L’incroyable histoire d’amitié qui va lier un esclave hébreu, Eliakoum à un prince égyptien : Ankhéfènie, sensible à la souffrance humaine.
Sur fond de sortie d’Egypte, découvrez au fil des épisodes comment un héritier du trône égyptien s’apprête à troquer le pouvoir absolu contre une vérité qui le transcende, au fil de ses débats théologiques avec l’un des représentants de la caste la plus méprisée et la plus vile de la société égyptienne.
Résumé de l’épisode précédent :
Sous l’emprise des vices de l’Egypte, Eliakoum est méconnaissable. Il a adopté le style vestimentaire égyptien. Il est à présent prêt à renoncer à sa foi, et même aux valeurs humanistes de ses ancêtres. Après avoir livré le Rav Aboulkabat Halévy à des spécialistes de la torture, plus rien ne semble l'empêcher de faire marche arrière. Mais pendant qu’il sombre, la délivrance semble s’amorcer à Goshen...
Le soleil diffusait ses premiers rayons. Les odeurs des pains que les boulangers enfournaient se propageaient dans tout le palais pharaonique. A cette heure-ci de la matinée, personne n’était autorisé à sortir de son logis. Pharaon se baignait dans les eaux du Nil, et gare à celui qui serait vu hors de sa demeure… Mise à part sa garde rapprochée, la ville était déserte, les bateaux de pêche et les navires commerçants pouvaient emprunter le fleuve seulement une fois le soleil franchement sorti de sa demeure.
Comme tous les matins, deux serviteurs musclés transportaient l’empereur sur une coupole d’argent afin qu’il se baigne en toute sécurité. Pourtant, ce matin-là était différent, Pharaon le sentait bien. La veille, les deux frères hébreux, Moché et Aaron avaient troublé la cour par leur prodige ainsi que par leur effronterie. Pharaon était anxieux. Il savait pertinemment que les deux hommes n’avaient pas dit leur dernier mot.
Il se baigna à la hâte, tentant de donner le change tant bien que mal, cherchant à dissimuler son angoisse à ses serviteurs tout aussi troublés que lui. D’un geste sec, il donna l’ordre qu’on le dépose aux abords de la terre ferme.
Ses hommes de main s’exécutèrent et traînèrent le monarque jusqu’à la rive. Deux autres serviteurs l’attendaient sur le rivage et l’enveloppèrent d’un châle de soie. La ville était encore éteinte, défendue de s’éveiller, et seules les mouettes osaient crier.
Le calme relatif fut soudainement rompu par l’interpellation soudaine d’un serviteur affolé : « Majesté, Majesté, ce sont les deux Hébreux de la veille ! »
Pharaon avait eu du flair.
Les deux hommes s'avançaient avec assurance depuis l’horizon, d’un pas calme mais décidé. Ils traversèrent l’esplanade qui menait jusqu’au sacro-saint lieu où Pharaon se baignait.
Balayant ses gardes du regard, il tonna : « Y a-t-il quelqu’un qui aurait peur de ces deux-là ?! ». Ne recevant pas de réponse, il insista de sa voix hargneuse, en hurlant de plus belle : « Y a-t-il quelqu’un qui aurait peur de ces deux-là ?! »
La garde répondit à l’unisson : « Non, seigneur, vous êtes le seul que nous craignons », et ils posèrent tous un genou à terre avant de se relever immédiatement afin d’assurer la sécurité de leur empereur.
Rassuré par cette hymne glorieux, Pharaon se sentit suffisamment galvanisé pour faire face aux deux hommes qui se tenaient devant lui. Le pas calme des deux hommes était tout bonnement déstabilisant, comme s’ils ne firent pas cas des gardes armés à la carrure massive qui les entouraient. Une fois à une certaine distance de Pharaon, Moché et Aaron s’immobilisèrent devant le roi d’Egypte. Sa garde encerclaient les deux hommes de près.
« Encore toi, Moché ! », dit-il d’un ton dédaigneux. « J’aurais dû t’éliminer dans le berceau ! ».
C’était une de ses phrases emplie de méchanceté qui n’attendait pas de réponse. Moché connaissait bien le caractère du despote, il n’en fit pas cas.
La garde ne savait pas trop pourquoi, mais Pharaon ne donnait pas l’ordre de les exécuter sur le champ. Tout le monde était retenu par une crainte inexplicable qui se dégageait des deux Hébreux.
Moché, Aaron et Pharaon étaient tous les trois aux abords du Nil, Pharaon étant plus en hauteur des deux, mais ils se situaient tous sur la ligne du fleuve. Moché enleva son châle par respect pour la royauté de Pharaon, et il lâcha l’avertissement pour lequel, il était venu : « Le D.ieu des Hébreux m’a envoyé vers toi, pour te dire ‘Libère mon peuple afin qu’il me serve dans le désert’ et toi, tu n’as pas obéi jusqu’à maintenant ».
La voix de Moché portait avec une puissance incroyable, au point que toute l’Egypte l’entendit. Le Pharaon et sa garde étaient sonnés par ce vacarme, incrédules devant cette puissance qui se dégageait du corps de Moché.
La police s’efforçait de contenir les gens dans leurs demeures, mais la foule apeurée bravait les règles de bienséance. Personne n’osait, ni se savait comment interrompre Moché.
Il poursuivit : « Ainsi a parlé l’Eternel, par cela tu sauras que Je suis l’Eternel » puis brandissant son bâton il enchaîna : « Je frapperai les eaux du Nil et elles se changeront en sang ».
Mais c’est Aaron, son frère, qui saisit le bâton des mains de Moché pour frapper d’un grand coup le fleuve, dont les dernières gouttes d’eaux éclaboussèrent l’assemblée.
Petit à petit, sous les yeux incrédules de la population venue s’amasser autour de l’événement, les eaux du fleuve stoppèrent leur élan. Le Nil s’assombrit. Il devint noir, épais, jusqu'à devenir rouge sang !
Les fontaines du royaume crachaient elles aussi du sang à la place de l’eau. Les femmes hurlaient, les habits maculés de sang nauséabond. Les gardes crachaient leurs gorgées sur le sol aride : c’était bien du sang. Les gens s’affolaient, courant dans tous les sens, tachés de sang. Le spectacle était sinistre.
Moché et Aaron s’en allèrent d’un pas toujours calme et résolu.
« Mages, sorciers ! », cria le Pharaon que les gardes conduisirent en toute hâte dans sa demeure royale. Les lions en cage grognaient à tue-tête à l’odeur fétide du sang frais.
L’Egypte était collante et hideuse.
« Faites, vous aussi, apparaître du sang, sorciers », s’écriait Pharaon. Comme à leur habitude, ils utilisèrent des subterfuges d’illusions pour donner l’impression qu’ils réussirent à colorer l’eau en sang. Mais au fond d’eux, tout le monde le savait, ce n’était que de la poudre rougeâtre, rien à voir avec ce sang authentiquement dégoulinant.
De l’autre côté du palais, Goshen était partagée entre joie et peine, leur maître vénéré Rav Aboulkabat avait mystérieusement disparu. Les soupçons se tournèrent tout naturellement vers ce nouvel élève dont on ignorait l’identité.
Ankhéfènie sentit les regards soupçonneux, il ne savait plus où se mettre, lui plus que les autres espérait ardemment le retour du Rav.
« Regardez, c’est lui, c’est un égyptien, il est venu pour nous espionner ! », s’était écrié un étudiant devant le prince d’Egypte.
Les regards se tournèrent vers l’accusé et sur sa table était posé un verre… de sang !
«Saisissez-le ! » dit l’un d’eux.