqu'un. Ainsi, elle pria du fond de son cœur et il continua à vivre encore de longues années, même si sa situation semblait sans espoir.

C'est pour cela que nos Sages ont fixé ces deux lectures à Roch Hachana, pour éveiller en nous cette idée le jour du jugement. A savoir, que l'on ne tombe pas à Dieu ne plaise dans le désespoir même si notre situation semble désespérée, que Dieu nous préserve de penser que l'on ne peut plus rien faire. Ainsi, prions et faisons Techouva et Hachem répondra à notre prière et acceptera notre Techouva.

Il y a une autre anecdote avec l'un de mes élèves qui était hospitalisé à l'hôpital Rambam un jour de Chabbath. Lors du troisième repas de Chabbath, plusieurs personnes se réunirent là-bas et mon élève prononça quelques paroles de Emouna et de renforcement spirituel. Il y avait là-bas un patient qui allait et venait, et qui semblait troublé. Mon élève l'invita à participer et il lui expliqua longuement ce qu'est la Emouna en Hachem. La nuit suivante, mon élève se réveilla en raison du remue-ménage venant de la chambre voisine. Il alla voir ce qu'il se passait et vit le même malade à qui il avait parlé la veille, qui pleurait à chaude larmes avec autour de lui plusieurs médecins. Quand le patient le vit il cria en disant : "Tout est de sa faute" ! Mon élève ne comprit pas quel mal avait-il pu lui faire, mais le patient continua et expliqua qu'il était malade des reins depuis plusieurs années, qu'il devait absolument subir une greffe, et qu'en attendant, il était sous dialyse. Mais après avoir entendu les paroles de Emouna lors du dernier repas de Chabbath, il est allé dans sa chambre et a commencé à prier très simplement au Créateur du monde en disant : "Maître du monde, jusqu'à aujourd'hui je n'ai pas entendu parler de Toi et je ne T'ai pas connu. A présent que j'ai entendu parler de Toi, je Te demande de me montrer que Tu existes vraiment et que Tu guérisses mes reins".

Peu de temps après, au milieu de la nuit, ce malade vit que ses reins recommençaient à fonctionner. Il appela le médecin en charge du service mais il ne le crut pas. Un moment après, il vit de nouveau que ses reins fonctionnaient. Il appela une nouvelle fois le médecin qui était forcé de constater que c'était vrai. Ce dernier appela vite toute l'équipe des spécialistes du service qui lui firent différents tests. Les résultats des tests, qui étaient entre temps arrivés, montraient que ses reins fonctionnaient parfaitement. Les médecins lui annoncèrent que le matin il pourrait rentrer chez lui. Tout le monde fut très surpris comment avec une simple Téfila qui sort du fond du cœur a amené une délivrance aussi grande contre tout espoir.

L'idée est comme nous l'avons expliqué : Quand la Téfila vient avec une Emouna simple et du fond du cœur, on arrive à un véritable rapprochement avec Hachem et, progressivement, les chances que la Téfila soit écoutée augmentent.

Qu'Hachem nous donne le mérite de prier avec une Emouna simple et sincère en Sa toute-puissance. En effet, de Lui et seulement de Lui dépend la délivrance ; l'homme n'a pas le pouvoir de délivrance.

Celui qui brise ses traits de caractère (Midot), sa Téfila est digne d'être entendue

Le travail de l'homme sur ses traits de caractère est le premier facteur poussant Hachem à l'acceptation de nos Téfilot. Ainsi, celui qui brise (c'est-à-dire, qui se surpasse pour travailler) ses traits de caractère, est presque sûr que la plupart de ses Téfilot seront entendues. La raison à cela est que pour annuler un décret, Hachem doit dépasser ses propres attributs par lesquels il a décidé de gérer le monde : Il doit passer de l'attribut de rigueur à l'attribut de miséricorde. C'est quelque chose qu'Il ne fera pas que pour celui qui lui-même surpasse ses traits de caractère, mesure pour mesure : tout comme l'homme est allé à l'encontre de sa nature, de même, Hachem ira à l'encontre de sa conduite habituelle et acceptera d'exaucer sa demande.

