L’homme fut créé à Roch Hachana. Et c’est à Roch Hachana qu’il peut renaître. Nous avons la capacité en ce jour d’atteindre quasiment le même niveau que celui d’Adam Harichon avant la faute ! Et c’est alors que nous pouvons procéder à de réelles transformations de notre personnalité. Rav Yossef-‘Haï Abergel nous en dévoile les clés.
Il est une coutume dans certaines communautés de réciter, durant tout le mois d’Eloul, le chapitre 27 des Psaumes : "Mizmor Lédavid Hachem Ori Véyich’i…" Nos Sages expliquent que le terme "Ori" (ma lumière) du premier verset fait référence à Roch Hachana, tandis que le terme "Yich’i (ma délivrance) qui suit fait allusion à Yom Kippour.
Si on comprend que le jour de Yom Kippour représente une délivrance puisqu’il vient purifier l’individu de toutes ses fautes, en revanche, on comprend mal pourquoi Roch Hachana est appelé une "lumière"…
Faire la lumière sur nos actes
La Guémara (Brakhot, 28b) raconte que les disciples de Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï vinrent lui rendre visite à la fin de sa vie. En les apercevant, le Maître se mit à pleurer. À ses disciples qui l’interrogèrent, Rabbi Yo’hanan répondit : "Si j’allais à la rencontre d’un roi fait de chair et de sang pour qu’il me juge, je serais inquiet ; mais à présent que je m’apprête à me présenter devant le Roi des rois, pour Qui rien n’est caché, qu’adviendra-t-il de moi ?"
Imaginez que vous entriez dans une immense caverne très sombre. En tâtant tout autour de vous, vous sentez que la caverne est remplie de petits objets, mais vous en ignorez la nature. Plongé dans la pénombre, vous en faites tomber quelques-uns au passage… Soudain, la lumière s’allume. Vous réalisez alors que vous êtes en présence d’objets de très grande valeur, en or et en argent, de bijoux sertis de pierres précieuses.
Il en est de même de nos actions sur terre. Le monde dans lequel nous vivons est appelé ‘Olam en hébreu, qui provient de la même racine que ‘Elèm, qui signifie "caché, dissimulé". La valeur spirituelle de nos actes nous est cachée. Nous ignorons l’impact de notre Téfila, de notre étude ou de nos actes de ‘Hessed. Et la gravité de la faute nous est inconnue ! Si nous avions conscience de la valeur réelle de nos actes, nous envisagerions la vie d’un tout autre œil. C’est la signification de la phrase prononcée par Rabbi Yo’hanan : au ciel, on fera la lumière sur tous ces éléments que nous ignorons de notre vivant, et c’est aussi ce qui se passe à Roch Hachana, que le psaume appelle "lumière"…
Parfois, certains se demandent quelle importance peut-il bien y avoir à des actes aussi insignifiants que ceux d’allumer la lumière ou d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur pendant Chabbath. La réponse est que l’homme ignore en fait tout des conséquences de ses actes. Une personne appuie seulement sur la gâchette d’une arme et par ce geste, ôte la vie d’une autre. Une autre personne actionne une manette et largue une bombe atomique qui tue des millions d’individus. Nous voyons donc bien que ce n’est pas tant l’effort que nous mettons en place qui importe, mais bien la conséquence qui va découler de notre geste. Notre Néchama est liée aux mondes supérieurs, desquels nous ne savons rien, ou très peu. Et même une action insignifiante à nos yeux peut déclencher des cataclysmes au ciel.
L’héritier qui s’ignorait
Dans son Maguid Mécharim, Rabbi Yossef Karo rapporte plusieurs enseignements originaux sur la Torah, qui lui furent dévoilés par un certain Maguid (que l’on pourrait traduire par "précepteur céleste"). Rabbi Yossef Karo relate qu’un soir, le Maguid lui annonça qu’il allait lui dévoiler quelle était la source spirituelle de l’âme de son épouse. En effet, ajouta le Maguid, bien que Rabbi Yossef avait pour habitude de témoigner à son épouse toutes les marques de respect qui lui étaient dues, cependant il convenait à présent qu’il prenne conscience de la véritable valeur de celle-ci, tant son âme était élevée. Ainsi, expliqua le Maguid, il réaliserait à quel point il devait être méticuleux dans ses rapports avec elle.
Or, il faut savoir qu’après 120 ans, on ne nous dévoilera pas seulement la valeur des autres âmes, mais également celle de la nôtre ! Et nous découvrirons peut-être que nous étions animés de qualités exceptionnelles et de capacités hors du commun que nous n’avons hélas pas exploitées comme il se devait !
À ce sujet, le Rav Chakh (grand dirigeant spirituel du monde orthodoxe décédé en 2001) racontait la parabole suivante : imaginez un homme très âgé, alité, esseulé, au chapitre de la mort. On frappe à sa porte. Le vieillard se lève tant bien que mal pour ouvrir. Devant lui se tient un messager porteur d’une lettre qui s’exclame : "Enfin ! Cela fait 50 ans qu’on vous cherche ! Un de vos proches décédé vous a légué toute sa fortune, plus d’un million d’euros."
Notre homme est désemparé : dire qu’il a vécu sa vie dans la plus grande pauvreté, esseulé, alors qu’un trésor inestimable lui appartenait !
Il en est de même pour l’homme. Celui-ci peut passer son existence dans l’ignorance totale des trésors spirituels à sa disposition. Il peut posséder de grandes qualités morales, des capacités intellectuelles exceptionnelles, il aurait pu accomplir de grandes choses. Mais il en ignore tout. Ce n’est qu’après avoir quitté ce monde, une fois qu’il est impuissant, qu’il réalise ce qu’il a manqué.
À l’approche de Roch Hachana et Yom Kippour, cette idée s’avère plus vraie encore. En effet, ce jour qui est associé à la lumière nous dévoile le poids de nos pensées, de nos paroles et de nos actes.
Le moment pour retrouver les vraies valeurs
Il y a quelques dizaines d’années, dans une petite ville, les Juifs avaient l’habitude à l’approche de la fête de Souccot d’acheter des branches de myrte que les non-juifs vendaient au marché, pour recouvrir leur Soucca. Une année, ces derniers se mirent d’accord pour augmenter de concert les prix des branches, conscients de l’importance qu’elles revêtaient pour les Juifs.
Les Juifs, au vu des prix exorbitants pratiqués sur le marché, se consultèrent et décidèrent de s’approvisionner d’une autre sorte de branches pour la fête. Mais avant cela, ils souhaitèrent tout de même demander l’avis du Rav de leur ville, un homme d’une grande piété. Après avoir écouté leurs doléances, le Rav répondit :
"Vous avez tout à fait raison, les prix sont bien trop élevés. Pourtant, quelque chose me taraude. Je ne parviens pas à comprendre où vous trouvez la disponibilité d’esprit pour vous occuper de ce genre de choses… Croyez-moi, même dans les conditions matérielles précaires qui sont les miennes, s’il m’arrivait de trouver dans la rue une bourse pleine d’argent, il ne me viendrait même pas à l’esprit de la ramasser, tant je suis absorbé par l’atmosphère des Jours redoutables !"
Évidemment si pour votre part, vous trouvez une bourse d’argent entre Yom Kippour et Souccot, ramassez-la, il n’y a pas de problème. Mais cette histoire nous enseigne tout de même l’importance cruciale de ces jours. Sachons les exploiter comme il se doit !