L’incroyable histoire d’amitié qui va lier un esclave hébreu, Eliakoum à un prince égyptien : Ankhéfènie, sensible à la souffrance humaine.
Sur fond de sortie d’Egypte, découvrez au fil des épisodes comment un héritier du trône égyptien s’apprête à troquer le pouvoir absolu contre une vérité qui le transcende, au fil de ses débats théologiques avec l’un des représentants de la caste la plus méprisée et la plus vile de la société égyptienne.
Résumé de l’épisode précédent :
L’assassinat d’Anarè, la doublure du prince Ankhéfènie lors des jeux de la capitale, avait contraint le fils de Pharaon à fuir à travers les souterrains égyptiens en direction de Goshen. S’il a perdu Eliakoum, le jeune esclave hébreu mais néanmoins ami, il fait à présent route avec le Rav Aboulkabat Halévy qui a pu échapper à son geôlier.
Après un éreintant périple sous les vétustes souterrains égyptiens, Ankhéfènie et le Rav Aboulkabat arrivèrent enfin à Goshen. Les habitants de la ville hébreue virent au loin les deux hommes, dont les habits déchirés et salis en disaient long sur leur voyage. Ils accompagnèrent le Rav et son disciple dans la tente principale des Lévites où les deux hommes jouirent d’un repos bien mérité.
Les gens affluaient. Tout le monde à Goshen voulait saluer les deux hommes. Une énorme foule s’était formée pour accueillir le Rav. Les anciens de la ville eux aussi avaient pris part au rassemblement. Les jeunes scandaient « Longue vie au Rav Aboulkabat ! Baroukh Habba ! (Soyez les bienvenus) »
Goshen avait changé d’allure depuis que Moché était revenu en Egypte. Le processus de libération commençait à délivrer les esclaves de l’asservissement moral. Les gens à Goshen se sentaient revivre. Les enfants jouaient dans les terre-pleins de la ville, les vieillards osaient eux aussi se balader dans les allées, sans crainte qu’un agent ne les réquisitionne pour un dangereux travail de corvée. D’ailleurs, les travaux de labeur étaient interrompus dans toute l’Egypte pour une durée indéterminée. Les esclaves commençaient enfin à goûter à la liberté.
Alors que les gens dansaient et chantaient de joie autour de leur maître, une vieille dame s’avança discrètement au milieu des gens en pleine exaltation. Elle s’approcha à petits pas du rassemblement et fit un signe discret au prince d’Egypte dont l’identité demeurait encore un mystère pour la majorité des gens.
Le prince la suivit en dehors du chahut. La femme se présenta.
« Je m’appelle Tamar », dit-elle, « je suis la mère d’Eliakoum. »
Le prince la regardait, navré. Il savait mieux que personne quelle transformation avait opéré son fils. La luxure du palais et les stratagèmes mis en place par le Conseil pour profaner toute idée du sacré avait réussi à corrompre le jeune Eliakoum.
« Je sais qui vous êtes, prince. Nous recevions de votre part il y a quelques mois des colis de nourriture... »
Elle reprit..
« Dites-moi, prince d’Egypte… Qu’est-il arrivé à mon fils ? ». Elle ne contenait plus ses larmes à présent.
Sa fille Sarah, qui se tenait non loin, s’était approchée d’elle pour la soutenir.
« Vous savez », dit -elle le visage mouillé par les larmes, « Eliakoum a toujours été fragile, et je ne voulais pas qu’il aille dans votre palais… mais il voulait tellement faire votre connaissance. »
Elle continuait, suppliante. « Je vous en prie, prince d’Egypte, vous êtes le seul à pouvoir le raisonner. Il vous admire tellement… »
Ankhéfènie se tenait là, devant la mère de celui qui lui avait fait découvrir le judaïsme. Il ressentait de l’empathie pour cette maman dont le fils s’était détourné des voies de la vérité. Aurait-il dû préserver le jeune hébreu des influences idolâtres du palais ? Aurait-il pu ?
Il pensa à sa mère qu’il a lui aussi abandonné pour une idéologie différente de la sienne… Son cœur se pinçait.