J'ai déjà plusieurs fois parlé de la grandeur de 'Hakham Aba Chaoul et de l'effet qu'avait ses Téfilot dans le ciel. J'ai aussi mentionné que même si l'on a vu d'autres grands en Torah dont les bénédictions s'accomplissaient, mais une telle grandeur comme celle de 'Hakham Aba Chaoul dont les Téfilot étaient aussitôt exaucées, était quelque chose de rare. J'ai vu chez lui à de nombreuses reprises lorsque je le servais, des choses qui défiaient les lois de la nature. En outre, la délivrance arrivait aussitôt sans se faire attendre au point qu'il n'y avait pas plus lieu de douter de l'effet de ses bénédictions.

Il est connu qu'il témoignait de lui-même et disait que la raison pour laquelle ses bénédictions s'accomplissaient était due à son grand amour pour le peuple d'Israël. En vérité, j'ai moi-même été témoin de cela un jour où il me raconta qu'il avait du mal à supporter le fait que les gens le harcelaient constamment à lui demander des bénédictions et qu'il ne pouvait plus étudier comme il le faisait jadis. Je lui répondis en rigolant que j'avais une solution très simple pour lui : "Bénis-moi que mes bénédictions soient écoutées ; ainsi, les gens viendront chez moi et pas chez toi, et de ce fait, tu pourras à nouveau étudier comme auparavant".

Il me répondit : "Hakham Réouven, sache qui si tu as le même amour que moi pour le peuple d'Israël, tu n'as pas besoin de ma bénédiction ; mais si tu n'as pas le même amour que moi pour le peuple d'Israël, ma bénédiction ne t'aidera en rien".

Par cela, il témoigna de lui même que la raison pour laquelle ses bénédictions portaient ses fruits était son grand amour pour le peuple d'Israël. Toutefois, il est parfaitement clair que tout cela n'est vrai que lorsque cet amour pour le peuple d'Israël est combiné à une grandeur en Torah. Seule la force de la Torah peut engendrer la force de la bénédiction. De plus, il est évident pour moi que tout cela n'a pu être possible que parce qu'il y avait chez lui un surpassement de soi au niveau du travail de ses traits de caractère qui, il faut le dire, était chez lui spectaculaire. Sans travailler ses traits de caractère en profondeur, il n'est pas possible d'atteindre un degré de Téfila où les Téfilot sont exaucées dans de telles proportions.

Parfois, des jeunes étudiants se plaignent pourquoi ils ont des traits de caractères tellement difficiles à surmonter. Toutefois, s'ils connaissaient la valeur du surpassement de soi, ils seraient heureux qu'Hachem leur ait donné cette opportunité de travailler sur leurs traits de caractère et de surmonter leurs mauvais penchants. En effet, à travers ce travail, on atteint des degrés extraordinaires dans le service Divin. Donc, rappelez-vous l'avantage qu'il y a à travailler ses traits de caractère : Nos Téfilot sont grâce à cela exaucées. Celui qui qui ne tient rigueur à son prochain même s'il pense avoir raison, celui qui donne à son prochain un bon sentiment dans l'étude comme si c'est lui qui dirige l'étude de la Souguia[4] (sujet étudié), qui se préoccupe que ce soit agréable pour lui, même si c'est difficile pour lui, c'est quelqu'un qui se surpasse pour travailler ses traits de caractère. Par conséquent, mesure pour mesure, lorsqu'il fera des Téfilot à Hachem, lui aussi sera exaucé.

Ra'hel notre matriarche a transmis les signes à sa sœur Léa pour qu'elle ne soit pas humiliée. Sa sœur voit qu'on la prépare au mariage, qu'on l'orne des bijoux de la mariée... Ra'hel travaille ses traits de caractère afin que sa sœur ne soit pas humiliée. Cet acte de Ra'hel était un acte de surpassement total. En effet, il est ramené dans le Midrach que toute la raison pour laquelle des signes avaient été convenus entre Ra'hel et Ya’akov, était que Ra'hel savait à l'avance ce que Lavan envisageait de faire. Elle avait pris ses précautions et préparé ces signes avec Ya’akov pour ne pas que Lavan puisse donner Léa en mariage à sa place. Mais après avoir vu Léa prête à s'unir à lui, elle eut pitié de sa sœur car elle ne voulait qu'elle soit embarrassée et lui transmit donc les signes. Ra'hel s'est littéralement surpassé pour sa sœur Léa. A à partir de là, Léa doit toute son existence à sa sœur car sans cet acte de bravoure de la part de Ra'hel, elle serait tombée sur Essav.

