Bonjour,
Imaginons qu'avec les progrès de l'IA, une sorte de super rabbin virtuel soit mis en place, qu'en pensez-vous ? Ainsi, il connaitrait à la fois tous les textes, les commentaires et commentaires des commentaires. On pourra dialoguer avec lui, il pourra même soutenir plusieurs conversations simultanées, partout dans le monde, dans des langues différentes. Surtout, il pourra répondre avec une précision extrême à toutes les questions et se mettre à jour au cours du temps.
Aura-t-on encore besoin de rabbins classiques ? On peut même imaginer qu'il fera le rôle des Guedolim (Grands de la génération) en tranchant de nouveaux points, à l'appui de toutes les connaissances disponibles, et il sera donc même plus "performant".
En vous remerciant.
Bonjour,
La sorte de "super rabbin virtuel" existe déjà sous plusieurs versions. Il y a certes, des choses extraordinaires à apprendre de l'IA mais les risques encourus ne sont absolument pas à négliger et malgré ses avantages et ses performances incontestables, il y a plusieurs limites qui rendent irremplaçable le rôle d’un Rav humain.
En fait, il est inutile d'ouvrir le débat car aucun doute n'existe sur ce sujet. Toute tentative de discussion ne ferait qu'introduire une illusion d'incertitude là où il n'y en a pas. Chaque mot ajouté donnerait l'impression qu'un autre point de vue est possible, alors qu'il n'en est rien. Ce n'est pas une question à trancher ni un sujet à explorer : la vérité est évidente et incontestable : un Rav doit être en chair et en os, et surtout, avoir un cerveau, en "chair" et sans os.
Explications :
1. Avec les progrès de l'IA, on peut effectivement imaginer un programme ultra-performant qui offrirait des réponses après analyse et citation de tous les versets du Tanakh, et de tous les enseignements du Talmud, des Richonim et A'haronim sur tous les sujets, en n'oubliant pas toutes les réponses rédigées par tous les grands décisionnaires des siècles passés.
Cependant, il y a plusieurs points essentiels à prendre en compte :
2. Le Rav n'est pas simplement une base de données ambulante. Il a un Da'at Torah, une compréhension spirituelle et humaine ainsi qu'une sensibilité forgées et façonnées suite à de très nombreuses années d'étude. Sa Yir'at Chamayim [crainte du Ciel] et sa connaissance de la réalité qui l'entoure sont une valeur ajoutée indispensable à chaque décision qu'il prononcera.
3. Une IA, aussi avancée soit-elle, ne pourra jamais ressentir, comprendre les nuances techniques et émotionnelles d'une question ou sonder la profondeur de la Néchama d'une personne. D’un point de vue purement technique, une IA rabbinique serait effectivement capable d’analyser une quantité phénoménale de textes, de comparer différentes interprétations et d’expliquer des concepts complexes avec une précision et une rapidité inégalées. Elle pourrait aussi répondre à toutes sortes de questions et proposer des décisions en Halakha en fonction des sources les plus pertinentes, mais l'expérience a prouvé que l'IA, aussi parfaite et pointue soit-elle, se trompe très souvent : l’IA sait répondre, mais seul un Rav peut vraiment comprendre.
4. Un Rav n'est pas seulement une "machine à Halakha" ou un "moteur de recherche Halakhique"; il est un guide et un conseiller. Lorsqu'une personne vient poser une question à son Rav, elle ne recherche pas seulement une réponse technique, elle s'attend à une écoute, elle veut ressentir de la compassion, et surtout, un intérêt adapté à sa situation personnelle. L’IA ne pourra jamais donner un vrai 'Hizouk [renforcement moral] à une personne découragée et brisée : l’IA peut traiter des mots, mais pas les maux.
5. La réalité qui nous entoure évolue sans cesse, le monde se modernise à une allure vertigineuse, il faut savoir trouver dans la Halakha, le ou les "paragraphes" permettant de traiter ces situations. La décision du Rav vient souvent d’une intuition, d’un raisonnement original [*] ou même d’une certaine "audace" [le fameux 'Hidouch]. Une IA pourra synthétiser l’existant, mais pourra-t-elle réellement proposer du "nouveau" ou penser "hors du cadre" comme l’ont fait les grands décisionnaires de toutes les époques ? Réponse : non.
[*] Le Rav a souvent besoin de faire appel à l'analogie d'un concept à un autre ou une comparaison d'un cas à un autre [דימוי מילתא למילתא] : pour établir une comparaison entre deux sujets afin d'en déduire une règle, une compréhension plus profonde ou une décision à prendre. Le Talmud et les écrits des Svoraïm, Guéonim, Richonim, etc. englobent tous les cas de figure possibles et inimaginables, et ce, même les nouveautés qui voient le jour aujourd'hui. C'est une méthode d'analyse qui aide à éclaircir un concept ou un cas de figure en le mettant en relation avec un autre qui est clair, explicite ou mieux compris. L'IA, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas en mesure d'engager une telle réflexion.
6. Une "super IA rabbinique" pourrait être un outil hyper puissant pour aider à la recherche d’informations, un assistant d’étude, un moyen de faciliter l’accès à des enseignements d'une certaine rareté, mais elle ne remplacera jamais un Rav humain authentique et encore moins, un Possek [décisionnaire] car notre Torah de vie - 'Ets 'Haïm - repose avant tout sur la transmission vivante et une sagesse humaine.
CONCLUSION :
L’IA résonne mais le Rav raisonne.
Pour des détails supplémentaires, voir ici :
https://www.torah-box.com/question/chatgpt-intelligence-artificielle-interdits_87475.html
Nous sommes à votre disposition, Bé’ézrat Hachem, pour toute question supplémentaire.
Qu'Hachem vous protège et vous bénisse.
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Jean Innocent