Quand une personne nous est chère, et qu’elle n’est pas avec nous, son absence est plus significative qu’une présence. La raison en est simple : c’est par son absence que l’on songe à sa personnalité, que l’on s’interroge sur les causes de son absence. A la limite, pourrait-on dire qu’elle est encore plus importante pour nous quand on ne l’a pas à côté de nous. Ainsi devons-nous ressentir la présence d’Hachem dans l’Histoire en général et dans notre existence personnelle. C’est la seule réponse satisfaisante à l’absurdité de la condition humaine, et aux difficultés presque insurmontables de notre époque. C’est la leçon qu’il nous faut tirer de l’histoire d’Esther, qui est à l’origine de la fête de Pourim. Dans toute la Méguila, le Nom de l’Eternel n’apparaît pas du tout. L’histoire peut se lire, se comprendre, comme une suite de hasards, qui n’ont aucun lien entre eux, et c’est de cette façon que l’action de l’Eternel, non mentionnée, justifie et explique les circonstances apparemment indépendantes les unes des autres. L’absence renforce la prise de conscience d’une Volonté, d’une Présence qui ne cesse d’agir.
Au-delà de ces explications, c’est notre époque qu’il faut comprendre ainsi. Au-delà de l’athéisme, ou de la référence à une force immanente impersonnelle, reconnaissons l’action de la Providence, et cela dans trois domaines différents, mais complémentaires. Le 19ème siècle, à la suite des philosophies des Lumières, a exprimé la disparition de toute valeur suprême. Dans un second niveau, les découvertes scientifiques tentent d’expliquer l’origine de l’univers. Un troisième domaine, le déchirement de la personnalité humaine, de l’être existant, du Moi, accentue le sentiment d’absence évoqué précédemment. Analysons ces divers domaines pour ressentir que seule une Présence – non visible – explique les désarrois contemporains.
Le premier domaine se situe dans le domaine métaphysique : la perte de religiosité dans l’univers est assurément une dimension regrettable, car on a remplacé le Créateur de toutes choses par la créature. Détaché d’une transcendance qui le dépasse, resté dans le domaine de l’immanence, sans relation avec une idéologie qui l’aide dans l’absurde, le contemporain se perd dans l’obscurité, dans l’absurde. Si, à un deuxième degré, il cherche dans le domaine de la quête des sources de l’univers, il risque de se sentir éloigné de l’aventure des hommes. L’Histoire de l’Humanité risque de lui apparaître énigmatique et le voilà échoué dans un troisième piège : le danger est grand d’être pris dans une sorte de schizophrénie qui démonte l’unité du Moi, assoiffé de sens, sans pouvoir apporter de réponse.
Il y a Quelqu’un d’absent qui manque, et qui apporte une réponse dans ces trois domaines : la נשמה – Néchama – qui lie l’individu à une réalité autre ; le רוח – Roua’h – donne un sens à l’aventure humaine, et enfin le נפש – Néfech – doit rester un, et ne pas se décomposer, pour retrouver le Créateur.
Ainsi, la présence réelle et concrète du Tout-Puissant nous permet de nous élever vers le Ciel. De même que l’histoire d’Esther ne peut être comprise que par un refus de croire au hasard, de même notre époque sortira du chaos dans lequel elle se trouve quand elle prendra conscience qu’une Providence protège l’humanité au-delà de tous les obstacles que l’homme se crée. Reconnaissons une main dans l’Histoire et, alors, l’humanité découvrira la Présence de l’Eternel.