[En passant, on voit de là aussi la force de la Téfila, car Léa a prié toutes ces années que son sort ne soit pas de se marier avec Essav, et sa Téfila a porté ses fruits. En effet, les circonstances se sont retournées de manière extraordinaire pour qu'elle se marie avec Ya’akov et pas avec Essav.]

Pourtant, voici que quand il y eut l'épisode des Doudaïm (mandragores), où Léa dit a Ra'hel : "Cela ne suffit pas que tu m'aies pris mon mari etc". Là, une question se pose : Comment Léa peut-elle dire une telle chose à Ra'hel ? A-t-elle oublié que Ra'hel est la femme principale de Ya’akov et que Ya’akov voulait à la base se marier avec Ra'hel et pas avec elle et que seules les nobles Midot de Ra'hel lui ont permis de se marier avec Ya’akov ? Comment peut-elle dire à Ra'hel qu'elle lui prend son mari ?

J'ai vu dans les écrits du Ben Ich Haï (dans 'Od Yossef Haï', Drouchim, Parachat Vayétsé) des choses extraordinaires à ce sujet. L'essentiel de l'idée est que Léa avait un stratagème très complexe pour agir de cette manière. Cela n'était pas dû, Dieu préserve, à ses mauvais traits de caractère. Elle savait qu'un jour, le peuple d'Israël partirait en exil, qu'ils passeraient par le tombeau de Ra'hel, qu'ils prieraient là-bas et que Ra'hel irait immédiatement prier à Hachem pour qu'il ait pitié du peuple d'Israël. Léa savait qu'Hachem écouterait la Téfila de celui qui surpasse ses traits de caractère. Léa voulait donc élever les Midot de Ra'hel au point que même si elle lui dise quelque chose comme cela, elle se retienne et ne dise rien. Elle voulait la faire arriver à un surpassement d'elle-même extraordinaire. En effet, par le fait que Léa lui donne les Doudaïm en échange de Yaacov, il en ressortirait que Ra'hel n'aurait tiré aucun bénéfice à avoir donné les signes [puisque qu'accepter cet échange après ce qui a été dit, sans objecter, c'est accepter comme vrai le fait que Ra'hel lui ait pris son mari et que la vraie femme de Yaacov soit Léa. Elle se prive donc même de cette consolation d'être la vraie femme de Yaacov aux yeux de Léa]. Mais en réalité, c'est le contraire : Il en ressortira aux yeux de tous (ceux qui liront ce récit dans la Torah) la grandeur de Ra'hel qui agit avec sa sœur comme si c'est elle, Léa, était la femme principale.

Par ce mérite, Hachem écoutera la Téfila de Ra'hel, comme il est écrit dans le Midrach, que Ra'hel a dit à Hachem dans sa Téfila : "Je me suis moi-même surpassé en donnant les signes à Léa, Toi aussi il revient que Tu outrepasses tes attributs, car celui qui se surpasse, Hachem l'écoute et outrepasse Sa manière d'agir".

Prêtons bien attention ! En travaillant sur nos traits de caractère, on arrive à des résultats qui sont extraordinaires, car par cela, Hachem Lui-même outrepasse Ses attributs et écoute nos Téfilot.

Le Midrach raconte ce qu'il s'est passé au temps de Rabbi Tan'houma, où ils avaient besoin de pluie. Il décréta une première fois un jour de jeûne mais leurs Téfilot ne furent pas exaucées. La troisième fois, il décréta que chacun aille et donne de son argent pour la charité. Une des personnes sortit pour donner la charité et rencontra son ex-femme dans la rue, qui lui dit que depuis qu'ils s'étaient séparés, elle n'avait pas vu de beaux jours et qu'elle vivait dans la misère. Aussitôt, il la prit en pitié et lui donna de l'argent. Un témoin de la scène alla immédiatement chez Rabbi Tan'houma et lui dit : "Tu restes assis ici pendant que dans notre ville des gens fautent" ? !

