Un instant avant d’entrer en Erets Israël, Moché rassemble tout le peuple, composé des descendants de la même génération qui n’avaient pas eu le privilège d’entrer en Erets Israël, la génération des explorateurs. Il les réprimande sur leurs actions et sur celles de leurs ancêtres. Juste avant que chacun d’eux n’aille s’installer sous sa vigne et son figuier, Moché Rabbénou ressent la nécessité d’adresser des propos de morale à ceux qu’il a conduits pendant 40 ans jusque-là dans le désert.
Au départ, Moché Rabbénou choisit de réprimander le peuple juif par allusion, comme l’atteste le premier verset : « Ce sont là les paroles que Moché adressa à tout Israël en deçà du Jourdain, dans le désert, dans la plaine en face de Souf, entre Pharan et Tofel, Labân, Hacéroth et Di-Zahab. » (Dévarim 1, 1). Rachi nous l’explique : étant donné que ce qui va suivre est constitué de remontrances et que le texte énumère ici tous les lieux où ils ont irrité Hachem, il les dissimule et ne les cite que par allusions, afin de ménager l’honneur d’Israël. Par la suite, Rachi développe les remontrances énumérées par allusion dans les propos de Moché : Dans le désert, lorsqu’ils ont dit : « Si seulement nous étions morts par la main de Hachem dans le pays d’Egypte… » (Chémot 16, 3) ; Dans la plaine, lorsqu’ils ont péché avec Ba‘al-Pe‘or, à Chitim, dans les plaines de Moav ; Face à Souf : en ce qu’ils se sont rebellés à la mer des Joncs (Souf), en disant : « Est-ce parce qu’il n’y a pas de sépultures en Egypte…? » (Chémot 14, 11) ; Entre Paran : dans le désert de Paran dans l’affaire des explorateurs. Et entre Tafel et Lavan : ils ont couvert (Taflou) [d’injures] la manne qui est « blanche » (Lavan) en disant : « … et notre âme est dégoûtée du pain misérable » (Bamidbar 21, 5) ; et ‘Hatséroth : Dans la querelle de Kora‘h ; Et Di-Zahav : Il les a réprimandés à cause du veau d’or. Moché Rabbénou a ménagé l’honneur d’Israël et même s’il avait la possibilité de les réprimander directement, et qu’ils auraient certainement accepté ses propos sachant qu’il est leur dirigeant et que c’est son rôle, il s’est néanmoins exprimé uniquement par allusion et non directement. Pourquoi ? Pour ne pas offenser les enfants d’Israël (Yalkout Chimoni, Ki Tétsé).
Moché Rabbénou, qui a porté le peuple depuis l’Egypte « comme le nourricier porte le nourrisson », (Bamidbar 11,12), comprend que même après quarante ans, il doit être prudent sur son langage, même si ce sont des événement survenus des dizaines d’années plus tôt, et que presque toute cette génération n’a pas été présente lors de la majorité des événements qu’il mentionne. Il y a une chance que l’un d’entre eux soit offensé ? Que l’un d’eux ait honte ? Alors, on s’abstient de parler !
Les 24 000 élèves de Rabbi Akiva ont péri pour avoir manqué de s’accorder un respect mutuel. Le second Beth Hamikdach, en dépit de la présence en son sein de Torah, du service divin et des actes de bonté, a été brûlé par le feu. En effet, il y avait à cette époque des fautes entre l’homme et son prochain, ce que nos Sages décrivent comme la Sinat ‘Hinam, la haine gratuite.
En quoi consiste cette haine gratuite ? Un homme prétendra que la haine qu’il éprouve pour son prochain n’est pas gratuite. Il se mettra à décrire toutes les actions négatives de ce dernier, et à quel point il a le droit de le détester. Comment le nommer « haine gratuite » si cette haine ne l’est absolument pas ? Nos Sages répondent que dès l’instant où ton prochain t’a causé du tort, tu as tout à fait le droit de réagir. Il faudra lui parler et lui expliquer les conséquences de ses actes. On peut le réprimander délicatement et de manière agréable, et si cette méthode s’avère inefficace, on pourra le traduire en justice pour ses actions, ou pour le préjudice subi. Mais il est totalement interdit de le détester ! En effet, cette haine est inutile, elle crée uniquement des discordes et un éloignement au sein du peuple juif. Quel est l’intérêt pour un homme de haïr son prochain ? Se sent-il réellement mieux ? C’est tout le contraire ! Tout conflit peut se résoudre par le renoncement et le compromis, à l’aide par exemple d’une tierce personne qui raccommode les deux autres, et tout revient dans l’ordre. Et donc cette haine est une haine gratuite et inutile ! Il est en effet interdit de prendre les relations au prochain à la légère. D.ieu est prêt à pardonner pour tout ce qui a trait à la relation avec Lui, et dès l’instant où tu pries à Yom Kippour pour te repentir et demander pardon, D.ieu te pardonne totalement, et tu seras plus vertueux qu’au départ. Mais s’il s’agit de fautes envers notre prochain, selon tous les avis, le jour de Kippour ne sera pas efficace si on ne s’est pas réconcilié avec lui !
D.ieu témoigne sur Moché Rabbénou : « De toute Ma maison, c’est le plus dévoué » (Bamidbar 12,7) il a mérité le titre de « Serviteur de Hachem » et à un instant d’inattention, en nommant un petit groupe dans le peuple juif : « Ecoutez, ô rebelles (des révoltés, des insensés - Rachi) (Bamidbar 20, 10), ses prières n’eurent plus aucun effet, et il fut décrété qu’il n’entrerait pas en terre d’Israël. Que pourrons-nous dire, nous, le peuple ? Ceci nous prouve à quel point nous devons exercer notre vigilance…
En cette période de deuil sur la destruction du Temple, nous devons nous interroger si nous jugeons chaque Juif favorablement. Sommes-nous capables de tenir une conversation sans proférer de médisance sur notre prochain ? Si nous ressentons le besoin de réprimander notre prochain, le faisons-nous de manière plaisante ?
Il est préférable de réfléchir avant chaque acte, et pour chacun de nos efforts en vue de l’amour gratuit, nous construisons et ajoutons d’autres rangées de pierres dans la muraille de Jérusalem, puisse-t-elle être construite rapidement et de nos jours, Amen.