« Je…je… je suis vraiment désolé. Je ne peux plus revenir en Egypte, tout le monde me croit mort à présent », finit-il par dire tête baissée.
« Je vous en prie, Ô prince d’Egypte», insista la mère d’Eliakoum en larmes, « sauvez mon fils ! »
« Allez, viens maman, nous devons rentrer » dit Sarah, saisissant le bras de sa mère.
Les deux femmes s’éloignèrent vers la foule en agitation.
Ankhéfènie resta là un moment à méditer. Il observait cette femme dont le leurre idolâtre enleva son fils. Ce mensonge dont lui-même a été victime toute sa vie.
« Viens, Ankhéfènie ! », lui dit le Rav Aboulkabat en lui tendant la main pour le faire entrer dans la tente.
Une fois les deux hommes loin de l’attroupement, Ankhéfènie prit le Rav à part.
Les chants festifs se faisaient entendre de loin. Ankhéfènie resta silencieux un instant, puis finit par dire : « Je dois aller secourir Eliakoum. »
Il le regardait droit dans les yeux. Sa décision était prise.
« Je sais, Ankhéfènie. Je me doutais que tu n’allais pas le laisser », dit-il en lui saisissant les mains. « Fais attention à toi, mon fils. »
« Je tâcherai, Rav. Priez D.ieu qu’Il m’accompagne. »
Les deux hommes s’enlacèrent d’une étreinte paternelle. Puis le prince tourna les talons et s’en alla en direction du tunnel souterrain d’où ils étaient venus.
« Tu viens, Eliakoum ? La cérémonie va commencer », dit-elle depuis l’extrémité de sa maison.
« Oui, oui » répondit -il, l’air hésitant.
Eliakoum avait emménagé dans la maison d’Anoukis. C’était une maison sur deux étages, les murs étaient couverts de mosaïques représentant des moutons, une des divinités égyptiennes. Le mobilier était en bois de chêne sculpté à la main. Le confort égyptien dans toute sa splendeur…
« Je suis très excitée car aujourd’hui, tout change pour toi. Tu ne t’appelleras plus Eliakoum, le mage Osmaarê va t’attribuer un beau nom égyptien et puis… ce sera la première fois que tu sacrifieras une offrande à nos dieux. Tu verras tu ne l’oublieras jamais »
Elle s’approchait de lui car elle sentait qu’il n’était pas très enthousiaste. Caressant son crâne rasé, elle lui dit : « Ne t’inquiète pas Eliakoum, tout se passera bien. Et puis, on en a déjà parlé… ».
Il acquiesça, tête baissée. Le jeune hébreu n’était plus le jeune homme confiant et plein d’assurance qu’il était quelques mois plutôt. Ses instincts l’avaient dominé et sa conscience le faisait souffrir. Aujourd’hui, il se laissait guider par cette femme qui contrôlait littéralement son esprit, aidée de son père, le mage Osmaarê .
Il se sentait coincé dans un monde qui l’a pris au piège, ne parvenant plus à rebrousser chemin. Honteux de son comportement, il culpabilisait d’avoir laissé ses instincts le submerger. Mais que faire, se disait-il, il est trop tard maintenant. Parfois, le souvenir de son père lui pinçait le cœur, lui qui avait tant sacrifié pour la foi en un D.ieu Unique… Et puis, il y avait sa mère et ses sœurs…mais quel lâche !
Ses pensées s’agitaient, se troublaient, il ne parvenait pas à cesser ce vertige à l’intérieur de lui-même.
« Tu es prêt mon chéri ? Nous allons être en retard », dit-elle sur le pas de la porte.
Aujourd’hui, Eliakoum deviendrait un égyptien à part entière. Son nom allait être modifié et il allait devoir offrir un sacrifice à une divinité.
Il avait enfilé la tenue traditionnelle. Une grande toge rouge et noire, avec une effigie de mouton tricotée au dos en référence à leur divinité.
« Tu es très beau comme ça, allez viens on y va. »
Sa main était encore sur la poignée lorsqu’elle poussa un cri d’effroi.
Cette silhouette robuste sous ce châle noir ne faisait pas de doute pour la jeune égyptienne. Elle se tenait en face du prince d’Egypte…