Il lui raconta ce qu'il avait vu en disant qu'il y avait dans la ville un homme qui fautait avec son ex-femme. Rabbi Tan'houma appela cet homme et lui fit des remontrances. L'homme lui répondit que les apparences étaient trompeuses et que quand il avait vu son ex-femme dans cet état, il avait eu pitié et qu'il avait alors accompli le verset : "de ta chair ne soit pas indifférent". Au même moment, Rabbi Tan'houma leva les yeux vers le ciel et dit : "Maître du monde, si cet homme, qui est fait de chair et de sang et qui n'avait pas l'obligation de nourrir son ex-femme, a réveillé sa miséricorde pour elle et l'a nourrie, nous, qui sommes les fils de tes fils Avraham, Its'hak et Ya’akov, dont la responsabilité de nourrir Te revient, à plus forte raison qu'il revient que Tu réveilles ta miséricorde sur nous".

Au même moment la pluie tomba et le monde sortit de la détresse.

Nous voyons de là que la pluie n'est descendue que par le mérite d'un seul homme qui a su travailler sur ses Midot en se surpassant. Parfois, même si l'on fait des jeûnes et que l'on prie beaucoup, la Téfila ne sera reçue que par le mérite de gens qui auront travaillé sur leur Midot. Si nous passons outre nos Midot et que nous annulons notre volonté (face à celle des autres ou face à celle d'Hachem, selon la situation), il est certain qu'Hachem écoutera nos demandes et répondra à nos Téfilot.

La Kavana (intention et ferveur) dans la Téfila

Le but essentiel à atteindre dans la Téfila est la concentration de la pensée (la Kavana) car la vraie Téfila c'est quand on a le cœur plongé dans ce que l'on dit. La source étymologique du mot 'Téfila' est 'la pensée' comme dans le verset

(Genèse 48, 11) : "ראות פניך לא פיללתי"

"Je n'aurais pas pensé revoir ta face".

(Voir Rachi sur le verset qui explique la racine étymologique du mot.) Si l'on ne prête pas attention (pensée et cœur) à ce que l'on dit, il y a un manque dans l'essence même de la Téfila.

De surcroît, il faut savoir que celui qui ne prête pas attention à ce qu'il dit, mis à part le fait que cela ne s'appelle pas prier, mais en plus, il sera jugé sur le fait qu'il vienne se présenter devant le Roi et qu'il ne prête pas attention à tout ce qu'il Lui dit. A ce propos, il est écrit :

(Isaïe 1, 12) : "כי תבואו לראות פני, מי ביקש זאת מידכם, רמוס חצרי"

"Vous qui venez vous présenter devant moi, qui vous a demandé de fouler mes parvis ? ".

De même, il est écrit :

(Isaïe 29,13) : "בפיו ובשפתיו כבדוני וליבו רחק ממני"

"Par leur bouche et leurs lèvres ils M'ont honoré, mais il tient son cœur éloigné de Moi".

En vérité, on peut honorer Hachem par la bouche et Lui dire toutes les louanges du monde, tout en gardant le cœur loin de Lui car on ne pense pas du tout à tout ce que l'on dit. L'homme a le devoir de savoir que quand il s'apprête à prier, qu'il doit exprimer avec intention et ferveur les mots qu'il prononce.

Ce problème est en réalité très répandu et il n'y a pratiquement personne qui ne soit pas touché, chacun à un degré qui lui est propre. Nous faisons notre Téfila et l'on ne prête presque pas attention aux mots que nous prononçons. C'est un grand défaut et beaucoup de renforcement est nécessaire à ce sujet. De nombreux conseils ont été donnés pour cela. Le Ben Ich Haï (Rav Pé'alim) a rapporté ce qui est écrit dans le Néfech Ha'haïm du Rav Haim de Volozhin, qui conseille de dessiner les lettres dans son imaginaire, chose qui engendrera la concentration.

