Le Gaon Rav Chimchon Pinkous était connu pour son amour ardent pour la Torah. La flamme qui caractérisait ses discours, dans lesquels il éveillait les Juifs à la Torah et au service Divin, se transformait en lave brûlante lorsqu’il accomplissait les Mitsvot. Toute Mitsva, entre l’homme et son prochain, ou entre l’homme et D.ieu, prenait un sens extraordinaire chez lui ; il s’y consacrait de toutes ses forces et ne délaissait aucun effort au monde pour l’accomplir parfaitement.
Rabbi Chimchon consacra une partie importante de sa vie à la prière, définie par nos Sages (Brakhot 6b) comme « une chose au sommet du monde et méprisée par les hommes ». En conséquence, il n’est pas étonnant qu’une grande partie de ses discours ait été consacrée à renforcer ce domaine-là, et il a même rédigé un livret (Ché’arim Batéfila) à ce sujet.
Les veilles de Pessa’h, on reconnaissait particulièrement son niveau : les préparatifs de la fête étaient effectués avec un recueillement et un sérieux sans pareil, sans omettre un détail.
Quel symbolisme que même sa mort tragique a eu lieu la veille de la Bdikat ‘Hamets, au retour d’un voyage de ‘Hizouk dans des institutions de Torah, joint comme à son habitude à des actes de ‘Hessed et de préparatifs de la fête de Pessa’h.
Son secret
Pendant des années, nombreux furent ceux à vouloir tenter de percer son secret ; comment avait-il réussi à se hisser à des hauteurs aussi élevées et où son ascension spirituelle avait-elle commencé ? Mais lui, dans sa grande modestie, ne désirait pas en parler, jusqu’à ce moment favorable où il décida de se confier à ses proches, et c’est en ces termes qu’il s’exprima :
« Lorsque j’étais élève à la Yéchiva de Brisk, j’habitais dans un appartement que je partageais avec des amis. Comme mes parents habitaient à l’étranger, je ne rentrai pas chez moi pour la fête de Pessa’h, et le soir de la Bdikat ‘Hamets, je restai seul dans l’appartement : il m’incombait de réaliser la Mitsva de Bdikat ‘Hamets dans tout l’appartement.
L’appartement était grand et assez négligé, de sorte que le processus de la vérification se prolongea jusque tard dans la nuit. Pendant plusieurs heures, je pris la peine de vérifier pièce après pièce, une opération qui exigea de gros efforts pour évacuer des objets qui me dérangeaient, et d’autres facteurs me retardèrent également. Il était au moins minuit lorsque je finis cette recherche. Je m’effondrai sur une chaise, épuisé, exténué, mais empli d’un sentiment de satisfaction.
Mais soudain, une pensée me perturba ; je me souvins du grenier, commun à tous les résidents de l’immeuble. Tous les résidents étaient contraints d’y procéder à une vérification, mais je savais que, si je ne m’en chargeais pas, personne ne le ferait.
Une guerre interne se livra en moi : d’un côté, j’étais totalement exténué, et je savais que j’avais largement rempli mon devoir Hilkhatique, bien au-delà de ce qui était exigé de moi, mais d’un autre côté, je savais que ces pensées provenaient de la fatigue physique, et que d’après la stricte loi, il me fallait vérifier le grenier.
Après plusieurs minutes d’hésitation, je pris la décision : je ne me plierai pas ! Je décidai d’accomplir la Mitsva de manière parfaite, avec Méssirout Néfech, en m’y consacrant de toute mon âme, et, immédiatement, je montai avec mes dernières forces au grenier. Lorsque j’ouvris la porte branlante et que j’allumai la lumière, je fus stupéfait de la vision qui s’offrait à moi : on pouvait voir que ce grenier n’avait pas été nettoyé depuis de longues années. Le sol était recouvert d’une couche épaisse de poussière, et dans chaque coin des objets étaient entassés pêle-mêle.
« Chacun devra nettoyer les pièces où il vit avant la Bédika », - je me souvins de cette Halakha explicite du Choul’han Aroukh, mais la fatigue qui avait touché tous mes membres me fit presque renoncer.
