L’incroyable histoire d’amitié qui va lier un esclave hébreu, Eliakoum à un prince égyptien : Ankhéfènie, sensible à la souffrance humaine.
Sur fond de sortie d’Egypte, découvrez au fil des épisodes comment un héritier du trône égyptien s’apprête à troquer le pouvoir absolu contre une vérité qui le transcende, au fil de ses débats théologiques avec l’un des représentants de la caste la plus méprisée et la plus vile de la société égyptienne.
Résumé de l’épisode précédent :
Eliakoum, le jeune esclave hébreu est à présent sous la protection du Prince Ankhéfènie, a qui il a donné sa première leçon de tire à l’arc. Mais dans l’Egypte de Pharaon, personne n’est jamais vraiment à l’abri du despote et de ses sbires.
Chapitre 6
« Nos patrouilles ont détecté du remue-ménage dans le district nord-ouest ».
« C’est le secteur des Lévites ».
« Votre rapport, chef de garnison ? »
« Nous… nous pensons que… le fils de Bitia est revenu, Officier Supérieur ».
Le visage carré de l’homme sembla se durcir. Il soupira nerveusement.
« Impossible ! Les gardes de la cour royale l’ont abattu, j’ai moi-même lu leur rapport ».
Pharaon était resté silencieux. Pensif.
Tout le monde se rappelait du vieil augure des astrologues quarante ans plutôt. Les étoiles leur divulguèrent qu’un jour, un homme délivrerait les esclaves du joug égyptien. Fou de rage, Pharaon ordonna la noyade d’enfants Hébreux par milliers espérant ainsi braver les sentiers du destin. Des espions sillonnaient Goshen dans le but de traquer les nouveaux-nés. Le sang des enfants de Canaan ruisselait le long des sentiers d’Egypte, salé par les larmes de leurs mères. Une période noire que l’Egypte passait sous silence dans ses chroniques.
Les souvenirs se tournaient vers un événement dont la cour se souvenait bien : l’enfant de Bitya. La fille aînée de Pharaon adopta l’un d’entre eux. Découvert dans le Nil, abandonné en plein milieu des eaux, Bitya supplia son père de lui accorder la faveur d’élever cet enfant comme le sien. Sa stérilité eut raison de l’intransigeance de Pharaon. L’enfant serait soumis à un examen fatidique en vue de révéler son caractère.
Des conseillers du souverain soupçonnaient que cet enfant puisse être le fameux libérateur des Hébreux. Ils proposèrent au Roi Suprême de l’Egypte un test stupide
On installa devant lui un plateau d’argent sur lequel deux écuelles en bois furent installées. Dans l’une, des lingots d’or scintillants éclatants de brillance ; dans l’autre, des charbons ardents. Tous les membres du Conseil examinaient scrupuleusement la scène. Si l’enfant choisissait l’or, il s’agirait, prétendaient-ils à l’évidence d’un enfant cupide, avide de renverser le Pharaon, et il faudrait le tuer. Il ne fut pas difficile pour le sinistre despote de se laisser convaincre par ses fourbes conseillers pour décider de l’avenir de l’enfant, fût-il le fils de sa propre fille.
Contre toute attente, l’enfant, saisit à plein poignet, les charbons sous les yeux dubitatifs de ses inspecteurs, et se blessa irréversiblement sa langue, mais sauva ainsi sa vie subrepticement. Elevé dans l’aristocratie égyptienne, ce jeune hébreu était cependant très discret, il apparaissait très rarement aux mondanités de la cour. Son teint différent de celui des égyptiens, mais aussi son appartenance au peuple opprimé ne laissa pas indifférent. Sa mère de fortune l’appela Moché.
A la cour, il suscitait la méfiance. Certains gênés en sa présence préféraient l’éviter, si bien qu’il se réfugia dans les manuscrits de pensée qu’il dénichait clandestinement du bâtiment des Lévites à Goshen. Au royaume de Pharaon, personnes n’évoquait le sort des Hébreux, les horreurs qu’ils subissaient étaient occultés de la population …
On raconte qu’un beau jour, le jeune Moché sillonna les chantiers de corvée. Il surprit un Egyptien bastonner sauvagement un Hébreu, l’homme croulant sous les coups de son bourreau. Il ne le supporta pas, et d’une manière encore étrange, selon les témoins, , il vengea son frère de sang en tuant son persécuteur.
C’en fut de trop pour le conseil, qui décréta qu’il devait mourir !
L’événement fut délibérément négligé par les scribes de la cour. On n’entachait pas l’image de l’Egypte, surtout pas dans les chroniques de l’Histoire…
« Seigneur » tenta le général Adjib « J’ai…j’ai vu le rapport de mes gardes, l’exécution du prince Moché a bien eu lieu ».
Pharaon redressa lentement sa tête arrêtée à l’oblique pendant qu’il rêvassait, puis fixa le général Adjib droit dans les yeux.
« Je sentais que c’était lui… », dit-il d’un murmure. Il se redressa sur son trône. Sa voix allait en se durcissant. « Laissez-le venir à moi ». Les yeux de l’aigle placé sur le trône royale devinrent rouges, l’assemblée sentait une vague de froid glacial parcourir la pièce…
« Je le tuerai de mes propres mains ». Une ombre noire planait au-dessus du Pharaon. L’assistance connaissait sa maîtrise de la sorcellerie. Par contre, l’attitude de Pharaon ne laissait planer aucun doute : contrairement à ce qu’affirmaient les différents rapports, et leurs retranscriptions dans les chroniques, Moché était encore en vie.
« Châtiez les esclaves par les plus grands supplices de l’Egypte. », avait-il tonné.
« A vos ordres Pharaon, que vos paroles soient gravées par les eaux du Nil », dit le chef de guerre Oserkrê.
Pendant que les participants s’en allaient peu à peu, le sorcier Osmaarê, proche conseiller de Pharaon, sollicita une audience privée.
Ce dernier, étonné, accorda aussitôt l’entrevue.
Une fois l’assemblée hors du palais, Osmaarê posa son genou à terre attendant que l’empereur lui fasse signe de s’approcher.
« Parle, mage, que dit ta sorcellerie ? »
« Mon roi », dit-il de sa voix grave. « C’est au sujet d’Ankhéfènie » Il hésitait… Pharaon eut un soubresaut nerveux à la paupière. Les dents serrées, il écouta nerveusement.
« Je l’ai vu en présence d’un Hébreu au palais… ».
« AAAAHHH ! » Pharaon explosa. Hors de lui, il ne se maîtrisait plus. Il descendit de son trône comme possédé, renversa les coupelles d’or sur la table de bois, puis bondit vers le sorcier. Les gardes, ameutés par les bruits, firent immédiatement irruption dans la pièce.
Pharaon s’approcha au point de se retrouver nez à nez avec le mage. Le sorcier tremblait. Il pouvait même sentir l’haleine fétide de Pharaon, une odeur de cadavre, ses yeux étaient comme… morts !
« Je te préviens », dit-il entre les dents, « si Ankhéfènie est perverti, tu le paieras de ta vie, et de celle de tes proches... Occupe-t’en !».