Aussi, il faut savoir que plus la force de Kedoucha (sainteté) augmente chez l'homme et plus il lui devient facile de garder ses pensées sans dérangement. En effet, le Roua'h Hatouma (les forces de l'impureté) dérange l'homme quand il est affairé à des actions de l'ordre du sacré. Mais plus l'homme se sanctifie et plus le Roua'h Hatouma perd de sa place et de son influence. Grâce à cela, il se libère petit à petit de lui et peut avoir une concentration continue.

Je vais vous raconter quelque chose dont j'ai fait l'expérience. Une fois, un homme est venu chez moi pour un conseil. Jusqu'à peu de temps avant, cet homme était en Extrême-Orient où il faisait partie d'une secte idolâtre et aux mœurs déviantes. A présent, il s'était affranchi d'eux et cherchait à se repentir. Personnellement, je ne voulais pas le voir car pourquoi devrais-je rentrer en contact avec une telle  impureté? En dépit de mon opposition à le rencontrer, il a été amené chez moi et je n'avais d'autre choix que de parler avec lui. Pendant les deux semaines qui ont suivi cette rencontre, je n'ai pas pu me concentrer dans la Amida, et il est évident pour moi que cela est dû à la impureté que cet homme m'a fait passer sans le vouloir.

Voilà pourquoi il faut savoir s'éloigner des endroits où il y a de l’impureté car le Roua'h Hatouma peut se coller à l'homme quand il s'en approche même s'il n'en a pas l'intention. Etant jeune, je me rappelle que les sages de la Yéchiva nous avertissaient de ne pas passer devant le théâtre de l'époque qui était à la rue Yéchayahou appelé Edison. Ils disaient que quand on passe là-bas, il convient de passer de l'autre côté de la route pour ne pas tirer profit même de l'ombre d'un bâtiment qui est complètement habité par le Roua'h Hatouma.

Quoi qu'il en soit, même si ces conseils sont vrais, il faut tout d'abord s'interroger avec simplicité sur la question de savoir comment une telle chose arrive, que l'on se tienne devant le Roi des rois et que nos pensées virevoltent dans tous les sens sauf pour les mots de la Téfila. N'est-ce pas anormal ? !

La réponse est simple : Si quelqu'un se trouve devant un ami et qu'il lui parle, même s'il lui exprime un discours déjà préparé dont il connaît les paroles par cœur, néanmoins, étant donné que son ami se tient devant lui et qu'il l'écoute, celui qui parle est obligé de se concentrer sur qu'il dit puisqu'il sait qu'il y a quelqu'un qui prête oreille à tout ce qu'il dit, surtout s'il sait que l'auditeur se rend compte si les mots qu'ils prononcent sont dits de manière juste ou pas.

Par contre, quand il s'agit d'Hachem, les choses se compliquent, car physiquement, nous ne voyons pas "quelqu'un" qui nous écoute et pèse chacun des mots qui sort de notre bouche. Ceci donne l'impression que l'on parle dans le vide et naît avec cela un manque d'obligation à penser et à se concentrer sur les mots que l'on prononce. Même si chacun sait au niveau intellectuelle qu'Hachem écoute nos prières, néanmoins, du fait que physiquement nous ne le voyons pas , on a tendance à se relâcher et laisser notre esprit vagabonder, sans se concentrer sur les mots que nous prononçons.

Après avoir expliqué que la source première du problème est l'absence de sensation de se trouver devant le Roi, et par conséquent, le manque du sens de gravité des obligations que cela incombe, il y a en même temps une solution à ce problème : Que ce soit avant la Téfila ou pendant la Téfila, on doit renforcer fortement la prise de conscience qu'il y a "quelqu'un" qui est proche, entend et écoute tout ce que l'on dit d'une écoute extraordinaire, et automatiquement cela nous obligera à mieux penser aux mots que l'on sort de notre bouche.

On doit pour y arriver, s'imaginer d'être en train de chuchoter aux oreilles de "quelqu'un" qui est le Roi des rois des rois, Hachem. Loin de nous l'idée de s'imaginer qu'il y a une oreille matérielle qui nous écoute, mais la relation doit être comme s'il y avait une oreille proche de notre bouche qui entend chaque mot.