Je me souvins alors que j’avais pris la décision d’accomplir la Mitsva avec Méssirout Néfech, peu importe ce qu’il adviendrait ! Ainsi, comme si je ne venais pas de me consacrer à une tâche exténuante pendant plusieurs heures, je rassemblai mes dernières forces et remplis un seau d’eau pour commencer mon travail.
Un étranger qui serait passé devant le grenier à cette heure-là aurait été stupéfait de voir cette scène étrange : un élève de Yéchiva américain, trempé dans la boue et l’argile, s’occupe de nettoyer un lieu qui n’avait presque pas été foulé par l’homme, et tout ceci après minuit d’une veille de Pessa’h…
Lorsque l’aube commença à pointer, j’avais enfin fini de vérifier l’absence de ‘Hamets, mon corps tremblant de l’effet énorme fourni et de l’intense fatigue, le jour se leva. Le matin après la Téfila, j’espérais me reposer un peu, mais les Mitsvot du jour, comme la Sréfat ‘Hamets (brûler les restes de ‘Hamets) etc. me conduisirent à renoncer à prendre du repos, en dépit de la fatigue immense que je ressentais.
Avant la prière du soir du Séder, je réfléchis, abattu : « Quel Séder vais-je passer puisque la fatigue m’a vaincu ? Sans parler des quatre coupes de vin qu’il me faut boire… ». Je m’apprêtai à prier avec des sentiments mêlés, mais, dès que je commençai à prier, j’oubliai tout ; une sorte d’esprit de sainteté m’enveloppa, et un sentiment doux que je n’avais jamais ressenti emplit tous mes sens.
Ce sentiment d’élévation particulière m’enveloppa également au début du Séder, et, prodigieusement, je ne ressentis absolument aucune fatigue. J’étais prêt à ne pas perdre un instant de cette nuit de sainteté. Je lis la Haggada avec exaltation, j’exultai de joie en prononçant les mots de la Haggada qui avaient pris une saveur si intense et si nouvelle !
J’accomplis les autres Mitsvot de cette soirée, comme la consommation de la Matsa et du Maror, et les quatre coupes de vin avec une élévation spirituelle inhabituelle. Invaincu par la fatigue, je ressentis de tout mon être que j’étais prêt à me sacrifier pour l’accomplissement des Mitsvot.
Je devins quelqu’un d’autre ! Je ressentis une authentique proximité avec Hachem, et une grande lumière m’enveloppa pendant tout le Séder, après l’heure de ‘Hatsot (minuit juif). Étonnamment, même après la fin du Séder, je n’arrivai pas à aller me coucher, je restai éveillé toute la nuit et je me consacrai au récit de la sortie d’Égypte jusqu’au matin.
Je fus étonné de constater que cet état d’élévation spirituelle ressenti pendant la soirée du Séder m’accompagna également le lendemain, jour de fête, et ne me quitta pas pendant les jours de ‘Hol Hamo’èd. J’exploitai ces jours pour me consacrer assidument à la Torah et à la prière. On peut dire que, cette fête de Pessa’h, je ne me suis consacré à rien d’autre qu’à me rapprocher de D.ieu.
Cette année-là, le septième jour de Pessa’h tombait la veille de Chabbath, et au moment de la prière de Min’ha du septième jour de Pessa’h, j’eus les larmes aux yeux. Je redoutais beaucoup que cet esprit de sainteté me quitte avec la fin de Pessa’h et le passage au Chabbath. Je me renforçai à l’idée que le jour du Chabbath est plus saint que le jour de fête qui l’a précédé, et décidai de tenter de poursuivre sur cette voie d’élévation spirituelle, en espérant continuer à bénéficier d’une aide Divine dans ce domaine.
Ce même Chabbath, je ressentis le goût sublime du saint Chabbath, et, pour la première fois, je perçus l’essence de la Kédoucha (sainteté).
Et depuis, je ne fais que m’élever…, si je possède quelque chose aujourd’hui, cela provient du pouvoir d’une Mitsva de nos Sages, la Mitsva de Bdikat ‘Hamets, que j’ai tenu à accomplir avec beaucoup de dévouement ! »