Nos Sages nous disent que lors de la Révélation du Sinaï, les enfants d’Israël ont reçu volontiers la Torah écrite, mais la Torah orale, elle, leur fut imposée, et ce n’est qu’à Pourim que la Torah orale a été acceptée par le peuple. Pourquoi seulement à Pourim ? Car Pourim est la Révélation de D.ieu, sans qu’Il se soit manifesté clairement. De ce fait, la Torah intérieure – orale – qui n’est pas immédiatement lisible, correspond à une fête, Pourim, qui traduit une intervention – pas immédiatement apparente – du Tout-Puissant. Pas de miracle surnaturel – comme à Hanouka où l’huile prévue pour une journée a duré huit jours – pas d’évènement inattendu, sauf au moment où Haman reçoit l’ordre d’honorer Mordékhaï dans toute la ville. C’est ainsi que les faits cachés jusque-là se révèlent, comme le lui font présager sa femme et les sages de sa maison : « S’il est de la race des Juifs ce Mordékhaï devant qui tu as commencé à tomber, tu ne pourras l’emporter sur lui » (Esther 6.13). L’intervention divine apparaît derrière les lignes, car l’on « sent » qu’un début vient de se dérouler. Mordékhaï l’avait dit aussi par allusion à Esther : « Qui sait si ce n’est pas pour cette circonstance que tu es devenue reine ? » (Esther 4.14). Allusion toujours, mais il convient d’approfondir les allusions.
L’Histoire connaît toutes sortes d’allusions, qui ne sont pas toujours claires. Hitler avait chassé d’Allemagne les savants juifs qui ont plus tard préparé la bombe atomique, qui a permis aux Américains de finir la Seconde Guerre Mondiale. Imaginons que cette bombe eût été entre les mains d’Hitler. Les dessous de l’Histoire, ou plutôt les desseins de la Providence, ne sont pas toujours dévoilés. Le rôle de la créature est de découvrir ce qui n’est pas immédiatement révélé. C’est la réponse apportée par l’Eternel à Moché Rabbénou qui demande à D.ieu de comprendre Ses voies : « Tu ne saurais voir Ma face, car nul homme ne peut Me voir et vivre… Tu Me verras par derrière, mais Ma face ne peut être vue » (L’Exode 33.20-23).
La Révélation de Pourim se situe à ce niveau : Le découvrir, quand Il est caché. Nos Sages expliquent ainsi le terme : « Méguilat Esther » – מגלה את הנסתר – Mégalé Ete Hanistar – Révéler le Secret ». L’Histoire de l’humanité doit s’appréhender ainsi : peut-on comprendre, aujourd’hui, les événements qui se déroulent à nos yeux ou se sont déroulés dans le passé : la guerre de 1914 – qui a opposé deux puissances européennes – a eu des conséquences essentielles pour l’Histoire du peuple juif, alors que les Juifs se trouvaient dans des armées opposées (chez les Français, et chez les Allemands), et le peuple juif n’était nullement impliqué dans ce conflit. Les conséquences en furent la Déclaration Balfour (à l’origine de la création de l’Etat d’Israël), la frustration de l’Allemagne (à l’origine du nazisme et de la Shoah) et la Révolution bolchévique (à l’origine de la déjudaïsation des communautés juives de Russie). « Par derrière » – par les conséquences peut se révéler la Providence.
Telle est la leçon de Pourim, fête dont les Sages nous disent qu’elle subsistera à l’avenir lors de la Révélation ultime même si les autres fêtes devaient être supprimées, en se basant sur l’un des versets finaux de la Méguila : « Le souvenir des jours de Pourim ne s’effacera jamais du milieu de leurs descendants » (Esther 9.28). Il ne faut jamais oublier une Révélation qui n’est jamais immédiatement perçue, mais dont les conséquences apparaissent plus tard. Leçon absolue de génération en génération jusqu’à la Révélation finale, lors de la Guéoula.