Si on réfléchit de la sorte en priant, il est clair qu'on se concentrera sur ce que l'on dit. Même si parfois notre concentration s'envole pour autre chose, il faut quoi qu'il en soit, y revenir et continuer à dire les mots de la Téfila avec concentration.

Ce que nous avons dit est clairement écrit dans le Messilat Yécharim (chap. 19) :"Voici qu'il y a trois choses que l'homme doit regarder et sur lesquelles il doit bien méditer pour arriver à cette crainte (d'Hachem). La première est qu'il se trouve vraiment devant Le Créateur, que Son nom soit béni, et qu'il dialogue avec Lui, même si l'œil de l'homme ne Le voit pas. Tu te rendras compte que c'est cette chose qui est la plus difficile à concevoir intérieurement, puisque les sens n'aident pas du tout à cela. Toutefois, celui qui pousse la réflexion, en y associant méditation et attention, pourra fixer dans son cœur cette réalité, à savoir, comment il parle directement avec Hachem, que c'est devant Lui qu'il supplie et demande, et Hachem, que son nom soit béni, lui tend l'oreille et l'écoute tel un homme qui parle à son prochain et que ce dernier l'écoute".

Le Messilat Yecharim avait donc déjà fait état de ce problème comme altérant la Kavana. Mais il y a aussi la solution, à savoir, que l'on médite sur le fait que nous soyons devant quelqu'un qui nous écoute, comme nous avons expliqué.

Il faut savoir que tout cela n'est pas une potion magique que l'on l'applique et aussitôt on arrive à se concentrer dans la Téfila. Plutôt, c'est un travail laborieux et de longue haleine jusqu'à ce que l'on arrive au résultat escompté. Ce conseil sera très utile pour celui qui aspire à se renforcer dans ce domaine.

Si l'on y réfléchit bien, beaucoup de lois concernant la Téfila sont des bases de ce principe, telle que la loi selon laquelle il faut se tenir debout avec les deux mains sur le cœur (Choul'han Aroukh 95:3), car la réalité est que pendant la Téfila nous nous trouvons devant le Roi. De même, cette façon de se tenir nous rappelle qu'à chaque instant nous nous trouvons devant Lui. Ainsi, de manière automatique, notre Téfila devient plus réfléchie et accompagnée de plus de concentration.

De même, il convient de rajouter l'avis bien connu du Rama Mipano (Rabbi Ména'hem Azaria de Pano), que lors de la Amida, il ne convient pas de se mouvoir, puisqu'il ne convient pas de prier devant Lui tout en bougeant ; plutôt, il faut se tenir avec soumission devant Lui, sans bouger. En vérité, c'est cela que j'ai vu chez tous les sages de la Yéchiva de Porat Yossef : Ils priaient tous de cette manière. Ils craignaient d'aller à l'encontre de l'avis du Rama Mipano. Le pilier de la Halakha, 'Hakham Ben Tsion avait cette habitude, qui m'a d'ailleurs dit une fois, que le 'Hazon Ich aussi était pointilleux d'accomplir l'avis du Rama Mipano et qu'il priait sans se mouvoir.

Même si toutes ces lois mentionnées viennent ordonner la forme de la Téfila, sur la manière dont on doit se tenir devant le Roi, toutefois, elles renferment également une grande source d'aide pour la concentration dans la Téfila, en particulier au travers de cette loi du Rama Mipano. L'explication est que, si cette même personne qui s'agite dans la Téfila se trouvait vraiment devant Hachem, elle n'oserait pas agir de la sorte. Elle se tiendrait debout pétrifiée et inspecterait minutieusement les mots qui sortiraient de sa bouche avant de les prononcer. Le mouvement dans la Téfila provient en vérité de la sensation que nous parlons au ciel, et là-haut, Hachem écoute nos prières. Cela offre un sentiment plus léger et automatiquement une possibilité de mouvement. Mais si on fait attention à ne pas bouger, cela influencera notre conscience et notre sensation qu'Hachem se trouve avec nous, devant nous (non pas quelque part là-haut dans le ciel), qu'on lui parle en chuchotant comme un homme envers son prochain, et dès lors, on sera obligé de limiter nos pensées et de nous concentrer sur ce que l'on dit.

Il est vrai que par rapport à la loi stricte, certains avis (Michna Broura 95, 7) ont permis de se mouvoir pendant la Téfila et ont amené un appui à leur opinion à partir de ce qui est écrit :

 (תהלים לה) "כל עצמותי תאמרנה ה"

"Tous mes membres diront Hachem."

Nous ne venons absolument pas trancher mais juste rappeler une bonne coutume qui peut aider de manière générale à la concentration dans la Téfila. Mais il est vrai que ces choses peuvent différer en fonction des personnes. Ainsi, chacun agira comme il lui sera profitable, ainsi que le Michna Broura. (48, 5) conclut. Ceci est proche de ce qu'il écrit (93, 2) par rapport à la Téfila dans un livre de prière, que tout dépend de la manière dont l'homme ressent les choses.

Pour cette raison, certains ont permis aussi de dire les mots de la Amida en élevant un peu la voix car cela aide à la concentration. La raison pour laquelle cela aide à la concentration n'est pas juste parce que l'on entend les mots mais aussi parce que cela aide à se faire à l'idée qu'il y a quelqu'un qui se tient à côté et qui nous écoute, chose qui est plus difficile quand on prie en chuchotant à voix basse. En effet, prier à voix basse peut facilement engendrer le sentiment de parler à "quelqu'un" au ciel, ce qui mène à ne pas se concentrer comme nous l'avons expliqué.

Si je me rappelle bien, c'est la coutume que j'ai vue chez 'Hakham Ben Tsion qui levait légèrement la voix pendant la Amida afin qu'il puisse entendre ce qu'il disait. J'ai vu cette même coutume chez d'autres grands de la Torah et c'est donc un autre conseil pour se concentrer dans la Téfila.

Une fois, alors que je parlais de ces choses-là, l'un des auditeurs m'a amené un bel exemple pour illustrer ce manque de sensation de se trouver devant Le roi. Cet exemple provient d'une loi amenée par les décisionnaires et citée dans le Michna Broura (96, 7), à savoir, si on prie la Amida et qu'un livre saint tombe par terre, si à cause de cela on ne peut pas se concentrer sur la Téfila, il sera alors permis de le ramasser avant de reprendre sa Téfila. Autrement, on ne s'arrêtera pas. Cette autorisation de le ramasser ne s'applique que lorsqu'on a terminé une bénédiction mais pas au milieu d'une bénédiction. Il y a des gens qui se trompent et qui pensent qu'au contraire, il faut et il convient d'être dans cet état d'esprit de ne pas pouvoir continuer à se concentrer quand le livre saint est par terre. En effet, comment peut-on prier alors qu'un livre saint se trouve jeté par terre ? !

Mais en réalité cela est faux car selon la loi stricte, il est interdit d'arrêter la Téfila pour soulever le livre ; ce n'est que si on n'arrive pas à rester concentré, que les décisionnaires ont permis de le soulever. C'est uniquement dans ce cas de figure que la loi a été édicté, car autrement, les décisionnaires auraient dû indiquer qu'on est obligé de ramasser le livre en raison du déshonneur.

En vérité, ceux qui se trompent et pensent qu'il convient que ce livre laissé par terre les dérange, leur erreur provient du manque de cette même sensation et du sens qu'implique être devant le Roi. Ce qui est juste de penser est que c'est un beaucoup plus grand déshonneur de s'arrêter pendant que l'on se tient devant le Roi pour ramasser le livre car on interrompt le fait de se tenir devant le Roi du monde. Ainsi, il a été permis de ramasser le livre si on ne peut pas se concentrer à cause de cela car de toute façon nous sommes incapables de prier tant que le livre est à terre. Mais en réalité, c'est un bien plus grand déshonneur envers Hachem d'arrêter la Téfila pour ramasser le livre que si on avait poursuivi notre Téfila sans faire d'arrêt.

Remerciements à Yaacov Abergel

[1]Note du traducteur: je ne connais pas de traduction précise et fidèle au mot 'Avoda'. Quand on parle de "Avodat Hachem" on traduit normalement "service Divin" ou "culte de Dieu". Le mot 'Avoda' veut dire 'service'. Les sujets d'un roi sont ses serviteurs. Ce sont eux qui font ce qu'il y a à faire dans le royaume ou qui seront obligés de le faire si le roi leur demande (c'est pour cela qu'ils sont appelés serviteurs même si à l'instant présent ils ne font aucune tâche). Servir Hachem c'est faire les tâches qu'il faut faire dans son royaume. A partir de là, la Guémara pose la question : Quelle est cette tâche que l'on fait avec le cœur ? A priori, une tâche est le produit d'un travail manuel (même si on y met du cœur) ? La Guémara répond : C'est la Téfila.

Quant au 'Beit' de "Avoda Chébalèv", il me semble qu'il doit être traduit par 'avec' c'est-à-dire la tâche (ou le travail) que l'on fait avec le cœur (et pas 'dans' le cœur) comme à propos de "avec mon glaive et avec mon arc" dans' le verset : Acher Laka'hti Miyad Haémori 'harbi Oukachti.

On m'a fait remarquer que cette description est différente de ce à quoi nous sommes habitués, à savoir, que par 'Avoda' on entend 'travail sur soi'. En vérité, chaque serviteur est affecté à son service. Il y a le ministre des armées, le trésorier, les serviteurs plus simples comme celui qui habille le roi et même le jardinier qui s'occupe des jardins du roi dans une des villes du royaume où le roi n'a jamais personnellement mis les pieds, etc… Les tâches que nous devons faire ne sont pas toutes d'ordre à bâtir le monde extérieur ou à assurer son fonctionnement comme construire un Beth Hamidrach ou à effacer le souvenir d'Amalek en les tuant tous. Certaines tâches consistent aussi (et surtout) à construire l'âme (Néfech) de l'homme, afin que l'on soit apte à recevoir le dévoilement d'Hachem et apte à connaître Hachem (לדעת את השם) (voir les huit chapitres du Rambam, fin du premier chapitre concernant les Proverbes 19:2). Le cœur de l'homme est un des jardins où Le Roi des rois souhaite se promener plus qu'ailleurs, cultiver Son jardin et le nettoyer de toute souillure. Il est donc essentiel pour le serviteur d'accomplir ce que Hachem veut de lui. 

[2]Voir ce qui est écrit dans Béréchit Rabba (53:14) au nom de Rabbi Binyamin, selon lequel, il semble que le puits existait déjà avant. Mais on peut répondre qu'il n'était pas présent dans l'existence de Hagar et de Ichmaël même s'il existait dans l'absolu.

[3]À une autre occasion, mon père m'a raconté qu'il avait entendu de Rabbi Yéhouda Tsadka que la raison pour laquelle les autorités s'étaient ravisées, était parce qu'ils avaient fait descendre la lame sur sa tête mais que par erreur, elle avait été posée à l'envers, et ne pouvait pas ainsi trancher la tête. Une autre version dit que la lame était rouillée. Suite cela, les autorités ont abandonné le projet de le mettre à mort.

[4] Rabbi El'hanan ajoute : A différentes reprises, lorsque 'Hakham Réouven voulait nous donner la valeur du Limoud Lichma, il nous racontait comment il agissait à la Yéchiva quand il étudiait avec son compagnon d'étude. Lorsqu'ils débattaient — comme c'est l'habitude quand on étudie la Torah — chacun amenait des arguments pour justifier son avis. Le lendemain, son compagnon d'étude disait : "Il m'est venu à l'idée une autre manière de comprendre la Souguia", mais quand il l'expliquait, c'était mot à mot ce qu'il ('Hakham Réouven) lui avait dit la veille ainsi que les mêmes arguments. Mais, pour ne pas l'humilier, il ne lui disait pas que c'était exactement ce qu'il lui avait dit la veille, de façon à ce qu'il puisse penser que c'était lui qui était à l'origine de la compréhension des choses. En effet, pour lui, le but était d'arriver à la vérité de la Torah. Dès lors, pourquoi argumenter inutilement maintenant que la vérité est claire pour tout le monde.